Il faudrait pou­voir se tenir debout immo­bile, atten­dre et ne rien vouloir, ne rien souhaiter. Seul, dans l’ob­ser­va­tion muette du ciel et de la terre, sous l’oeil mobile d’une nature qui nous ren­voie sans cesse à notre fragilité.

 

« Je songe infailliblement
à cette coquille de noix perdue
dont nous seri­ons les cerneaux,
tassés par la peur ».

 

L’être seul encore même à deux tra­verse l’e­space de cette prose poé­tique sen­si­ble, dans cette soli­tude, ce « temps inhab­ité » où « je fais une ten­ta­tive d’ex­is­tence ».

C’est une voix prég­nante, qui pense, qui cherche une clé, une réponse en forme d’e­spoir. Tout dit l’ab­sence, ce cheveu  « arrêté sur la corne brune du peigne », « le vase sur la table tou­jours trans­par­ent » et « la table longue ».

La seule présence tou­jours est peut-être celle con­tenue dans ce très beau texte de la page 27 inti­t­ulé « Nul­la » qui ren­voie au néant, à la mort.

 

« Lorsqu’on ne l’at­tend pas
elle se poste juste der­rière le dos
-vigie de l’in­térieur. On la sent tout près
mais elle se retourne aussitôt. »

 

Pour­tant « tu ne t’es jamais absen­tée »

De cette terre où même la neige est veuve, où le pein­tre absent perd ses couleurs, où le blanc même est « un acompte au noir », nous avons été oubliés.

 

« Novem­bre avait pris la neige en otage
Les routes ne furent jamais aussi
silen­cieuses dans l’ab­sence des pas ».
 

En dernier état, dans le sou­venir,  demeure :

« tout ce que j’avais pronon­cé sans jamais
 le dire avait l’é­pais­seur de
cette nuit ten­dre ».

 

Et les couleurs revi­en­nent avec la présence de l’autre, même loin­taine, « j’é­tais sûr que tu resterais », avec cette cer­ti­tude qu’il serait facile de « la retrou­ver ».

Ce qui frappe d’emblée au fil de « La fig­ure des choses » c’est l’en­vahisse­ment de l’élé­ment eau, une eau où tout flotte, la mémoire, les pen­sées, les désirs et les peurs, une eau même peu pro­fonde mais où le noir domine et où tout appelle « depuis l’autre bord ».

 

« Les êtres invis­i­bles ont cette fâcheuse manie
de mur­mur­er comme une langue étrangère
dont je sai­sis par­fois la gram­maire, car
je m’au­torise à écouter le monde
que je ne vois pas ».

 

 

Fab­rice Farre est né le 7 novem­bre 1966, à Saint-Etienne.

Il a con­sacré une thèse à la poésie con­tem­po­raine (Let­tres et civil­i­sa­tions étrangères) et traduit les poètes tels que Lor­ca, Mon­tale… Ses textes ont paru, en France et à l’é­tranger, dans près de soix­ante-dix revues, col­lec­tifs ou sites lit­téraires ( Décharge, Libelle, Comme en poésie, Pyro, Microbe, Traction-Brabant…)

En out­re, Fab­rice fig­ure dans l’an­tholo­gie “Vis­ages de poésie — tome 6” réal­isée par le poète et illus­tra­teur Jacques Basse (édi­tions Rafael de Sur­tis – 2012).

Dernier recueil paru en juin 2014 : Le chas­seur immo­bile – Edi­tions Le Cit­ron gare
 

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Laurent Maindon

Lau­rent Main­don est met­teur en scène et auteur par pas­sion, fils de pein­tre en bâti­ment et de cais­sière, plutôt vian­des que légumes, et durable­ment hédon­iste. Il a fondé et dirige le Théâtre du Ric­tus, com­pag­nie de théâtre con­ven­tion­née, depuis 1996 et défend tout par­ti­c­ulière­ment les écri­t­ures dra­ma­tiques con­tem­po­raines (Syl­vain Lev­ey, William Pel­li­er, András Forgách, Hein­er Müller, Edward Bond…).

En tant qu’auteur, il a pub­lié plusieurs ouvrages de poésie (récem­ment Chroniques berli­nois­es, Soudain les saisons s’affolent, La Mélan­col­ie des Carpathes…) et quelques nou­velles et réc­its (récem­ment La col­lec­tion, Voivo­d­i­na Tour, Par delà les collines…). Il col­la­bore avec les édi­tions E‑Fractions et le Zaporogue et pub­lie égale­ment dans dif­férentes revues (Le Zaporogue, Terre à ciel, Revue des Ressources, Recours au poème)