Gille BAUDRY : Sous l’aile du jour

Par |2018-01-06T16:06:53+01:00 14 juin 2016|Catégories : Gilles Baudry|

(…) oser le chant
Pour con­jur­er la nuit

… on lit dans un autre poème:

(…) Et la voix per­due de l’enfance
T’accorde le chant intérieur
Qui descelle la nuit

Tu recou­vres la vue.

L’ange est diurne.

Gilles Baudry, Sous l’aile du jour, Rougerie, 2016, 72 pages, 13€

Rap­pel d’une évi­dence : qu’au revers des nuits ressas­sées dans la com­pag­nie des anges ambi­gus du dernier roman­tisme, il était ce jour. Délais­sée la lumière, peut-être parce que l’Enfer était plus jouis­sif que l’exigeant Par­adis :

(…) ce paysage aban­don­né à lui-même
Qui nous enseigne
La sou­veraine modestie

Offrir notre regard

Mal­gré la nuit les aubes
Nais­sent
Nos épaules se touchent et nous marchons
Sans hâte ni retard

Comme chez Dante, le Par­adis est une con­struc­tion très éprouvante:

L’homme réduit à rien
A son ques­tion­nement et ce n’est pas
Le vide
Mais pro­fu­sion du manque.

“L’être nous est don­né dans un dépasse­ment intolérable de l’être” écrivait Bataille dans sa pré­face à Mme Edwar­da. Nous sommes depuis l’épigraphe sous la con­duite de Clanci­er : … Car il n’est point mort à jamais ce dieu. Mais foin de toute pos­ture spir­i­tu­al­iste, Gilles Baudry a sim­ple­ment l’air de s’approcher, au plus près, des choses, des ani­maux : Quelle vel­léité t’accorde papil­lon / Cet instant sans durée ? J’insiste sur le bon­heur lucide que pro­curent les poèmes sur les bêtes.

Tant de beauté
Com­ment s’y habituer
En faire un ordinaire ?

Ce qui est célébré ici, c’est l’attention, à la vie et aux œuvres, comme celle de Klee : Il peint avec une longueur d’avance / Les enfants qui ne sont pas encore nés / Il joue / Sur tous les tableaux à la fois. Voilà qui guérit de beau­coup d’études sur l’art mod­erne ! Une poésie de vérité qui rend Moran­di par­ti­c­ulière­ment sen­si­ble : Longtemps / Longtemps / Écouté les objets se taire (…)

Peu de mots et cepen­dant nulle ascèse. Ce qui compte c’est le mot juste : Ose des mots / Sur l’invisible / Et donne-leur / Une âme qui les rende justes (…)

Je vais
Titubant dans les mots
Comme l’abeille va aux fleurs

Dans ce « aux », presque fam­i­li­er, le poème se fait geste, élan tangible.

Présentation de l’auteur

Gilles Baudry

 

Gilles Baudry est moine et poète. Son œuvre est pub­liée aux édi­tions Rougerie et Ad Solem.

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Eric Pistouley

Débuts lit­téraires au Temps qu’il fait : Une poé­tique du livre, un essai qui explore l’instant où, avant d’en lire la pre­mière ligne, on prend un livre dans ses mains. Quand finit l’objet ? Où com­mence le texte ? His­toires de fron­tières, de pas­sages, de chevauche­ment, de jeu entre des ter­ri­toires. Suivi d’un clone de la Religieuse por­tu­gaise, Let­tres de Ré, d’une bluette sous pseu­do et divers­es col­lab­o­ra­tions dont celle depuis bien­tôt dix ans avec la revue Espace(s).

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