Gérard Bessière, De lumière et de vent
Des poèmes sur le seuil. Celui du grand passage entrevu par Gérard Bessière, aujourd’hui âgé de 95 ans. « Voici demain qui vient/dans l’ombre du mystère », nous dit, depuis sa retraite de Luzech au cœur du Quercy, le poète, ancien journaliste et exégète. Un émouvant recueil où « l’ombre de la nuit » côtoie « l’obstiné goût de vivre ».
Dans un précédent recueil, Au seuil du silence (Diabase, 2019), Gérard Bessière se disait déjà saisi de vertige au cœur du grand âge. Mais s’il résistait à la peur, c’était grâce au silence qui montait en lui « comme la crue de la rivière en mars ». Il pouvait donc rester paisible et disponible, accueillant l’inconnu, cultivant « le goût du beau et tant d’autres conduites ou réalisations qui nous élèvent ». Quatre ans plus tard, après avoir publié entre temps Le titre brisé (Diabase, 2020) et L’intime lumière (Diabase, 2021), le voici plus que jamais au seuil du silence.
Pour dire ce qui l’anime aujourd’hui, Gérard Bessière a opté pour une versification « à l’ancienne » : des strophes de quatre vers sagement alignés sur la page, six syllabes par vers. Mais l’important n’est pas là car domine, de bout en bout, ce tremblement qui signe la véritable parole poétique. Tremblement d’émotion, mais aussi une forme de désarroi quand l’homme est gagné par « le vertige du vide ». Alors il appelle au secours « les visages aimés » ou les paysages de l’enfance. Fleurs, herbes, papillons, merles, écureuils et nuages investissent ses poèmes. Oui, dire le beau de ce monde que l’on s’apprête à quitter. Dans L’intime lumière Gérard Bessière avait déjà montré sa volonté de continuer à avancer dans l’inconnu à l’exemple du bourgeon qui « ne sait pas/que sa mort dans le noir/fera naître une rose/au soleil de demain ».
Gérard Bessière, De lumière et de vent, Diabase, 2023, 67 pages, 13 euros.
Mais aujourd’hui le monde s’est rétréci. Il a quitté sa maison « pour une petite chambre » où la vie va « finir en silence ».Cette fin de vie, nous raconte-t-il, est peuplée « de rêves et de cauchemards » (…) / Pourquoi faut-il souffrir / Dans l’attente inquiète / De l’instant de mourir ? ». Il s’interroge : « Les planches du cercueil / Où je reposerai / Sont-elles déjà sèches ? ».
Gérard Bessière, homme de foi, voit au-delà de sa mort corporelle. « L’infini nous visite », écrit-il. « L’horizon est en nous ». Il aspire à retrouver « D’innombrables aïeux / Eblouis de tendresse ». Et fait un vœu : « A l’heure de mourir / J’aimerais regarder // Un arbre qui frissonne / A la brise du soir ».