Fil de lecture autour de la micro édition poétique avec trois éditeurs passionnés par leur rôle de passeur de poésie : Yves Perrine pour les éditions La Porte, Julien Bosc pour les éditions le phare du cousseix et Gilles Plazy pour les éditions la Sirène étoilée. Trois éditeurs pour trois auteurs pleins de talents qui méritent d’être découverts, bien que ne figurant pas dans les listes de best seller des librairies.
Guénane – Au-delà du bout du monde
Au-delà du bout du monde il y a « la fin de la terre » qui « n’est pas le début du ciel ».
Au-delà du bout du monde il y a les « houles des Cinquantièmes Hurlants » et autres lieux pétris de notre imaginaire.
Au-delà du bout du monde il y a le nom insubmersible de Magellan.
Au-delà du bout du monde on peut « embarquer pour l’australité » vers des « tortures géographiques » et une « lumière crue ».
Au-delà du bout du monde il y a des cormorans des albatros, ces poètes qui « déploient leurs talents » « dans le lit du vent ».
Au-delà du bout du monde il y a les « lubies du Williwaw » cette « gifle descendue des Andes ».
Au-delà du bout du monde il y a des « courants qui se contredisent » et des mots à y « chaluter ».
Au-delà du bout du monde il y a des « marins et poètes » « passeurs de peines ».
Au-delà du bout du monde il y a une langue yaghane qui se meurt aux bord des « eaux millénaires » où leurs barques savent « décrypter les silences ».
Au-delà du bout du monde il y a « l’éternité à notre portée ».
Au-delà du bout du monde il y a encore les cicatrices de la colonisation « Monsieur Darwin lequel fut pour l’autre l’animal ? ».
Au-delà du bout du monde il y a le « continent qui recule » et la « terre qui s’amenuise ».
Au-delà du bout du monde il y a mille raisons de s’interroger « à quand remonte la souffrance du monde ? » « avons-nous depuis appris à voir ? » « Et vous, quelles traces laisserez-vous ? ».
Au-delà du bout du monde il y a comme une alerte, le « tocsin avant collapse ».
Au-delà du bout du monde il y a la poésie de Guénane, la belle « poésie en voyage » de Yves Perrine.
Au-delà du bout du monde doit se placer le poète.
Guénane
Au-delà du bout du monde
éd. La Porte – Poésie en voyage
2015
35 p
3€80 (abonnement 21€ pour 6 numéros à l’adresse Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 Laon)
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Jacques Josse — Au célibataire, retour des champs
En treize poèmes datés du 25.11.2013 au 13.03.2014, Jacques Josse poursuit son travail d’élégie aux petites gens, dans un petit ouvrage, édité par Julien Bosc dans un format qui n’est pas sans faire penser aux plaquettes rouges des éditions Wigwam, qu’animait Jacques Josse il y a quelques années.
Jacques Josse, « arpenteur de solitudes » selon le regretté Ronald Klapka, évoque ici avec pudeur le quotidien d’un de ces anonymes à la « vie rêche », comme hors du temps au « visage torturé » et aux « yeux éteints », un de ces transparents qui traversent le monde avec « sa part de ténèbres. Son feu intérieur ». Ces gens de la campagne avec « l’horizon à hauteur des talus », si souvent moqués et pourtant si remplis d’humanité et à l’âme toute aussi noble.
[…]
Demande au cheval mort
qui tire depuis toujours dans sa mémoire la même
charrue aux socs usés
de continuer à lui labourer le crâne
pour y semer ces idées noires
que les corbeaux déterreront dès l’aube.
Comme toujours, Jacques Josse compose en quelques courtes proses, une poésie en fines esquisses d’instants simples. On y retrouve donc les thèmes de la solitude, cette meurtrissure mortelle, la mort, le deuil, bien sûr, toujours sous-jacents dans l’œuvre de Jacques Josse. La mort, cette éternelle question qui rend les hommes si fragiles, jusqu’à les emporter.
Ici, le regard de l’auteur est bienveillant. Et cette bienveillance, sur ces habitants du monde sans plus de destin qu’un chemin ardu et quelques idées noires, fait plaisir à lire dans le monde actuel si cynique.
Jacques Josse
Au célibataire, retour des champs
édition le phare du cousseix, 2015
16p 7€
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Nicolas Le Golvan – Psaume des psaumes
Avant d’ouvrir ce livre intitulé Psaume des psaumes, j’appréhende de ne rien y appréhender justement. J’ai peur que ma volonté de me maintenir à l’écart de toute religion me soit un handicap pour apprécier ce nouvel ouvrage publié par les éditions La Sirène étoilée. Mais bon, je suis vite plongé dans la mort d’un David que l’auteur tient à ne pas présenter précisément. Mais avec ce titre on est obligé de penser à ce roi David, présent à la fois dans la la Torah, la Bible et le Coran. Et si la poésie pouvait réunir les trois religions dans une même vision de la mort injuste ? Et si l’amour quel qu’il soit était chanté par tous ?
David le bien aimé est mort. Son amant est partagé entre le désir de rendre hommage
« Comme si on devait aux morts ces égards et ces vers que personne n’a donné aux vivants » et celui de garder le silence «Et pourquoi donc parler ? / le silence suffit au feu à disposer de toi ». Il veut s’appliquer en choisissant ses mots « David, pauvre toi / je n’ai de poème pour envelopper tes restes ». Des mots de poésie pour ce psaume. Psaume des paumes perdues sans l’Autre, toujours marquées par le souvenir « ton nom écrit désormais dans ma paume, pauvre livre arraché de mes mains qui ne se lavent pas de ton nom ».
Des mots de poésie, quoi de mieux pour rendre les honneurs « les jolis mots qui rendent l’honneur, la beauté à la vie, l’homme pour l’homme ». Des mots de poésie pour dire l’amour au delà de la mort « Je ne suis que l’ombre de mourir à l’ombre de ce reste de toi ».
Réflexion sur la mort aussi « Assez, David, je vais te dire ce qu’il en est de mourir car la mort est à charge des vivants », « pour l’homme qui meurt la lumière est exacte, l’arbre infatigable » et sur la fragilité des hommes « David, combustible maigre jeté au grand feu des hommes » . Et la religion « un monde fidèle, David? Tu croyais? comment peut-on croire encore? ».
Ce psaume est une bien belle élégie d’amour « au débit de ton nom, David, je n’ai pas démérité », « je garde de toi ce qui n’est écrit dans aucun de tes livres, David » au delà de toute religion et de toute culture.
Nicolas Le Golvan
Psaume des psaumes
éditions La Sirène étoilée
48p, 12€
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