« Ne sommes-nous pas en pre­mier lieu des créa­tures éminem­ment poétiques ? » 

Demain
La lumière
Envahira
Ce monde

[ Cette Vie sans sel ? dans L’étoffe de l’univers ]

 

Andrée Che­did nous a quit­tés en févri­er 2011. Il y a juste un an, à l’instant où j’écris ces lignes. Tout à l’heure je lisais son dernier livre de poésie pub­lié un an avant sa mort, L’étoffe de l’univers, et au détour d’une page je suis tombé (c’est le mot juste) sur sa terre aimée, per­due puis retrou­vée, au cœur du recueil. Je l’ignorais mais en févri­er 2004, Andrée Che­did m’avait dédi­cacé un des poèmes de cette terre, de sa terre. Il est dif­fi­cile de dire l’émotion que l’on ressent, cette page dans la main. Non pour de banales raisons d’égo. Pour la bouf­fée de sou­venirs qui sub­mer­gent, sou­venir de la sil­hou­ette de la femme, du poète (et « non pas poétesse » dis­ait-elle, et il faut être une femme de tête aujourd’hui pour dire cela) et sou­venir des poèmes lus, des poèmes qui restent en dedans de nous, por­teurs de vie, de fra­ter­nité, de soleil. De l’être poète. De tout ce qui fait la beauté de l’orient, du Liban, de l’Egypte, du lien au tra­vers d’Andrée Che­did entre nous et ces endroits, entre elle, nous et ces espaces.

Elle était « écrivain », c’est vrai ; de cela, je n’ai pas envie de par­ler aujourd’hui. Elle était poète. Avait voulu être poète dès l’enfance, entrant en con­flit à cause de cela avec l’une des sœurs de l’institution où elle étu­di­ait. Un poète habité de plusieurs langues. Et por­teur d’une parole égarée, main­tenue en vie en elle – par elle. Dans ses yeux, quand elle ouvrait la porte de son apparte­ment, près de la Seine, à deux pas de la Mai­son de la radio. Une parole qui cir­cu­lait, invis­i­ble, tan­dis que la tasse de thé venait aux lèvres. On ne mesure pas sur le moment ce que cela sig­ni­fie, pren­dre le thé en com­pag­nie du poète Andrée Che­did. Ensuite, on ne saurait pas dire « en quoi » cela « importe ». Il y a des moments, des instants sou­vent, et des per­son­nes comme elle, comme Andrée Che­did, des per­son­nes en com­pag­nie desquelles vous êtes plus vivants. Et la phrase, sa phrase portée en titre de cet hom­mage dit Andrée Chedid.

Lisant sa poésie, je ne peux m’empêcher de penser qu’elle est pour beau­coup dans l’existence du Recours au Poème.

 

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