1)

         Le pays d’ici.

      Ici, la nuit est som­bre, par­fumée et la petite route, par­fois inondée de lune pour une balade impro­visée – la 
mai­son,  posée au bord de la Voie Lactée.

     Ici, l’on écoute le silence : bruisse­ment de ce jet d’eau végé­tal qu’est le trem­ble, roucoule­ment des 
tourterelles turques, froisse­ment d’ailes dans les feuilles touf­fues, appel plain­tif de la hulotte, friselis des 
maïs séchés sous le vent…

     Ici, la fenêtre ouvre sur un coteau brodé de vignes hautes et sur le méan­dre de la départe­men­tale, qui s’étire
en pente douce vers le clocher.

    Ici, les petits chemins mal goudron­nés por­tent en leur cen­tre une ligne her­bue, par­fois hachée, par­fois ornée 
de touffes vertes, et, sur leur côté ensoleil­lé, un dou­ble fes­ton, tout noir : l’ombre des fils du téléphone.

   Ici, au détour d’un virage grand ouvert sur l’espace, c’est l’horizon à nu qui soudain vous saisit… et le cœur qui bondit !

         Août.

 

2)

       Un grand vent de soleil et de feuilles nais­santes promet,  entre les frênes,  la vie légère ! 

La lumière danse et éclabousse. La lumière nous invite au bal !

         Avril.

 

 3)

     Il est midi.

     D’un long trait de silence, un oiseau bien peigné s’élance,  du toit de tuiles à l’arbre. Seul, bruit le tremble : 
son bruit d’eau  rafraîchit.

     Et l’instant se blot­tit dans l’abri bleu du ciel comme, dans le corps,  la joie.

         Juillet.

 

4)

     A con­tre-ciel, le trem­ble ne bruit plus – ses feuilles d’or frais sur le pré vert éparpillées.

     L’été s’en va con­tre un ciel bleu rosé. Lente­ment chutent les feuilles ensoleil­lées : céré­monie dis­crète, léger
bruit sec. S’annonce le temps du dépouillement.

   Trem­ble sois-tu – et de bois vert : à toi de bruire en tes feuillets.

         Septembre.

 

5)

 (Pla­tanes, ce qui n’est pas dit)

     Plus que jamais les feuilles au long des fûts s’élancent — en un élan d’or trans­par­ent, de temps secret –

vers la lumière qui les aimante.

            Octobre.

 

6)

    Arbres d’hiv­er, maisons de branch­es dans les airs,  en trans­parence sur le haut ciel.

 A leur pied,  un tapis de chaumes,  roux  à peine au ras du soleil.

    Agile, l’enfant-cœur y grimpe et con­tem­ple, à cal­i­four­chon,  les drapés d’ors du couchant.

         Janvier

 

7)

          Plaqueminier.

     Immense dans le soleil, il  rutile en plein hiv­er. Le regarder est un mirage.

Du lev­ant au couchant, à ses branch­es étagées,  il sus­pend ses fruits cuiv­rés, inac­ces­si­bles — comme au Jardin 
des  Pommes d’Or.

Et pour­tant il en fait don : sa beauté nous est une arme. Au verg­er d’ici, il est l’Arbre.

     Fi du Drag­on : le chemin s’offre à notre allant, de terre boueuse et de plein ciel.

          Janvier.

 

8)

    En un instant,  le large nuage — taffe­tas gris lumi­nes­cent  à peine ourlé  de feu rosé — s’éparpille et  s’éteint sur 
le bleu du cré­pus­cule : splen­deur fugace qui tout efface.

    Divisé, il va son chemin.  Seule demeure, dess­inée au fusain, l’ossature éployée du grand chêne.

         Mars

 

   9)

  Plis­sées avec soin,  de petites feuilles — satin vert frais, soleil acide — appa­rais­sent  sur les arbres qui  jaillissent 
en bou­quets dans  la trans­parence du ciel,  tachetée à peine de frondaisons —  légères, légères.…

     Et nous allons sous les pla­tanes  —  voûtes nais­santes  de feuilles fraîch­es —  comme sous berceaux de plumetis
    L’encre a coulé dans la lumière.

          Mars.

 

   10)

     Le trem­ble a retrou­vé ses feuilles,  vert jade en forme de cœur : à  leur attache un col­lier, dentelé.

 (Ce sont de petits grains vert som­bre qui s’ébourifferont en pincées de coton, envolées sur le sentier.)

     Que tu sois souf­fle, pluie d’été ou bruisse­ment — trem­ble,  tu  appelles le Chant.

           Mai.

 

  11)

   Immo­biles dans l’air tiède,  les frênes  aux (déjà) feuil­lages d’été  fil­trent le chant du coucou –

qui vient effleur­er  la lumière sur l’herbe du talus.

    En la douceur  le temps s’abolit.

         Mai.

 

12)

Frêne aux cinq branch­es — évasées d’un tronc puis­sant  vers les  cinq ori­ents  en lyre de chaque jour — donne-
moi ton élan.

          Août

 

 13)

    Non loin des frênes dénudés,  le trem­ble pal­pite encore.

    A chaque souf­fle ses rares feuilles ébruitent dans le froid soleil  un chant ténu. 

Dansent les feuilles qui sont d’or, au bleu le plus clair du ciel, le bleu qui trem­ble en nos corps

 —  à jamais nus.

          Novembre.

 

 

Repro­duc­tion avec l’aimable autori­sa­tion des Edi­tions Alcyone
Copy­right Edi­tions Alcyone.

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