Camera oscura
1
les rayures du
matin sur
ton visage tracent une
grille pour tes rêves presque
enfuis déjà
alors que tes
paupières battent com
me des papillons à
la fenêtre
ton père s’éloigne à
l’ombre le volcan derrière
lui
toi « les pieds dans l’herbe
du jardin » tu cours
vive, vers lui
mais le jour neuf réveille
le feu de tes cheveux tes
lèvres s’ouvrent même si tu fermes
encore les yeux
mes pas sur la mosaïque
rejoignent tes balbutiements ce matin
j’écarte les persiennes
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cette femme dont les
yeux seuls
sont visibles pose le
fleuve contre sa
tempe pour
la première fois
ces mots repris
dans sa mémoire « la
luxuriance du jardin, du
sycomore et de la source à
l’entrée d’Héliopolis »
apparaissent sur
le mur
l’eau jusqu’au
trait d’angle
les rues
seraient des étoffes noyées
où se rayent nos
mains tes fesses len
tement glissent
à hauteur des lampes
3
allongée sur le
lit visage mouillé tes
cheveux striés par
le store
je traverse les photos
passées d’un
vieux livre tandis qu’en
bas dans
le jardin sans herbe ton carnet
de rêves tombé un
enfant
énerve son chien lui
jette
son ballon en criant près
des doigts
relâchés
je te
rejoins
mot à
mot
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aux yeux de John Maynard Keynes l’accumulation de l’argent
pour l’argent, l’obsession du taux d’intérêt relèvent d’une
attitude morbide dont rien de valable ne
peut émerger. Il appelait de ses vœux un FM
I dont la monnaie supérieure serait le bancor
indexé sur le cours de l’or et distribué aux
états en fonction des puissances éco
nomiques respectives. Il était soucieux
de redistribuer des richesses aux
plus pauvres — pour soutenir la
consommation tout en en contenant
les tentations spéculatives
car une fois que les flux é
conomiques seraient
bien maîtrisés il pen
sait que nous n’aurions
plus qu’à nous consa
crer à la beau
té et puis
à l’a
mo
ur
5
de derrière les yeux
tout nous aurait traversés
avant même ces
histoires dont on
connaît tous
les débuts : reprises
reliées, défaites, ornées
brodées, ensorcelées qui
croire ? d’une langue
à l’autre du globe tu casses
le son dur des amants qui
s’ignorent
n’aurions que
ces images pour
dérober nos lèvres
aux bribes trop claires
ton visage nos adn
disparus dans la poussière
crépitent copeaux