Gérard Bocholier, Une brûlante usure

D’ordinaire, je suis plus que méfiant à l’égard des journaux intimes. Je dois même reconnaître que je nourris une forme d’évitement à leur égard. Peut-être pour en avoir trop lus, ou pas assez.

Ou pas ceux qu’il fallait lire, allez savoir. Néanmoins, la fréquentation assidue de la poésie m’a souvent fait changer d’avis, avec bonheur. C’est encore le cas ici, avec cette brûlante usure qui consume chaque page d’un journal à la fois moins qu’un journal mais surtout beaucoup plus. Ici, on ne triche pas. Pas de faux-semblants, d’allusions narcissiques, de contorsions égoïstes, de fausse modestie ou d’air de ne pas y toucher. Je n’en attendais pas moins, ceci dit, de Gérard Bocholier, dont je reçois avec bonheur et attention, recueil après recueil, la parole pure et essentielle. Au fil des mois et des saisons, on chemine ici en compagnie des grands esprits d’hier et d’aujourd’hui. L’auteur prend note de tout ce qui éclaire sa vie, baignée d’une belle lumière automnale, déconnectée du tohu-bohu du théâtre de l’information.

C’est le partage d’un quotidien dont l’ordinaire est fait de la fréquentation régulière de Reverdy, Anne Perrier, Thierry Metz, Gustave Roud, Cioran, Joubert, Follain, Pirotte, sans omettre Jaccottet, Pessoa ou Paul de Roux, pour n’en citer que quelques-uns.

 Une brûlante usure, par Gérard Bocholier, éditions Le Silence qui roule, 15€.

Le temps des lectures intimes est porté par la musique de Bach, Brahms ou Schubert. Rythmé par l’écriture. Gérard Bocholier accepte sa condition de dernier hôte d’un paysage, celui de sa propre vie, comme un signe. La prégnance de la solitude fait de l’auteur une victime de chaque instant, pour reprendre le mot de Gustave Roud. Cette solitude ambivalente, qui l’aura hanté depuis le début comme un oiseau de malheur, certes, mais qui aura œuvré aussi d’une certaine façon à donner à sa parole poétique la valeur qu’on lui connaît et reconnaît. Alors, toujours, écrire pour reprendre haleine, pour reprendre pied. Pour tenir l’ennui et le doute à distance, exorciser le vide de la vie humaine, à laquelle une lumière toujours présente promet une consolation éternelle. Et s’il faudrait s’habituer à la mort, ce n’est pas pour se défausser de la fin qui menace mais plutôt accepter de voir s’approcher la coupe du destin et d’y plonger les lèvres, avec au cœur juste ce qu’il faut d’inquiétude. Quoiqu’on fasse, il nous faut nous maintenir dans l’éveil. Chez Gérard Bocholier, la poésie et la prière y veillent depuis toujours, en faisant de chaque livre une belle solitude traversée.

 

Présentation de l’auteur

Gérard Bocholier

Gérard Bocholier est né en 1947 à Clermont-Ferrand, il a fait ses études dans cette ville où il a ensuite enseigné la littérature française en classe de lettres supérieures. Originaire d’une famille de vignerons de la Limagne et franc-comtois par sa mère, il a passé son enfance et sa jeunesse dans le village de Monton, au sud de Clermont-Ferrand, qu’il évoque dans son livre Le Village emporté, paru en 2013 aux éditions L’Arrière-Pays.

En 1971, il a reçu des mains de Marcel Arland, directeur de la NRF, le prix Paul Valéry réservé à un étudiant. La lecture de Pierre Reverdy, à qui il consacre un essai en 1984, Pierre Reverdy le phare obscur (Champ Vallon) détermine définitivement sa vocation de poète. Il commence à publier des volumes de vers aux éditions Rougerie, le premier : Le Vent et l’homme en 1976. Cette même année, il participe à la fondation de la revue de poésie ARPA, avec d’autres poètes d’Auvergne et du Bourbonnais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis.

Gérard Bocholier

D’autres rencontres viennent éclairer sa route : celle de Jean Grosjean, puis de Jacques Réda, qui l’accueillent dans la NRF, où il publie des poèmes et où il devient chroniqueur régulier de poésie à partir des années 90. Il rencontre aussi Anne Perrier, grand poète de Suisse romande, avec qui il noue une amitié affectueuse et dont il préface les œuvres complètes en 1996 aux éditions de l’Escampette.

Il remporte le prix Voronca en 1979, pour Chemin de guet, puis le prix du poème en prose Louis Guillaume en 1987 pour Poussière ardente (Rougerie). En 1991, le Grand Prix de poésie pour la jeunesse du Ministère de la jeunesse et des sports lui est décerné pour un manuscrit de poèmes pour enfants qui sera publié en 1992 dans la collection du Livre de poche chez Hachette, sous le titre : Poèmes du petit bonheur.

Devenu directeur de la revue ARPA, il collabore également comme critique de poésie à La Revue de Belles Lettres de Genève, au Chemin des livres, à Recueil puis au Nouveau Recueil. Il rassemble certains de ses articles dans un essai, Les Ombrages fabuleux, aux éditions de L’Escampette en 2003. Il participe à plusieurs ouvrages collectifs, dont les cahiers 10 et 17 au Temps qu’il fait, consacrés à Pierre-Albert Jourdan et à Roger Munier. Deux livres de poèmes pour la jeunesse sont encore publiés, aux éditions Cheyne, illustrés par Martine Mellinette : Terre de ciel  et Si petite planète.

Il entre dans la prestigieuse collection des éditions Arfuyen en 2006 avec La Venue et en 2012 avec Belles saisons obscures.  En 2011, son livre de vers et proses, Abîmes cachés (L’Arrière-Pays), est couronné par le prix Louise Labé. Son engagement religieux se fait plus direct , il se consacre essentiellement à l’écriture de psaumes à partir de 2009 et publie chez Ad Solem : Psaumes du bel amour (2010), préfacé par Jean-Pierre Lemaire, et Psaumes de l’espérance (2012), avec un envoi de Philippe Jaccottet, récompensé par le prix François Coppée de l’Académie Française. D’autres livres de psaumes sont prévus chez le même éditeur. Un essai paraît en 2014 chez Ad Solem : Le poème exercice spirituel.

Il tient une chronique de lectures, Chronique du veilleur, depuis 2012, sur le site de Recours au poème.

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