Gérard Bocholier, Les Étreintes Invisibles
Je lis de loin en loin Gérard Bocholier en revues et je crois bien que c'est la première fois que je le lis dans un recueil, "Les Étreintes invisibles". Quatre ensemble de poèmes composent ce dernier. Le premier, intitulé Attentions, témoigne d'une enfance visitée par le présent. Si Gérard Bocholier fait allusion à sa croyance, c'est toujours avec beaucoup de légèreté, comme en passant, au détour d'un mot (âme, annonciation, prière, ange…). Seuls, peut-être, ces poèmes, "À genoux" et "Improvisation du jour" en disent plus mais rien qui n'impose ; mais ce n'est sans doute qu'un effet de l'indication du lieu qui leur a donné naissance ? Car Gérard Bocholier est profondément humain et tous les poèmes de cette suite sont placés sous le signe du partage.
Le deuxième ensemble, Frères de lumière, regroupe des poèmes qui sont des exercices d'admiration dans lesquels Gérard Bocholier rend à quelques poètes ce qu'il leur doit. Le point de départ semble (j'ai oublié mes lectures !) être un vers (indiqué en italiques) de l'auteur qui donne son nom au titre du poème. Exercices d'admiration car Bocholier prend son bien là où il se trouve pour en faire son miel.
Gérard BOCHOLIER, Les Étreintes invisibles,
L'Herbe qui tremble éditeur, 112 pages, 15 €.
Sur commande chez l'éditeur :
25 Rue Pradier 75019 Paris
ou sur le site www.lherbequi tremble.fr
Ce n'est sans doute pas un hasard si Jean Grosjean fait partie de ces frères de lumière, Jean Grosjean sous le signe de qui ce recueil est placé : "J'entends frémir les jours éternels", longtemps prêtre et qui traduisit La Bible. À son image, on peut définir Gérard Bocholier comme un "mystique toujours en questionnement", qui n'en finit pas de dire le temps, un certain temps (celui de son enfance) sur un ton d'une grande simplicité, sans effusions lyriques inutiles. Mais on trouve aussi dans cette partie un poème en hommage à Guillevic, le mystique sans dieu qui, pour reprendre les mots de Jean Rousselot, préfère la magie à la logique…
Du troisième ensemble intitulé Étreintes, je retiens le poème "Aux oiseaux" que traverse une approche franciscaine du monde, pour ne pas dire humble. J'ignore si Gérard Bocholier poursuit le questionnement du monde, mais je suis sûr qu'il se confronte sans cesse à ce qu'il pense être la lumière de l'univers. Certain également que si le passé n'est pas absent de ces poèmes (la place accordée aux morts est significative), le présent colore ces vers…
Dans la quatrième partie, Psalmodies, Gérard Bocholier continue de célébrer le monde tout en essayant de percer le mystère du poème qui est "une éraflure / Que l'âme rend plus profonde", à moins de se chercher soi-même. Alors peut-être faut-il se souvenir de la définition de la psalmodie qui désigne la manière de chanter les psaumes sur une note et qui, par extension, signifie une façon monotone de réciter ou de déclamer… Cette dernière partie, composée de 17 poèmes de deux quatrains d'heptasyllabes, si elle indique de Bocholier s'adresse à son dieu, peut être lue comme un partage offert aux lecteurs quelles que soient leurs croyances ou leur absence de croyance.
Et puisqu'il est question d'heptasyllabes, je ne peux m'empêcher de penser au poème d'Aragon, "La Rose et le Réséda", qui est écrit avec un tel mètre. Poème qui met sur un même plan "Celui qui croyait au ciel / Celui qui n'y croyant pas", le lecteur attentif remarquant que si les vendanges reviennent fréquemment sous la plume de Bocholier, le raisin muscat est présent dans le poème d' Aragon…