Au Parc
Erik Satie m’accompagne.
Art nouveau, organique, végétal.
Une sève urbaine irrigue mes organes, les sédiments donnent le La.
Un parc en miniature a poussé rue de la Roquette.
Les familles le traversent comme elles ont traversé leurs vies,
comme elles se sont pardonnées.
Ceux qui croient tout savoir le transpercent de rires idiots.
Le gardien a disparu sous le sable et des années de coupes budgétaires.
Les enfants ne jouent plus sur les toboggans,
à quoi bon glisser sur des objets qui ne sont même pas connectés.
Ils ne tombent plus sur les sols mous.
Les points d’eau ne coulent plus.
Pourtant, cette fois-ci,
la mélancolie perd la partie.
Le printemps joue au prozac.
Un loulou sur son vélo roule enfin sans les petites roues.
L’orchestre s’accorde,
la baguette est levée, en suspension,
les dièses, triolets et appoggiatures s’apprêtent à rhabiller les foules
et rallumer les cellules.
Le blues devient majeur.
Allons goûter au bonheur.
Travelling
L’hiver a eu raison de mes ambitions nocturnes.
J’ai marché, tête rentrée dans les épaules,
le 5ème s’étalait sur Macron,
la ligne 7 ne mène décidément nulle part,
Pont-Marie, dos à la Seine, face au public des mauvais soirs,
Le Marais, où sont-ils passés,
Bastille, ses pommes d’amour, son majestic usé
et ses bandes d’amis qui crient d’ennui,
rue de la Roquette, la misère allongée entre les guichets automatiques,
rue de Lappe, où les âmes se salissent,
la mairie du 11ème, ni gaie ni triste,
puis l’avenue Parmentier,
si familière,
si souvent empruntée.
Les nuits sans envol ont aussi droit à leur travelling.
Si les briques s’effritent
Et si rien ne se passe, je recouvrirai ma peine,
je l’étoufferai avec un plaid,
je la coincerai sous le chauffe-eau,
je la noierai dans l’acide, la jetterai dans le vide,
je me moquerai d’elle,
chaque soir, devant le miroir,
je la rendrai ridicule, je l’appellerai machin bidule,
si rien ne se passe,
si la déception l’emporte,
si les sentiments fondent, là, sur ce trottoir rayé,
si les briques s’effritent
je commanderai le pire des vins,
je ne paierai rien,
si rien ne se passe,
je changerai les saisons,
et si ce n’est toujours pas assez,
je rejouerai la partie,
même perdu d’avance,
je retenterai ma chance.
Pourvu que tu sois là.
14h49
J’ai envie d’écrire à quelqu’un.
Personne n’écrit jamais à 14h49.
C’est une heure sans objet, sans lumière, sans dessein.
Les corps s’écrasent et disparaissent au creux des fauteuils à roulettes.
Le café ne promet plus.
C’est la traversée, celle de la Manche, celle des Ferry,
des tables en plastique et des horizons aplatis.
A l’aventure.
Un mot
Trouver un mot qui soulage.
Un seul,
même ridicule,
même compliqué.
L’accorder à ses humeurs.
Le faire sonner sur son coeur.
L’écrire aux autres.
Passer le mot.
Guérir.