Depuis toujours : depuis Les résidences secondaires (1981), que les Éditions Recours au poème ont l’excellente idée de republier en format numérique, cet automne, et dont j’extrais ce court évènement textuel : « Intact le poème coule au pays absent »… Et depuis bien avant cela : depuis Le bréviaire de l’attente (1974) : « les enfants vieillissent de peur (…) / et les parapluies se ferment à tout jamais », l’œuvre profonde, prolixe et essentielle de Gaspard Hons témoigne d’une absence au monde, dont rendent compte les multiples « façons » de ce poète. Il dédie un cycle à « Personne ». Il écrit quelquefois en forme litanique. Il a donné dans l’hermétisme. D’un point de vue purement formel, il sait tout faire. Et il ne cesse de le répéter : sa présence au monde est une absence, et le monde lui-même n’existe que pour révéler la pureté de la conscience, une pureté qui consisterait à disparaitre. Voilà Gaspard Hons.
On a donc pu le lire dans les formes parfois incongrues d’une poésie qui ne veut rien dire. Mais cela reste vrai : les poèmes de Gaspard ne veulent pas. Ils laissent entendre. On l’a lu dans la litanie, proche des prières, mais, chez lui, se faire proche inclut une expérience de la distance et l’oraison ne franchira pas la distance. On a considéré qu’il ne se vouait qu’à « Personne » — et jamais plus qu’alors, on a pu le cerner. On le croirait « simple », aujourd’hui, mais quelle sottise ! La poésie de Gaspard ne vit que de contradictions et la simplicité syntaxique et lexicale des deux textes rassemblés dans son dernier recueil paru, témoignent moins d’une maitrise que d’un dépouillement. Une « simplicité volontaire » habite ce livre merveilleux.
Je ne dirai jamais assez combien cet homme vrai cherche le vrai en poésie. J’aurais honte de parler ici de « culture ». Car, s’il a lu des milliers de livres, s’il en a commenté des centaines, s’il a abondamment regardé les peintres, les sculpteurs, et écouté les musiciens, Gaspard Hons n’accumule pas les savoirs. Tout ce qu’il sait le conduit à s’épurer. Bien sûr, aimer Mozart n’est pas de trop. La culture de Gaspard ne lui sert jamais de paravent. Bien au contraire, elle le mène gentiment parfois, mais rudement, le plus souvent, à considérer qu’une présence au monde demeure à jamais guettée par la pathologie. Certes, il y a du Freud, chez lui. Certes, le trou de la Shoah est souvent rappelé dans son œuvre. Mais Gaspard n’est ni malade ni maladif et encore moins morbide. Ce qu’il dénonce, c’est la pathologie cachée, et souvent meurtrière, de ceux qui s’assurent ou se rassurent, de ceux qui se croient exempts de conscience parce qu’ils savent parler.
C’est presque tout. Pour moi, qui ai longuement fréquenté cette œuvre et cet être, profondément ancrés dans la recherche du poème, pour moi qui me situe, à certains égards, si loin de ses convictions, Gaspard Hons, en ses poèmes, demeure un éclaireur : « malgré les mains déchirées par le vent de là-haut, un marcheur, écartant les lèvres de sa plaie, allonge le pas avant la tombée du jour », écrit-il (p22).
Et comment peut-on mieux dire l’espérance, s’il s’agit de marcher, tant qu’il fait encore un peu jour, et marcher sans savoir ?
Gaspard Hons, Les Résidences secondaires c’est ici.
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