France BURGHELLE REY, Petite antholo­gie, Con­fi­ance, Patiences, Les Tes­selles du jour

Rien ne pou­vait per­me­t­tre plus mer­veilleuse­ment de con­stater la cohérence des thé­ma­tiques chères au cœur de France Burghelle Rey que cette Petite antholo­gie qui réu­nit trois de ses recueils, Con­fi­ance, Patiences et Les Tes­selles du jour. Tout d’abord, et comme à son habi­tude, la sobriété de la cou­ver­ture sug­gère l’extrême pudeur de cette écri­t­ure sim­ple et con­cise, pro­fonde et émouvante.

Nous retrou­vons dans cette antholo­gie les formes de prédilec­tion de l’auteure telles que le ver­set, mais aus­si le vers libre, con­sti­tué d’une ou deux phras­es, trois au plus pour ce qui con­cerne Con­fi­ance, qui ouvre le recueil. Les poèmes, placés sous l’égide d’un appareil tutélaire façon­né de chiffres romains dans Les Tes­selles du jour, dis­tribués en trois chapitres pour Patiences, s’enchaînent, par­fois même sans titre aucun pour ce qui con­cerne les textes de la pre­mière par­tie. Ain­si rien ne vient trou­bler la dis­po­si­tion régulière et métronomique des vers : trois par page pour les deux dernier recueils, qua­tre stro­phes de trois vers par page pour le premier.

France Burghelle Rey, Petite anthologie

France Burghelle Rey, Petite antholo­gie, Con­fi­ance, Patiences, Les Tes­selles du jour, édi­tions unic­ité, 2017, 155 pages, 15 euros

Avant même de décou­vrir la langue de France Burghelle Rey, il est aisé de con­stater que l’espace scrip­tur­al devient un élé­ment qui par­ticipe à la mise en œuvre d’une séman­tique par­ti­c­ulière. Un rythme ter­naire s’y déploie : Il est per­mis d’y voir une référence implicite à la trinité, ou, pour le moins, et par analo­gie, de sup­pos­er le car­ac­tère  sacré que l’auteure a souhaité con­fér­er à l’ensemble de ses textes, grâce à ce dis­posi­tif tout à fait par­ti­c­uli­er. Mais décou­vrir les vers de France Burghelle Rey offre réponse : les thé­ma­tiques abor­dées par celle-ci pren­nent racine dans une mys­tique toute par­ti­c­ulière : celle d’une human­ité enfin unie dans la paix et la fraternité.

 

   Fouiller le passé chercher par­mi les fig­ures absentes ramass­er des lam­beaux de
   mon territoire

   Telle une chair dev­enue informe avec l’éloignement je m’en irai pour laiss­er ce mi-
   rage car

   Je crois au mir­a­cle de l’avenir il suf­fit d’être disponible comme on ramasse des feuilles mortes 

 

L’ambivalence bien sou­vent dévolue au lex­ique con­fère une tonal­ité toute par­ti­c­ulière à ces épanche­ments lyriques. Mais il ne faut pas s’y tromper : l’avenir ici n’est pas per­son­nel, il s’agit bel et bien de celui de nos sociétés. Serons-nous capa­bles d’édifier la paix ? Ecrire devient alors refuge et moyen d’enjoindre les hommes à ramass­er les feuilles mortes de l’ancien temps, afin d’exister ensem­ble, dans la fraternité :

 

   alors le temps est cet ami l’inconnu qui s’installe pour maîtris­er l’espace
   je refuse les voy­ages rêve de chapelles et de villages
  seule cette feuille est ma demeure j’y ferai du feu de vos fusils 

 

Évo­ca­tion de paysages et con­tem­pla­tion du mou­ve­ment inaltérable des saisons, tel est le sup­port d’une com­mé­mora­tion du sou­venir, mais aus­si de l’élaboration d’un univers inédit. La référence à la nature n’est pas ici, comme chez les roman­tiques, l’occasion de métapho­ris­er les mou­ve­ments d’une con­science en proie aux ques­tion­nements exis­ten­tiels et méta­physiques.  Bien sûr, les con­fi­dences de l’auteure sont par­fois poignantes :

XVIII

Qui sait ici qu’entre l’écorce et l’aubier suinte le temps ? tu t’obstines à croire
en tes proches mais ils sont igno­rants et ton attente est vaine solitude

Il existe des matins où tu prends les branch­es tombées pour autant d’épaves de
Vaines amies qui pour rien t’émeuvent tu crois avoir gag­né un jour de plus

Te voilà à la mer­ci d’une eau qui coule goutte à goutte d’un repas que tu ne souhai-
tais pas et d’une lutte quo­ti­di­enne car ici on ne chante plus les psaumes que tu ai-
mais 

Mais France Burghelle Rey enracine l’esquisse d’une mys­tique uni­verselle au ter­reau de ses vers, et cul­tive un verbe qui se veut fédéra­teur. L’humanité est tis­sée d’une imma­nence dont la nature témoigne : préex­is­tante à la civil­i­sa­tion vecteur de scis­sions et de guer­res, son con­cept, exploité dans toute sa dimen­sion allé­gorique, offre à la com­mu­nauté humaine une har­monie exem­plaire et chan­tée par la poète. Cette célébra­tion tran­scende les  réson­nances lyriques. Et même si par­fois les états d’âme de France Burghelle Rey transparais­sent, ils sont imman­quable­ment l’occasion d’énoncer un dis­cours uni­versel et qui porte la fra­ter­nité au rang d’horizon fédérateur :

                                                                  XIX

Se bat­tre quand les fleurs dis­parais­sent se bat­tre j’ai peur loin d’elles de la mer car
sable n’est pas terre mon chant n’est pas silence à l’aube où je me lève

Se bat­tre quand l’heure claire fait prob­lème ô nuits de mon enfance mes pieds sont
Glacés qui se chauf­fent à la brique se bat­tre quand mes rêves disparaissent

Il gagne sur les plages des poèmes galets baro­ques de ses vers des algues lui ser­vent de pinceaux pour saisir la couleur du soleil 

Mes­sage con­tinu et invari­able, mal­gré les années et la diver­sité de l’œuvre de France Burghelle Rey, c’est cet espoir d’une com­mu­nauté humaine har­monieuse comme les arbres d’une forêt coex­is­tent pour créer un espace de paix, vecteur d’épanouissement et de silence fer­tile, qui est au cœur de toutes ses préoc­cu­pa­tions. Toute entière dédiée à cet idéal, la poésie de France Burghelle Rey, grâce aux champs séman­tiques d’une sim­plic­ité qui con­fèrent à ses pro­pos une inno­cence céleste et limpi­de et à une mise en œuvre syn­tax­ique somme toute pro­to­co­laire, ne cesse d’exhorter ses sem­blables à se retrou­ver. Et en tout pre­mier lieu, elle leur offre l’espace du poème comme ter­ri­toire où édi­fi­er une parole fraternelle.

Faut-il per­pétuer les beautés qui sont là ou bien se con­tenter de reflets 

 

                                                            I

L’étau se desserre et se libèrent les mots c’est l’espoir d’un sens je rassem­ble les
fleurs pour que leur par­fum réponde à toute attente 

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.