Miroirs de l’eau
Miroirs du ciel
Un canoë céleste
coule dans la nasse liquide
Les reflets nous trompent
les miroirs nous fascinent
mors dorés
les bleus se courbent
dans les ondées de l’eau
Tourbillons
dans les tours du vent
Les reflets flottent
au cœur des cimes
Ils sont flous
et
les brouillards les transpercent
Comment vivre
dans le fracas des armes
dans la confusion générale
Être soi-même
peut-être
le reflet du ciel
Être soi-même
peut-être
l’ondoiement de l’eau
Être soi-même
peut-être
un corps-étoile
aspiré par la lumière
Fils d’eaux
enlacés aux abord du ciel
langues de feux bleus
dans l’arche d’un fleuve
où
les torrents
se rompent à l’aube
Tu luttes avec la vague
au cœur d’un nœud de cordes
de pluies
Tu ruisselles
dans la gorge pliée
et
sous les cordeaux des montagnes
Tu nages dans un abîme
de brumes
et
les eaux saumâtres
calment les algues rouges
Tu noies dans l’ivresse
les eaux profondes
et
l’habile traversée
d’un désert interminable
Toujours ce sont des images
et des images d’images
qui te recouvrent
comme
un lac fait de villes anciennes
Toujours ce sont des formes
et des formes de formes
qui te submergent
comme une vague immense
Dans quelles mers profondes
s’habillant d’eaux étincelantes
les sirènes vespérales chantent-elles encore ?
J’y plonge longtemps
dans le froid de la nage
pour démanteler la rage
Aigues douces
dans l’arche d’un sable roux
les étoiles de mer rutilent
à la frise de la houle
Un ressac d’aubes
dans d’étranges remous
berce ton inconscient
Toujours balayé par les mirobolants
poissons
Matisse se régale
d’une couleur liquide
dans un bocal de lumière
Sombre regard
perdu
dans la voie lactée
L’eau s’encage
dans une bactérie néfaste
l’eau se disperse
dans une sècheresse bancale
l’eau boit aux sources taries
l’eau se consume
dans l’incendie capitaliste
l’eau s’étiole
dans la rosée matinale
l’eau crache sa transparence
dans un sable aimanté
l’eau conçoit un ciel de pierre
l’eau distille l’alcool de l’oubli
l’eau soigne ses blessures
dans l’eau stagnante
et
la boue noire se souvient d’une eau claire disparue
une outre déverse son or noir
dans le caniveau du désir
la soif nous tient
dans la misérable paume de l’existence
l’eau lie nos vaisseaux nos os nos muscles nos chairs
l’eau trace une transparence noire
l’eau agrège les pollutions dans un flux noir
l’eau contamine l’atome désirant
Germain Roesz, 2023