Mais moi j’étais pire.
J’étais cet homme couron­né de poulpes
qui déchi­ra dans l’exactitude de sa mort
le linge écar­late des menstrues.
Rien ne lui a survécu.
Ni l’étourneau ancien,
Ni la gor­gone du chant précédent.
Or, il tint un jour la pure épée.

*
Par les eaux successives,
par la bouche incisée des serments,
le crin dur du réc­it par­le de toi,
du sang de porphyre
qui a tra­ver­sé la nappe blanche.

La tem­pête saccage la raie très douce
qui sépare tes chevelures.
La lune mac­ule la fleur du proverbe :
La soie crème et les dards
Qui trem­blaient hier
sous la danse irritée des faux-bourdons.

*
Le pour­tour de l’île s’est fait,
par cette nuit vio­lente, plus compliqué.
L’aurore se déchire,
lacère les chardons velus
et les yeux d’oiseau de l’archange.
Mais les phalènes qui présageaient l’aurore
meurent. La main vulnéraire,
la blême méduse des promontoires,
la main de Lazare,
qui devait tourn­er le poignet à biseaux
qui nous séparait de la flamme
rouge et cachée du cerisier
n’est plus qu’un colifichet

*
Du navire ens­ablé aucune nouvelle.
Le scalaire de l’ancienne capitale
marche der­rière le mot
qu’une fronce a coupé.
Tu guideras par la main l’insensé.
Tu seras le drap blanc parsemé d’if,
tu seras la mor­sure et la thériaque
et la nuit elle-même pour lui.
Un rire venu de l’autre rive,
du trot­toir où ne règnent
plus que l’éther et le rhum,
un rire poissard
agite et boule­verse la fleur unique.

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Catherine Boudet

Jour­nal­iste, chercheur en Sci­ence poli­tique et poète, Cather­ine Boudet est née à l’île de La Réu­nion et réside à l’île Mau­rice depuis une dizaine d’années, où elle est con­nue pour ses analy­ses de l’actualité poli­tique et son engage­ment en faveur des droits humains et civiques. Elle a con­sacré toute sa car­rière à la recherche en Sci­ence poli­tique sur la démoc­ra­tie maurici­enne. Grand Prix de poésie Joseph Del­teil 2012 pour Les laves bleues [Cal­ligra­phie des silences] et Prix Fetkann de poésie 2013 pour Bour­bon Holo­gramme, elle est l’auteur d’une dizaine de recueils poé­tiques et fig­ure dans plusieurs antholo­gies de l’océan Indi­en et d’Afrique. A tra­vers ses écrits jour­nal­is­tiques, poli­tiques et lit­téraires, Cather­ine Boudet s’attache à pro­mou­voir des « archi­tec­tures men­tales alter­na­tives ». Il s’agit là non seule­ment de pro­pos­er un con­tre­poids aux dis­cours dom­i­nants ou une décon­struc­tion de ces derniers, mais aus­si de pro­duire de nou­veaux modes d’approche du monde insu­laire et de favoris­er l’émergence d’une pen­sée endogène. De ce fait, l’écriture de Cather­ine Boudet entend se démar­quer des thèmes désor­mais clichés du métis­sage, de la créolité et de l’interculturel, pour aller vers de nou­velles descrip­tions poé­tiques du vivre-ensem­ble insu­laire, notam­ment celle de l’incommensurabilité des expéri­ences en con­texte multiculturel.