Comme le nom de la collection l’indique, il y a contraintes, celle de développer autour d’un avec ou sans : sommeil, paroles, ascenseur, opinion, violence … souci, méthode, trucage, chichis… À chaque semaine, sont notées les heures de lever et de coucher de soleil qui déterminent une durée de jour et de nuit. Ces durées décideront du nombre de mots et de signes. À chaque semaine donc un « avec ou sans » que deux protagonistes développent chacun alternativement de jour (avec) ou de nuit (sans).
En écriture romane il s’agit du texte de Florence Saint Roch, en italiques il s’agit du texte de Dominique Quélen, Les semaines impaires c’est Dominique Quélen qui lance la proposition et les semaines paires c’est Florence Saint Roch.
Il y a « ma vieille ». Elle s’adresse des conseils, s’explique avec elle-même avec intensité, avec entrain, tellement qu’elle n’utilise pas de virgules, pas le temps de faire une pause, le texte galope pendant lequel elle s’exhorte et s’encourage : à dormir, à cracher, à patienter, à regarder, à travailler, à chanter, à tenir bon, etc … Elle colle à sa réalité tout en essayant de ratisser large l’horizon du connu et de l’inconnu, pour ensuite souvent s’aventurer dans le monde de la mythologie. Elle cherche les moyens d’améliorer sa qualité de vie, de n’être pas dupe, de rester lucide. Et l’écriture caracole de mots en associations d’idées derrière lesquelles on sent tout le plaisir de l’auteure et sa jubilation à manier la langue. En définitive, cette « ma vieille » cherche en se parlant à améliorer sa capacité à se surprendre tout en étant une bonne compagne pour elle-même : « un toi nouveau qui scintille et ondoie dès que tu l’as trouvé celui-là tu ne le lâches pas c’est un monde inconnu où aborder un territoire à explorer rien qui t’oblige à revenir après alors pars ma vieille pars.»
De l’autre côté il y a la voix en italique, qui semble plus détachée du sujet, elle informe, elle raisonne, navigue entre les possibles, tire des semblants de conclusions, s’essaie à la sagesse, fait de l’humour noir ou qui rit jaune, se glisse sous la peau des gens ordinaires pour témoigner de leurs petits malheurs quotidiens, dialogue aussi assez souvent. Le ton est parfois au désabusement, toujours enjoué, grave, ironique, et qui connaît Dominique Quélen et sa façon d’être, le retrouve dans ses variations comme improvisées.
Florence Saint Roch/Dominique Quélen, avec/sans titre, éditions Louise Bottu, collection contraintEs, 111 pages, 13 euros
Entre jazz et ping-pong, entre personnages mythologiques, monde onirique et réalité terrestre, on voit que le hasard qui s’invite naturellement, sera contré momentanément par la volonté de se plier à l’exercice demandé ou plutôt au défi relevé dans ce livre. On se retrouve amusés, interrogés, interloqués parfois aussi par la façon dont l’une ou l’autre aborde le thème, par exemple dans le cas de la semaine 14 : avec / sans distinction ; ou encore semaine 24 : avec / sans filtre, là où Dominique Quélen décide de remplacer tous les f par ph et inversement, puis de s’adresser directement à « Phlorence » en espérant « à la phin n’avoir pas trop par mes grafies pharphelues, mes termes phictiphs, phalsiphié l’alfabet de notre éféméride ! »
De semaine en semaine on se régale d’une suite de passages délicieux, de chutes habiles :
- Semaine 11 (avec / sans grâce), quand l’une danse, l’autre observe : « Faire en français signifie chier. Exemple : ne forçons pas notre talent, nous ne fairions rien avec grâce. »
- Semaine 13 (avec / sans moi) « mais non c’est sans retour et d’ailleurs le jeu n’en vaut pas la chandelle. Recommencer ? Sans moi. »
Au bout du livre fort captivant, on se demande si le « sans » n’est pas plus important, plus significatif, plus déterminant dans nos vie humaines que le avec. Comme si tout reposait sur le manque depuis la naissance. Comme si chercher à combler, à remplir, allait finalement se révéler vain. On se dit, on se promet : plutôt faire sans, ce qui bien souvent revient à illustrer l’expression « faire avec »… Allez comprendre !!
Présentation de l’auteur
Présentation de l’auteur
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