Gille BAUDRY : Sous l’aile du jour
(…) oser le chant
Pour conjurer la nuit
... on lit dans un autre poème:
(…) Et la voix perdue de l’enfance
T’accorde le chant intérieur
Qui descelle la nuitTu recouvres la vue.
L’ange est diurne.
Rappel d’une évidence : qu’au revers des nuits ressassées dans la compagnie des anges ambigus du dernier romantisme, il était ce jour. Délaissée la lumière, peut-être parce que l’Enfer était plus jouissif que l’exigeant Paradis :
(…) ce paysage abandonné à lui-même
Qui nous enseigne
La souveraine modestieOffrir notre regard
Malgré la nuit les aubes
Naissent
Nos épaules se touchent et nous marchons
Sans hâte ni retard
Comme chez Dante, le Paradis est une construction très éprouvante:
L'homme réduit à rien
A son questionnement et ce n'est pas
Le vide
Mais profusion du manque.
"L'être nous est donné dans un dépassement intolérable de l'être" écrivait Bataille dans sa préface à Mme Edwarda. Nous sommes depuis l'épigraphe sous la conduite de Clancier : … Car il n’est point mort à jamais ce dieu. Mais foin de toute posture spiritualiste, Gilles Baudry a simplement l'air de s’approcher, au plus près, des choses, des animaux : Quelle velléité t’accorde papillon / Cet instant sans durée ? J’insiste sur le bonheur lucide que procurent les poèmes sur les bêtes.
Tant de beauté
Comment s’y habituer
En faire un ordinaire ?
Ce qui est célébré ici, c’est l’attention, à la vie et aux œuvres, comme celle de Klee : Il peint avec une longueur d’avance / Les enfants qui ne sont pas encore nés / Il joue / Sur tous les tableaux à la fois. Voilà qui guérit de beaucoup d’études sur l’art moderne ! Une poésie de vérité qui rend Morandi particulièrement sensible : Longtemps / Longtemps / Écouté les objets se taire (…)
Peu de mots et cependant nulle ascèse. Ce qui compte c’est le mot juste : Ose des mots / Sur l’invisible / Et donne-leur / Une âme qui les rende justes (…)
Je vais
Titubant dans les mots
Comme l’abeille va aux fleurs
Dans ce « aux », presque familier, le poème se fait geste, élan tangible.