Pour Gérard Bocholier, la poésie est un exercice spirituel. De recueil en recueil, son poème devient psaume, chant sacré dont il dit : « Je pourrais le définir comme un prélude lyrique de la prière, une méditation préalable à l’invocation, un exercice spirituel qui s’efforce à la plus grande simplicité, dans la fidélité à l’Esprit qui l’a fait jaillir. »
Le poète, qui se voit maintenant entré « dans la gravité/De la mort », chante la louange du souffle divin, de « l’ordre invisible » qu’il ressent profondément en lui, autour de lui : « Le temps vient où les ténèbres/Rempliront les cavités/De mes yeux où le silence/Resserrera ses mâchoires ».
Dans ce nouvel opus, on reconnaîtra la voix fervente du poète chrétien, entré dans « le temps de l’âme ». Nombreux sont les mots qui renvoient à Dieu et au Christ dans les versets : « maître, Pâque, martyr, Seigneur, Il, Toi pour l’éternité, croix, ange… » jusqu’au tutoiement intime avec Dieu, la « voix secrète » du poème se faisant chant de grâce qui tourne sur lui-même et revient en Phénix. Le dieu du poète invite « l’assoiffé de ciel » à faire corps avec la nature, à prendre chair dans chaque élément de la Création. C’est un dieu intime qui souffle les « mots pour nous dire/La très pure alliance/Des yeux et du cœur/De l’eau et du feu ».
Gérard Bocholier, Depuis toujours le
chant, Arfuyen, mai 2019, 13 euros.
Ici les forêts dansent « En liesse avec la mer », ici « une herbe en plein vent »prend valeur d’annonce, « Au bout du grand jardin/L’eau du mystère afflue »… Pierres, feuilles ou sources, le paysage entier est d’essence divine.
Parole sacrée et parole humaine se retrouvent intimement liées dans le chapelet des mots et des images qui s’interpénètrent de poème en poème. On retrouvera tout au long des versets une alliance entre la louange, l’amour, la joie, la patience, la liberté, la confiance et leur corollaire : la peur, la peine, la lassitude, la faiblesse, la solitude, l’amertume, l’effroi… l’échelle et le précipice formant un couple indissociable pour qui s’aventure à flanc de montagne. Le poète, dans une vision christique, s’élève « sur les degrés de la lumière » jusqu’à toucher « la plaie béante au fond du jour ». On remarquera les termes d’élévation, de montée, d’ascension, très présents dans ce parcours de foi. Jusqu’au dernier poème qui réunit les deux versants de la parole : « J’avance un peu plus courbé/Et je n’ai plus qu’à descendre/Mais jamais sur la colline/L’aube n’a été si belle. »
« Que n’ai-je le chant la mesure », difficile de dégager un poème plus qu’un autre dans ce recueil, tant tout semble confondu dans une même voix, une même oraison. Cette impression psalmodique se trouve accrue par la forme régulière du chant : des poèmes de deux strophes de quatre vers chacune, stiques bien définies comme dans les psaumes, poèmes qui se répartissent en 5 chants (15 poèmes, puis 17, 26, 19, 21). On notera la modulation rythmique adoptée pour chaque partie : vers de 8 syllabes, de 6, de 7, de 5, enfin de 7. L’alternance de ces rythmes pairs et impairs dans la macro et microstructure, ajoutée aux appuis consonantiques chers à la psalmodie, module le chant en douceur comme une flamme qui veille et danse sur l’autel. Toutes les saisons, toutes les heures semblent s’accorder dans la célébration du moment : un feu brille dehors et dedans, pour toujours.
Le texte, à l’image apaisante de la couverture, prend les couleurs nuancées de l’automne, la lumière pure de la neige. Il n’y a ni dessous ni dessus dans la peinture de Turner comme il n’y a ni avant ni après si on croit « au gage de la vie éternelle », à la parousie promise, à la mort comme une victoire. De « cueilleur d’éternité »en « veilleur » recueilli, « Le chant continue », affirme le titre.
Les croyants liront ce poème comme un chant de foi, les athées comme un chant de vie. Régénérant
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