Fabien Pio, dans son premier livre, « vestiges du vent », paru aux éditions Éclats d’encre (2015), avec cette écriture intense, cisaillée, ne laisse pas de place aux fioritures vaines et dispensables, sans tutoyer pour autant la rigueur froide, inhospitalière, d’un coup de poing sans état d’âme.
Le poète ne veut pas choquer, brutaliser ; il écrit avec la volonté de communiquer avec l’essence même de notre ressenti, de notre vécu – de notre être intime.
Le mot essentiel du dire. La vérité du verbe.
En complément, ou peut-être avant tout, Fabien Pio est photographe. De ces explorateurs de l’image qui ne se contentent pas de montrer, ou de démontrer, mais ne suggérer, de percer à jour ce qui ne l’est pas encore, bref, d’utiliser l’image comme un poème dénué de mots, ou plutôt, aux mots multiples, mais muets.
On n’entend pas les mots, mais on les sait.
Ils sont là, dans la silhouette floue d’un être face à une fenêtre – qui est cette personne ? un prolongement impalpable du questionnement permanent de l’humanité : où va-t-on ? d’où vient-on ? qui est-on ? homme, femme, enfant, ancien, tous ? ; ou bien encore dans ce visage donnant l’impression de surgir d’une autre époque, alors que vivant bel et bien dans la nôtre, celle du photographe – quand vivons-nous, dans le temps actuel, ou de la permanence du vivre ? figés par l’image, sommes-nous morts ou bien immortels ? ; et dans cette plage où le noir et blanc, empli de bruit (terme photographique et tellement poétique itou), nous plonge dans une incertitude : où est le ciel ? où est la mer ? où commence la fin ? où se termine le début ?
En parallèle, en accompagnement, en soutient, ou peut-être au départ, la présence des mots d’un autre poète, ô combien lu et aimé, Salah Al Hamdani.
Les poèmes ne semblent pas aller avec les images, mais aller vers elles.
Pour ouvrir un dialogue, là aussi.
Pour nouer un lien, pourtant évident, entre voir et lire, entre exprimer et ressentir.
Pour lier deux êtres, deux territoires, deux vies, et former non pas un lien, mais une multitude de liens :
« D’une terre à l’autre
d’un abîme à l’autre
j’allume l’âme du monde
et réveille sa pupille argentée” ,
nous dit Salah Al Hamdani.
Mais rappelons aussi que dans « Vestiges du vent », Fabien Pio disait :
« savoure
les heures sans crainte
bordé dans le secret du nid
où seule afflue la lumière
n’en dévoile aucune graine
pas même la poussière
plus tard
n’oublie jamais
ces jours à distance
de l’averse des saisons »
Voir nous ouvre au savoir. Lire à être, pas seulement survivre.
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