Gwen Garnier-Duguy, Le Scribe en marche, Lire Marc Alyn
Gwen Garnier-Duguy consacre à Marc Alyn un essai très attendu, intitulé Le Scribe en marche. Même si quelques éléments biographiques apparaissent ça et là, comme les séjours du poète à Venise ou, plus tard, dans les ruines de Byblos, l’essai s’intéresse plutôt à suivre une trajectoire, la marche poétique, celle que l’on gravit ou que l’on descend, comme la nouvelle octave d’une incantation.
Marc Alyn est désigné comme le Scribe (ce titre est revendiqué dans le recueil Le Scribe Errant). Plutôt que voleur de feu prométhéen, le poète est d’abord celui qui agence les signes, « administrateur d’un territoire poétique », à la recherche du Verbe et des archétypes de « l’archi mémoire » conservés dans les sites disparus de l’Orient. Cette démarche renvoie à des savoirs cachés comme l’alchimie ou la psychologie des profondeurs chère à Jung. La poésie de Marc Alyn nous convie à un voyage intérieur, où Gwen Garnier-Duguy, lui aussi poète, auteur d’un recueil d’inspiration alchimique intitulé Livre d’Or (éditions de l’Atelier du grand Tétras) se retrouve pleinement. Dans la poésie de Marc Alyn, les éléments naturels sont abordés comme des éléments de langage. « La mer est une écriture », et ce jusqu’aux formes singulières de coquillages, qui en tracent, comme le bestiaire (lézard, scarabée ou huppe), la calligraphie, la « Cursive » mystérieuse. De la même manière est établie l’unité profonde du poème et du poète dans un « tissage énonciatif », comme le disent magnifiquement ces vers de La parole planète :
Dans les ténèbres les rouleaux lovés sur leur secret
virent les hautes calligraphies lumineuses
dont le songe inspiré fait tourner la planète

Gwen Garnier-Duguy, Le Scribe en marche, Lire Marc Alyn, La rumeur libre, mars 2025.
La Nature coule donc dans le sang du poète. La poésie, comme l’alchimie, dissout et coagule le monde à la manière d’un langage. On retiendra aussi les pages marquantes où Gwen Garnier-Duguy commente le passage par la Nuit des peurs, de la mort, « nuit de l’âme » dont parlent les mystiques, Graal immortel du poète. La nuit initiatique est donc labyrinthe où l’on doit se garder de triompher du Minotaure, sans veiller à « l’harmonisation des forces en présence nous animant ».
À partir de cette nuit d’épreuves, Gwen Garnier-Duguy explore l’ambivalence du symbole alchimique du Feu chez Marc Alyn. Le symbole s’inverse même dans la « brûlure du feu tragique » : le feu brûlé alchimiquement cesse d’être destructeur et anime mystiquement le poète, par un effet comparable à la conversion des terreurs de la nuit métaphysique, nuit de « l’Histoire sans étoiles », en Nuit mystique. La « nuit produit sa flamme », et le poète, doit « faire feu », il devient Tireur isolé, tireur d’élite, Sniper et sans peur, pour assurer sa marche et vaincre les pièges de l’Histoire
En se coulant dans « l’aventure intime et mystérieuse » de Marc Alyn, Gwen Garnier-Duguy ne cherche pas à en épuiser le sens, mais lui donne un éclairage très personnel, qui en explore les symboles profonds, en prenant le temps de les expliquer à un lecteur non averti, l’invitant à la redécouverte d’une œuvre qui ne cesse pas d’exercer son pouvoir de fascination.