Gilles Lades, Ouvrière durée
Gilles Lades est un poète aussi discret que les paysages qu’il affectionne et qui ont façonné son verbe depuis longtemps. L’intimité du terroir et celle de sa poésie se confondent en un même mouvement, qui est aussi celui de l’intime.
Page à page, au fil des mots inclinés vers le soir, nous entrons dans un autre temps, celui de la patience et de la lumière intérieure. Nous sommes d’emblée invités à une longue confrontation avec ce qui nous dépasse. Avec ce qui prolonge l’instant et le pas solitaire dans la montagne ou sur la lande. Gilles Lades est un veilleur aux sens affûtés. Chaque mot est pesé avec soin avant d’être déposé sur la page. Il s’agit de défricher un peu d’espace et de temps, pour saisir l’esprit du lieu et se rendre intensément présent aux choses. Certes, s’il est des ombres irréductibles dans l’esprit du poète comme en toute âme humaine, un irrépressible besoin d’être au monde traverse l’ouvrage, comme une lumière promise depuis toujours, depuis le premier mot. Guetteur solitaire, Gilles Lades libère les forces latentes du poème, jusque dans l’emprise du soir, jusqu’au face à face avec lui-même, jusqu’à l’heure indivise de la résonance avec l’infini. Ce sont les voix de la vie à l’œuvre que révèle cette poésie précise et belle. Sincère, authentique. Essentielle. Comme ce qui passe et demeure à la fois, tant l’obstiné frisson de l’herbe que la marche inquiète dans un instant vierge de mots, aux prises avec l’ouvrage insatiable des heures. Poésie sans mesure, offerte jusqu’à faire don de l’impossible, tout au bout de l’attente. Celle de Gilles Lades, qui est comme une grâce. Une trouée dans les ténèbres du monde.
Gilles Lades, Ouvrière durée, Le Silence qui roule, 2021, 104 p, 15 €.