Francis Coffinet, Le signe vertébral sécable

Poésie et Fictionnalisme scientifique

Ou cette part du souffle glissée dans la mort que l’on incise.

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1/ Si l’on considère la substance de notre lendemain comme l’unique possibilité de  nous identifier dans le temps, nous pouvons alors tenter par le subterfuge de la langue poétique d’en entrouvrir la chambre, que nous définirons comme secrète : glissement à l’intérieur de notre bouche d’un caillot de verbe qui pourra  déployer dans notre corps fractal et fictionnel  [éternel ] le principe actif romanesque, la formule chimique: le sel des possibles. 

Tous les écrits sacrés sont nés ce même principe de Fondation.

L’écriture comme nouvelles tables de la loi revient, conglomérée, comme un boomerang vers la grande épopée romanesque de chacun.
Elle nous  fixe ainsi  un coin dans le cœur - et  le tient entrouvert - 
Elle vampirise le vide  et nous assure une descendance  réelle dans la pensée. 

2/  Le jour où nous pourrons mesurer les constantes sanguines de nos rêves nous remonterons le fleuve des morts.

La fiction est en quelque sorte un art quantique, et la rétine  est pour chacun «  la boîte de Schrödinger ». Qui  se risque à briser l’oeil connaîtra la fin de l’histoire. 

Dans l’enlèvement de Patrocle par Achille de Fussli / on assiste à un combat cosmique où à l’inverse des  stratégies déployées en ce monde la fiction aspire  notre vie et notre sang.

« Visite l'intérieur de la terre ». · « En rectifiant ». · « Tu trouveras la pierre cachée. » peut on entendre dans la tradition.

« Avec de l’ici on biffe du là-bas » écrit Michaux 

Il faut non seulement analyser toutes les combustions mais sans relâche jeter la fiction  dans le foyer du réel pour l’alimenter et tenter la mise en orbite du sens.

"Patience, patience, patience dans l'azur ! Chaque atome de silence est la chance d'un fruit mûr !" écrit Paul Valéry- Notre histoire c’est aussi  cette patiente observation de la germination des symboles… [ à regarder longuement mûrir la foudre  on en devient le maître plus que la victime].

3/ Mâcher la fiction comme du kath, en écraser les aspérités sous la dent , et avancer, à tâtons , dans le système nerveux central. 

Ainsi nous conduisons le Vaisseau fantôme dans les coronaires.
Nous hissons le grand mât du fictionalisme à hauteur du réel - et nous pouvons répondre au chant des fées qui nous appelle.

Paul Éluard introduit une phase quasiment chorégraphiée du verbe :« On rêve sur un poème comme on rêve sur un être »  / ainsi il existe une sémantique génitrice dans l’écriture, ( une captations d’image(s) et de racines  qui équivaudrait, par un geste de la main, à la capture d’un papillon  en plein vol - / au réveil nous en gardons les traces sur les doigts/.
Figer  le vivant à hauteur de lévitation et de mythologie comme un lac d’huile nous  met à l’arrêt tel un  fixeur devant le réel.

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Un texte reprend forme comme une fleur de thé dans le pavillon de l’oreille et vient porter la promesse jusqu’en l’aire de Wernicke, là où se forment, en quelque sorte, la lave et  la compréhension du mot. Voilà ce qui initie le nourrisson à la durée et à la construction du soi.
Un monde de chair nommé croît dans le jardin des fictions . Mais il faut le nommer et le renommer sans cesse afin qu’il persiste.

Concept percé au foret le jour ou transmis comme un onguent par  imposition du verbe la nuit. Golem et cataplasmes de terre humide ne nous quitte plus. Il faut savoir se battre avec la fièvre [ derme, épiderme et organes] comme avec un tigre.

4/ Mutation de l’être / lent déplacement  dans l’espace mental, il n’en tient qu’à nous que la chorégraphie du mot ouvre un geste, une échappée dans le monde physique. Le léviathan sommeille toujours à nos pieds. 

Nos corps prêts à danser sous l’impulsion de la secousse tellurique qui dessinent notre futur par frottis. 

L’épistémologie, c’est le babil des dieux.

Une symbolique des arcanes de la sémantique et de la grammaire qui à chaque fois  donne un tirage différent.

Ce nouveau codex recèle sur le recto de chaque page les griffures écrites et sur le verso la cristallisation de la matière même du vivant. Le papier qui porte l’une et l’autre, c’est cela que nous appelons fiction. 

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Le livre de la grande science humaine se tiendra là, ouvert,  tant que quelqu’un pourra sans hésiter, sans peur du risque, se saisir à main nue de la lame aiguisée qui à la fois pourrait lui ouvrir les veines et lui permettre en même temps la découpe de chacune des pages. 

Toute la substance du temps , selon saint Augustin, tient dans l'instant indivisible qu'est le présent.

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« C’est l’alouette ou c’est le Rossignol ?  » écrit Shakespeare dans Roméo et Juliette bien avant que Deleuze et Guattari ne songent à mêler ( dans la philosophie du rhizome) le chant des deux oiseaux donnant ainsi tous  trois la réponse dans une même trille. 

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Poèmes extraits du Signe vertébral sécable

Le corps non exempt de corps

et l’œil :  petit cadran qui implose

 sous la ligne de flottaison du visible.

Premier principe alchimique :

à chaque fois que tu me tournes le dos, une saison se fane -

ou bien : 

en raclant les cellules de l’intérieur de la bouche 

on y trouve ton schéma, ta crête biologique-

ou encore : 

ouvrant une toute petite trappe dans ta joue

                       j’y glisse un destin à ton insu. 

  ∗

Une langue pour désapprendre,

une langue, à l’inverse du baiser,

 pour dénouer une à une les 

                                   bandelettes du sens.

Ligature

 

parole dissoute 

 

lumière criblée de sel

 

petit ange lingual.

 

Grain de fleur et pression sur la phalange de la tendresse-

 

l’aube évide le jour de sa matière

 

- dans chacun de tes os résonne l’une de tes vies –

 

quatre baies posées sur ton corps suffisent à m’en ouvrir les portes.

Toute lumière s’accroît de la somme des sourires qu’elle incise-

une chirurgie sans fin

où chaque corps touché reste en équilibre sur le fil –

je mords la chair

j’ouvre les deux plaies

j’appelle en toi tous ceux de l’intérieur-

le poids de chaque organe est un code chiffré :

même densité pour le cœur, l’âme et la rétine.

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l’auteur

Francis Coffinet

Francis Coffinet est un acteur, poète et plasticien français.

Il a tourné dans de nombreux films de fiction [cinéma, télévision] et participe régulièrement à des enregistrements radio, pour France Culture notamment, ainsi que pour d’autres programmes et supports. Il intervient également sur scène lors de lectures (spectacles de littérature et de théâtre).

Il est auteur et a écrit à ce jour une trentaine d’ouvrages / Poésie (livres classiques et livres d’artiste) beaucoup ont été traduits en de multiples langues – il est présent sur la scène internationale et dans les émissions littéraires et festivals de littérature. Indépendamment de cela, il est directeur de la collection « Les Cahiers Bleus / unicité ».

Son parcours plastique et photographique est en quelque sorte une poursuite du poème par le signe. Ses travaux sont diffusés sur des supports traditionnels, mais également contemporains (on peut le retrouver dans de nombreux livres, galeries, revues, lieux consacrés et surfaces virtuelles).

  • Le corps s’occulte, Brandes, 1982.
  • Instants, Brandes, 1984.
  • D’air et de boue, Les Cahiers bleus, 1985.
  • La terre et la tempe, bilingue franco-bulgare, traduction par Nicolaï Kantchev, Les Cahiers bleus, 1992.
  • L’argile des voyous, Le Mont Analogue, 1993.
  • Une aiguille dans le cœur, Le Givre de l’éclair, 1996.
  • Contre le front du temps, Le Mont Analogue, 1997.
  • Marche sur le continent en veille, bilingue franco-roumain, traduction par Horia Badescu, Les Cahiers bleus, 1998.
  • Je t’ai construit dans la promesse, bilingue franco-anglais, traduction par Patricia Nolan, Anagrammes, 1998.
  • Les Armes du silence, Éditions L. Mauguin, 1999.
  • Épreuves chamaniques, Alidades, 2006.
  • Les Fleuves du sixième sens, Dumerchez, 2006.
  • Je suis allé au soufre natif, Zurfluh/Cahiers Bleus, 2009.
  • Les Ambassades du vide, L'Oreille du Loup, 2010.
  • Je t'ai construit dans la promesse, réédition, Les Ambassades du vide, 2011.
  • La nuit triangulaire, Alidades, 2014.
  • Voyageurs des sept songes, Alidades, 2014.
  • Je suis de la maison du songe, préface d'Alain Borer, éditions Unicité, 2020.
Livres d'artiste
  • Une fleur sous l’acide, peintures de Jean-Pierre Thomas, 2000.
  • En une seule nuit, La tiédeur des formes, La mystique du rossignol, Brocéliande, Quatre livrets numérotés manuscrits et peints par J.P. Thomas. Collection « Papillons », 2004.
  • Ligne de vie en rhizome, avec quatre gravures de Thérèse Boucraut, 2005.
  • Une grande résolution vibrée, La table des simples, Un champ de sel où tu te roules, avec J.P. Thomas. Collection "Les éventails Mallarmé", 2006.
  • J’incise le défi, lithographies de Jérémy Chabaud. Editions du Mauvais Pas, 2008.
  • Aux effluves comme aux estuaires, peintures d'Ewa Wellesz-Carré, Transignum, 2010.
  • J'ouvre les solitaires dans leur longueur, peintures originales de Gérard Serée. Atelier Gestes et Traces, 2011.
  • Je lis ton histoire à travers la finesse de tes paupières/Leggo la tua storia attraverso la sottigliezza delle tue palpebre, avec Giusto Pilan, éditions Le Cinigie, Vicenza, 2012.
  • Un requiem dans le viseur, avec Wanda Mihuléac, Transignum, 2012
  • Perfusion d'obscur, avec des photographies de Mireille Pélindé Rian, 2014
  • De quelques pratiques magiques sur les corps, éditions Entre Terre et Ciel, 2016
  • La fleur me ralentit, avec des encres de Danielle Loisel, éditions Signum, 2018
Traductions
  • Adaptation de Printemps et ashura de Kenji Miyazawa. Traduction du japonais par Françoise Lecœur, Fata Morgana, 1998.

Filmographie

Cinéma

  • 1989 : Deux de Claude Zidi
  • 1990 : Il gèle en enfer de Jean-Pierre Mocky - Le chasseur
  • 1991 : L'Opération Corned-Beef de Jean-Marie Poiré - Georges Favart
  • 1993 : Toxic Affair de Philomène Esposito
  • 1994 : Trois Couleurs : Blanc de Krzysztof Kieslowski - L'employé de banque
  • 1996 : Un samedi sur la Terre de Diane Bertrand - Huissier 1
  • 1996 : Les Deux Papas et la Maman de Jean-Marc Longval et Smaïn
  • 1997 : Francorusse de Alexis Miansarow
  • 1997 : La Ballade de Titus de Vincent De Brus
  • 1997 : Tonka de Jean-Hugues Anglade - Le juge
  • 1999 : L'Ami du jardin de Jean-Louis Bouchaud - L'adjoint au maire
  • 2000 : Merci pour le geste de Claude Faraldo - Le commissaire
  • 2000 : Quand on sera grand de Renaud Cohen
  • 2000 : Les bûchers qu'on ignore de Vanessa Bertran et Diane Morel - Le portier - (court métrage) -
  • 2001 : Les Jolies Choses de Gilles Paquet-Brenner - Réceptionniste
  • 2004 : Albert est méchant de Hervé Palud - Le contrôleur
  • 2006 : Mon cher voisin de Julien Eger - (court métrage) -
  • 2006 : Jean-Philippe de Laurent Tuel - Missonnier
  • 2007 : Les Vacances de Mr Bean, de Steve Bendelack - le croquemort
  • 2009 : Banlieue 13 : Ultimatum de Patrick Alessandrin - Le comptable
  • 2010 : Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec de Luc Besson - Le docteur égyptien
  • 2010 : Opération 118 318, sévices clients de Julien Baillargeon - Jacques Leandri
  • 2010 : La Blonde aux seins nus de Manuel Pradal - Le journaliste
  • 2010 : Les Mains baladeuses de Noémie Gillot - (court métrage) -
  • 2014 : Le Dernier Noël de Harry Bozino - L'inspecteur du travail - (court métrage) -
  • 2016 : La Papesse Jeanne de Jean Breschand - L'évêque affable
  • 2016 : Entretien avec Jean Croque de Marc Charley et Pierre Sullice -
  • 2018 : Tout le monde debout de Frank Dubosc - le Prêtre

Télévision

  • 1989 : Les Nuits révolutionnaires (TV Mini-Series)
  • 1990 : Haute Tension - épisode : Les amants du lac (série TV)
  • 1991 : Cas de divorce - épisode : Belfort contre Belfort de Gérard Espinasse (série TV) - Paul Belfort
  • 1991-1993 : Maigret (série TV) - 2 épisodes :
    • 1991 : épisode 1 : Maigret et la grande perche de Claude Goretta - Dambois
    • 1993 : épisode 7 : Maigret et les caves du Majestic de Claude Goretta - Désiré
  • 1998 : Le rachat de Pierre Boutron - Huissier maître Germond
  • 1998-2013 : Le juge est une femme (TV Series)
  • 2000 : Blague à part - épisode #2.4 : Au bal masqué - Le réparateur
  • 2002 : L'Envolé, téléfilm de Philippe Venault
  • 2006 : Fête de famille - épisode 3 : Quand on a tout pour être heureux - L'huissier
  • 2006 : Avocats & associés - épisode : Plaisir fatal de Denis Malleval - Le juge Blanchard
  • 2008 : Duval et Moretti (TV Series) - Drôle de justice - Le médecin légiste
  • 2009 : Reporters - Episode #2.4 - Concierge club privé
  • 2009 : Au siècle de Maupassant : Contes et nouvelles du XIXème siècle - épisode : Claude Gueux de Olivier Schatzky - L'homme élégant
  • 2009 : Ce jour-là, tout a changé - épisode 2 : L'évasion de Louis XVI d'Arnaud Sélignac - Bailly
  • 2010 : Notre Dame des barjots, téléfilm de Arnaud Sélignac - Proviseur
  • 2012 : Profilage - épisode : Le plus beau jour de sa vie de Alexandre Laurent - Professeur Leroy
  • 2013 : Blessures invisibles: 1ère partie de Éric Le Roux - Médecin légiste
  • 2016 : Chefs - saison 2 - Le sénateur

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