Les certitudes nous maintiennent sur un socle précaire, flammes debout que bientôt les feuilles recouvrent, amenuisent, étouffent. Nous restons sans appui sur la terre nue, glacée, au seuil du vertige et de l’obscurité.
Notre seul viatique : l’espérance secrète du printemps.
Les migrateurs
Novembre noir, novembre gris
poème sans ciel sans ailes sans bruit
la rue se noie la rue est sombre
le vent tourne dans les manteaux
les visages gommés par la pluie
(en toi indivisible je reconnais
le goût de l’eau)
on dit que la joie
compose dans sa lumière franche
de trop faibles poèmes
(je ne peux taire le chant
qui le matin monte à ma gorge
ourle mes lèvres fleurit ma main)
on dit que la joie
est un leurre pour les oiseaux
que la vérité se situe
dans des zones entre gel et ombre
dans l’opacité de la rue
(je te sais, et je suis la source
comme la source
sait l’océan)
Novembre noir, novembre gris,
dans l’aube humide sur les ruelles
j’ai vu la joie ordonnant sa clarté
vers ce vol lointain que ton regard suivait.
Templum
les augures déchiffrent le vol des oiseaux dans un carré donné de ciel.
baguette de coudrier, bois de cerf, trompette de cuivre
tracent dans les airs l’angle d’une vision inaccessible
Sois l’espace entier, la fenêtre où voir est sans limite
l’horizon : on le mesure à ce qui tremble
par delà les lignes possibles. Le temple est transparent
Hirondelle
fends et strie le ciel de l’arc de tes ailes
présage, pulsation, boomerang
ailes noires, cœur rouge, ventre blanc
emporte dans la nue les couleurs du conte
et reviens, plumes empennées d’orage
de foudre, illuminer la nuit
Vivre c’est
entendre cette musique qui s’élève
parfois avec la douleur
Vénus annonçant la nuit
nos mains
(comme un pressentiment
le mouvement suspendu)
sont tendres
et disent en se retirant :
grâce soit rendue à nos os de flûte
par qui la musique fut ailée.