Les œuvres dignes de ce nom ne se réduisent guère à quelque interprétation unique. Il en est ainsi du « Livre d’Or » de Gwen Garnier-Duguy, recueil poétique qui nécessite, de la part de celui qui souhaite s’exprimer sur sa profondeur, d’opter pour un faisceau d’interprétations à la fois fidèle et subjectif.
Cette œuvre ouvre au lecteur, parmi nombre de perspectives, celle si juste et vécue par tous les poètes de faire signe vers ce qui échappe au dire. L’indicible fascine artistes, poètes et romanciers en raison du mystère – et de faille inaccessible – qui atteint la parole même. C’est dès lors le moment où il semble indispensable, « imitant l’ineffable », de se mettre à l’écoute de ce « murmure dans le lointain / Un chuchotement, vous entendez. » Aussi ces poèmes mènent-ils à la conscience du lecteur attentif et sensible les ressentis auxquels nous tous, en tant qu’humains, sommes immanquablement sujets.
Parmi ces sensations sublimes éclatent notamment, comme toujours chez Gwen Garnier-Duguy, des accents dignes du Rimbaud de « Soleil et Chair » ou du Giono du « Chant du monde ». Une vigueur du chant païen tout autant que chrétien transparaît dans les actes, le Verbe, le vent, la couleur, les oiseaux, la joie, la beauté. Des vers tels « Qu’il est bon, ce soleil dorant l’ombre de ma peau. / Je l’adore puisqu’il contient la terre entière » ou encore « En point de mire un feu aimante le trajet. / L’éclat rubescent se projette dans nos yeux. Nos regards ouvrent la navigation rouge » expriment une spiritualité qui embrasse, accueille le réel dans toute sa substance. Il n’est d’ailleurs autre que l’ici-bas dans notre rapport au monde, tactile, visible, auditif, tel un embrassement de l’univers total.
Gwen Garnier-Duguy, Livre d’Or, Illustration de couverture Roberto Mangú, L’Atelier du Grand Tétras, 96 pages, 15 euros.
Le lien y est indestructible avec l’unité universelle, ce que Goethe appelait l’âme du monde, présence qui se ressent seulement sans s’expliquer autrement que par l’amour qu’on lui porte. Cette vibrante affirmation de notre présence à la vie oppose l’insipide que constitue une signification de la vie imposée, extérieure, grégaire et paresseuse à la spiritualité d’une force intérieure unie à la totalité du monde.
Ce recueil est ainsi, par lui-même, un acte de résistance contre la déliquescence du sens – mais ne versant jamais dans la plainte, choisissant l’accueil amoureux du monde et le chant de notre présence ici-bas.
Présentation de l’auteur
- Pascal Boulanger – la poésie comme méditation et combat - 6 janvier 2024
- Gwen Garnier-Duguy, Ce qui se murmure par-delà l’indicible - 20 mai 2023
- L’approche du silence - 6 mars 2023
- Marilyne bertoncini, La Plume d’ange - 12 octobre 2022
- Agencement du Désert – Quand le feu irascible se dompte dans la forme - 6 septembre 2020
- Georges Rose, Jeunesse de l’instant - 6 avril 2020
- Carole Carcillo Mesrobian, Ontogenèse des bris - 20 décembre 2019
- La poésie comme enchâssement dans l’unité métaphysique - 6 novembre 2019
- La poésie et l’indicible - 6 septembre 2019