Gilbert Lascault, Petite tétralogie du fallacieux
Un pataphysicien n’est pas un métaphysicien, loin s’en faut. Il invente tout et n’importe quoi. Comme de toute façon le n’importe quoi est nécessairement dans le tout, le bon sens s’en sort ! Même mal.
Or Gilbert Lascault est justement « régent » de ces pattes-à-physiciens qui hantent - depuis Jarry - la culture contemporaine. Pour preuve, il apprécie effectivement Petit Un, 1. Ce qui fait « l’exception » sur le plan terminologique, d’ailleurs plus termino que logique. Certes le « fallacieux » existe avant la propagation et la pratique du terme. Il faut néanmoins éplucher soigneusement son usage ordinaire pour être sûr de le valoriser à juste titre car il ne le mérite pas ! Petit Deux, 2. Une partition musicale semble en dériver peu à peu, au risque de nous casser les oreilles : fa-la-si-eux, fa-la-cieux, fa-la-scie- eux. Petit Trois, 3. Piocher un tel adjectif pour le glisser en couverture de l’ouvrage surinsiste (!) dans l’exceptionnel. Pourquoi lui ? Fallacieux possède tant de synonymes qu’on se demande comment il réussit à évincer le chimérique, le captieux, l’imposteur, le spécieux, le tartufe, l’insidieux, l’hypocrite, le mensonger, l’égarant, le fourbe, and tutti quanti. On comprend plus aisément la mise à l’écart des antonymes : honnête, franc, loyal ou sincère… Ils donnent autant envie d’ouvrir l’ouvrage que le mot « paix » de regarder un documentaire télé ! Notre cœur est pourri, on le sait.
Encore des preuves, SVP… Ceci dit dans le paragraphe précédent, rien n’est dit. Gilbert Lascault à plus d’une corde à son arc imaginaire. Il ne fait pas dans la dentelle fallacieuse en explorant sa charmante « tétralogie », modestement décrétée « petite ». Une tétralogie capricieuse aux sommaires diversifiés, valorisant hommes, personnages, lieu, puis classée par ordre alphabétique, puis par désordre alphabétique.
Gilbert Lascault, Petite tétralogie du fallacieux, présenté par Eric Dussert, Editions de l’arbre vengeur, collection l’alambic, 366 p., 17 €.
Pas la peine non plus de comprendre la composition de ces sous-tétralogies qui jouent aux quatre coins : un monde miné autour d’un ilot tempéré, lors d’un voyage en automne et hiver, auxquelles s’ajoutent des héros détournés et choisis avec des trompe l’œil et l’esprit, et des équivoques. Un régal. Des chapitres comme son appartement jonchés de pieuvres brodées, de squelette sculpté, etc. Un bazar pour rêveur.
1 Parmi ses fréquentations, des gnomes qui se fabriquent à Hong-Kong et creusent comme des taupes et sont même « naturalisés », et des rats et enfin une taupe « dans toute la vérité de sa nature », une taupe qui est ni plus ni moins lui-même. Les aventures sont farfelues : les chanteurs d’opéra de Mozart tombent dans un puits à Toulouse. L’un de ses sketches capricieux joue avec le son « gn ». Au demeurant la terre est aussi un « oignon » ! Qui veut connaître Féroce-Lagopède-Cubique, consulte la page 52 où il trouve également Prudente-Pintade-Octaédrique et Menteuse-Perdrix-Linéaire. Saint Gélase surgit 9 pages après à la page 61. Chaque non-célébrité a finalement son clapier…
2 De saynète en saynète, Lascault nous introduit dans son univers. Son Panthéon de célébrités les capte toutes dans la fraîcheur de l’enfance. Ainsi il rencontre Sainte Thérèse d’Avila à 5 ans en 1520. La gamine ingurgite 3 verres de vin « presque noir ». Saoule, elle vit les prémisses de celle qui sera plus tard ivre de Dieu. Il découvre Pierre Corneille au même âge en 1611. Il finit les verres de cidre de sa tante et la regarde pisser debout en « soulevant légèrement ses jupes ». Einstein est un peu plus âgé, six ans en 1885. Sa grand-mère lui tricote des chaussettes grises. L’aime-t-elle ? « Elle répond qu’elle n’aime que Dieu » ! Jules Ferry, lui, a 9 ans en 1841. Il va chercher l’aloyau pour sa maman : il évite la rue dont une vieille épileptique a griffé le trottoir et la place où les gamins chapardent sa casquette.
Les femmes y sont bien vues et bienvenues. Des Alcaniennes placent des parties malades de leur corps dans un sac. Elles jaugent le pénis des hommes, portent des chapeaux dont la couleur s’impose au mâle accompagnateur. Féministe donc puisqu’il écrit du courrier aux femmes de Courbet et de Delacroix. Des dames à connaître. Sans doute pour une quinqua-pentalogie à fignoler en 50 lignes pour les plus de 5O ans!