Oeuvre mélancolique et douce où l’émotion affleure à chaque ligne, où la solitude paraît l’unique, la plus légitime des compagnes, Le chasseur immobile de Fabrice Farre porte la trace de ces cheminements intérieurs, dans l’intime de soi, au plus près des silences et des mouvements du monde. Le chasseur immobile vit en chacun de nous dans le temps renouvelé de nos vies, au seuil de l’évidence et des matins blêmes.
C’est cet homme qui traque ou guette l’insomnie au fond d’une chambre ou d’un lit « au cœur de la nuit »,
« trois heures déjà que je suis levé, que les masses noires peinent à devenir »
c’est l’amant au « désir désarçonné » guettant encore « les talons sur le carrelage » alors que tout est dit : « je procédai aux derniers préparatifs sous l’oeil fixe de l’oiseau noir », puisque « l’amour tenace lui aura été fatal »
c’est cet homme qui ne trouve plus la quiétude dans cette chambre trop grande où « même la solitude blanche et transparente masque les angles où tu disparais »
C’est elle ou une autre, la solitude, dont il ne se déprend pas et qu’il a épousée, dans cette chambre où il n’a jamais dormi où la fin rôde « tant est mort tant vit et revient »
c’est cet homme fragile, tel « le roseau qui – dit-on, est un homme à la merci du vent », mais qui se laisse porter par le silence et l’attente
c’est cette ombre, une « image » pas nette, dans le « flou du jour et des pensées »
c’est cet être à l’affût du bonheur à prendre, dans l’attente d’un peut-être dans « cette obsession à croire ».
c’est l’homme seul, c’est chacun de nous, « chasseur distrait » ou « guetteur » « d’une nuit trop connue » qui « ne sait plus quelle heure choisir »
Du « je » de la première partie le lecteur passe dans la seconde partie au nous.
« Au bout du chemin mettrons-nous nos mains dans nos poches, résignés à nouveau »
Jamais rien n’est dit et tout à la fois.
Qui est ce nous ? L’homme solitaire et une mère, une femme, une sœur, que la solitude a substitué ? Omniprésente, impérieuse, ne serait-ce pas plutôt la solitude elle-même personnifiée qui tient la main de l’homme ? Fidèle compagne des heures d’insomnies, elle garde jalousement la place.
« Il n’y a personne… Tu me reviens en rappel
Nous avons arpenté ce plat dimanche. »
Patiente manuelle
« A mains nues disais-tu ?
La patience a une heure d’avance
ta main est dans ma main
dix petites collines à la barrière
fondent sur l’horizon grand
comme un mouchoir. Nous prenons
ainsi notre destin. En avance
sur le monde petit qui s’agite
nous nous retrouvons pour marcher moins vite
qu’au temps où il fallait courir,
ralentis par une crise de sursaut
sur le terrain accidenté de nos dix petites collines
Fabrice Farre est né le 7 novembre 1966, à Saint-Etienne.
Il a consacré une thèse à la poésie contemporaine (Lettres et civilisations étrangères) et traduit les poètes tels que Lorca, Montale… Ses textes ont paru, en France et à l’étranger, dans près de soixante-dix revues, collectifs ou sites littéraires ( Décharge, Libelle, Comme en poésie, Pyro, Microbe, Traction-Brabant…)
En outre, Fabrice figure dans l’anthologie “Visages de poésie — tome 6” réalisée par le poète et illustrateur Jacques Basse (éditions Rafael de Surtis — 2012).
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