Gérard le Goff, Les chercheurs d’or
Le nouveau livre de Gérard le Goff invite le lecteur à un voyage poétique à travers la littérature des XIXème et XXème siècles. C’est un hommage rendu aux écrivains français ou d’expression française, à ces « chercheurs d’or » qui, par leur exploration de la langue et leur art poétique, ont été au fil du temps les ouvreurs de nouveaux horizons et demeurent les maîtres spirituels de l’auteur.
Le titre trouve son inspiration dans l’épitaphe inscrite sur la tombe d’André Breton : « Je cherche l’or du temps ». L’illustration de couverture représente la rosace minérale qui orne la sépulture : une figuration de la pierre philosophale.
Gérard le Goff propose 58 évocations de poètes « à la manière de », selon une démarche qui nous fait (re)découvrir toute une pléiade de grands écrivains. Chaque texte est précédé par un portrait et par une citation qui annonce un thème à partir duquel l’auteur imagine une variation selon un principe musical. Il s’avère lui-même un maître de la langue et du style.
Les jeunes lecteurs traversent ainsi deux siècles de littérature, d’autres se rappellent leurs lectures et en retrouvent la nostalgie, contents de parcourir à nouveau le fil poétique qui va de Gérard de Nerval à Alfred de Musset, Charles Baudelaire, Lautréamont, Théophile Gautier, de Victor Hugo à Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, Guillaume Apollinaire, de Max Jacob à Robert Desnos, Paul Éluard, Boris Vian, Pierre Reverdy, de Tristan Tzara à André Breton, Raymond Queneau, Henri Michaux, René Char, Jean Tardieu, Eugène Guillevic et Yves Bonnefoy. À côté de grands noms d’écrivains, on en découvre d’autres moins célèbres, qui ont subi les horreurs de l’Histoire : Saint-Paul Roux, René Guy Cadou.
Gérard le Goff, Les chercheurs d’or, Éditions Stellamaris, 2023, 161 p., 20 euros.
C’est un parcours initiatique à travers certains thèmes dévoilés dans les citations de l’œuvre de ces poètes mais aussi dans la création de Gérard le Goff qui les reprend dans ses poèmes et ses proses : la vie, l’amour, l’enfance, le bonheur, le rêve, la mort, la guerre, la haine, le mal, la maladie, la tristesse, l’attente ou des motifs tels : le chat, l’oiseau, le ciel, la lune, les nuages, la mer etc.
L’auteur des Chercheurs d’or construit son livre sur la polyphonie des voix, d’une part, celles des écrivains d’un temps révolu, d’autre part, sa propre voix lyrique ou en prose qui rend hommage à ceux qui sont restés des repères dans l’histoire de la littérature française. Il sait bien adapter son style à ceux des poètes évoqués, nous faire ressentir en quelque sorte l’empreinte de leur création, un certain air de leur temps. Il nous offre aussi des notes explicatives à la fin de ses textes en prose pour nous livrer des aspects moins connus de leur vie et de l’histoire des lieux.
Gérard le Goff est simultanément graphiste, poète, prosateur, parfois historien et biographe. Il connaît à fond leur œuvre, leur vie, leur correspondance, les documents qui les concernent, les journaux qui en parlent, les bavardages, les expositions anniversaires, les supercheries littéraires, autant de sources d’inspiration pour lui. Ses textes prennent la forme d’un poème, d’un récit, d’une lettre imaginaire, d’une entrevue. À titre d’exemple, la lettre d’Antonin Artaud adressée à son psychiatre pour lui reprocher d’être traité de délirant et de malade mental, quand il ne fait que confesser ses états mystiques dans ses manuscrits. L’entrevue imaginaire d’un journaliste avec Louis Aragon devient le prétexte à livrer aux lecteurs sa biographie et de rappeler son soutien à Staline ainsi que certaines de ses dérives existentielles.
On saisit bien le côté ironique, persiflant de l’auteur, son humour discret, mais aussi son penchant pour le mystère, le fantastique, le mélange de réel et d’onirisme, le portrait et la description des lieux. La réalité quotidienne horrifiante se prolonge dans le cauchemar pour évoquer « le mal qui s’insurge contre le bien » dans la variation sur le thème de Lautréamont (Vers d’amour et de haine). Il s’amuse à écrire le poème Posada à la manière de Blaise Cendrars, en pratiquant un collage d’extraits de la prose de Gustave le Rouge.
Il faut ajouter aussi la passion pour le dessin de Gérard le Goff. Les 58 portraits réalisés au crayon et à l’encre, au regard si vif qu’ils semblent nous regarder depuis le passé durant notre lecture.