Gérard Mottet, Bien en deçà du seuil des mots

 

Les dés du vent nous ont jetés

Les dés du vent nous ont jetés
sur des chemins d’exode
avec chacun nos lots divers
d’errante solitude

un jour pourtant en quelque gîte
nous nous reconnaîtrons
car nous avons toujours chacun
gardé par devers nous

nos parts secrètes de symbole
comme l’empreinte même
de nos mains enlacées

fragments
irrécusables
d’un éden oublié.

 

 

Extrait de Murmures de l’absence
Parution en avril 2017 aux Éditions Tensing J-L.

 

* * *

 

 

Lignes  de  Partage

Je ne sais quelle frontière nous traverse
quelque part en nous   mystérieuse
comme la barre bleue des lointains
au seuil invisible de nos rêves
comme l’écume de la dernière vague
au flot montant de nos désirs.

Est-ce entre nous frontière
que cette ligne courbe du soleil
qui monte et qui descend
ou ce vol brusque de l’oiseau qui déchire le ciel
est-ce frontière que cette arche lumineuse
où s’exalte le chant de la pluie.

Ensemble nous cheminons sur nos lignes de crête
entre versants d’ombre et de lumière
par sentiers caillouteux à travers champs et forêts
par chemins de halage   allant d’écluse en écluse
sans jamais passer pourtant ces lignes de partage
où se croisent nos solitudes.

 

 

(Extrait de Murmures de l’absence
Parution en avril 2017 aux Éditions Tensing J-L.)

 

 

* * *

 

 

Passant  par  les  chemins  de  pluie

Passant  par  les  chemins
de  pluie
j’ai  reconnu  tes  pas  

les  nuages  ce  soir
ont  pris
la  couleur  de  ta  peau

 

à  la  surface
de  l’eau
j’ai  vu

l’empreinte
tremblée
de  ton  visage

                

au  plus  près  de  la  nuit
furtif    passe    le vent
des  souvenirs

 

comme  un  soudain
                  déplissement
                               du  temps

 

au plus près de la nuit   furtif   passe le vent des souvenirs.

 

 

(Extrait de Murmures de l’absence
À paraître en avril 2017 aux Éditions Tensing J-L.)

 

* * *

 

 

 

Bien  en  deçà  du  seuil  des  mots

Bien en deçà du seuil des mots
rien que ce fulgural
instant divinatoire où tout a commencé

Toi et moi branches écartées
d’un même diapason
tout ensemble soudain entrant en résonance

toi et moi pôles opposés
faisant soudainement
de leurs bornes jaillir un grand arc de lumière.

il me souvient
qu’un jour de création du monde
ta main   soudain   s’approcha de la mienne.

 

 

(Extrait de Empreintes & résonances
Prix Y.& S. Blanchard - à paraître en 2017
aux Éditions des Presses Littéraires – Collection Florilège)

 

 

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Souvent le vent venant de l’Étang

     Souvent le vent venant de l’étang
où dorment les esprits de la nuit
traverse le village engourdi
se faufile le long des ruelles
secoue les volets clos des maisons
et s’en va souffler sur la colline
où dorment aux murmures des sources

les ombres du passé

et la lune suit le cours de l’eau
se frayant un chemin dans les prés
pour venir chanter dans les fontaines
du village   passer sous les arches
rebondir de cailloux en cailloux
et mourir doucement dans l’étang
où dorment les esprits de la nuit.

 

(Extrait de Empreintes & résonances
Prix Y.& S. Blanchard - à paraître en 2017
aux Éditions des Presses Littéraires – Collection Florilège)

 
 

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Ardent  tu  t’étais  élancé

Ardent tu t’étais élancé vers l’efflorescence du jour
les feux de l’aube dansant dans tes yeux
ton ombre oubliée loin derrière

or la voici déjà    ton ombre    qui s’est rapprochée
et marche à tes côtés    silencieuse
t’apportant réconfort aux midis incertains

et la voilà    ton ombre    à l’amenuisement du jour
qui maintenant allonge un peu le pas
et marche devant toi    en éclaireuse

te frayant le chemin que nul ne sait
vers là-bas    où l’on dit
que naissent les étoiles dans les forges de la nuit.

 

(Extrait de Par les chemins de vie
Recueil inédit)

 

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Comme  sous  l’Écorce  l’aubier

A Claude Cailleau

 

Comme     sous l’écorce  l’aubier
sous      l’apparaître     l’essentiel
et       sous  la  terre    les racines

palpite encore   en le vieil homme  
usé        dont  vacillent  les  jours
le frêle enfant   qui vient de naître

désir dormant d’éternité
persistante étincelle
sous les cendres du temps.

 

 

(Extrait de Par les chemins de vie
Recueil inédit)

 

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Creuser  de  longs  tunnels

A Guy Allix

 

Il te faudra sans doute 
creuser de longs tunnels de solitude

lancer de frêles passerelles
se balançant au dessus des abîmes

retrouver les chemins perdus du temps
dissimulés sous les broussailles

il te faudra faire preuve aussi de patience
frapper en pleurs aux portes closes de l’absence

attendre du destin
d’improbables alignements célestes

alors peut-être   à la jointure exacte
de ta mémoire endolorie et de tes désirs orphelins

connaîtras-tu comme autrefois enfant
juste la grâce d’un instant

le pur jaillissement d’une étincelle
qui te fera soudain renaître

dans la coïncidence
de toi-même.

 

 

(Extrait de Par les chemins de vie
Recueil inédit)