Marquée par le peu, la restriction (que de ne…que), la pauvreté (« cette pauvre voix » en apologue de la p.43), la poésie de Guy Allix ne chante pas pour passer le temps ni faire beau mais pour décliner des aveux essentiels. Elle est la voix « humble », qui parle plus profond que celles qui trompettent, elle assume l’errance, signale l’orphelin de père et de « repère » ; elle est cette voix qui « s’efface », qui touche le près, dessine « les mots que tu voulais », prend distance grâce à l’aphorisme et à la sentence, décrit au plus juste ce que c’est « de n’avoir pas été/ Ou si peu ». Cette poésie, essentielle, nous dirons existentielle, parle à toutes et tous, par sa simplicité, par son exigence :
C’est quand tu n’as plus de mots
Que tu reviens au poème
…
Tu marches et tu t’effaces
C’est en t’effaçant que tu existes vraiment
…
Tu n’auras été qu’attente
De cette maison qui s’ouvre
Comme un fruit
Au creux de la main
…
L’anaphore, la reprise de certains mots ou motifs, le manifeste « Poètes, votre sang », les aphorismes de « La défaite finale » (Et les mots séparent qui voudraient réparer), le travail aigu, presque acide sur l’érosion de soi par le temps, par l’usage (« Pendant si longtemps je ne fus pas moi-même/ Je ne fus que ce triste rôle…./Et cette détention…. »), « le vide qui borde le poème », cette conscience sensible de ne savoir « que cette voix/Venue de longtemps », font de « Le sang le soir » un beau livre d’aveu, dont « le cri orphelin » poursuivra longtemps aussi le lecteur sensible.
Lucien Noullez, dans une belle préface, désigne les atouts de cette « poésie du cœur », apte à dérouler sans concession selon moi les solitudes diverses qui s’imposent à nous.
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