Hugo Mujica, En un fleuve toutes les pluies

Il est des œuvres qu’on se doit d’aborder avec la plus grande humilité, des œuvres qui intimident. « Vouloir comprendre, c’est vouloir réduire l’autre à soi-même » dit Hugo Mujica, comment entendre tout en laissant « ouvert » le sens ? Comme il est dit, en quatrième de couverture, « Avec Hugo Mujica, le poète ne parle plus. Il écoute avec les mots. »

Il y a des mots

                   qui sont le silence

                                   de ce qu’eux-mêmes

                            disent

                                                             ils disent racine,

                                                                                non feuillage. 

Hugo Mujica, En un fleuve toutes les pluies,  traduit de l’espagnol (Argentine) par Gaëtane Muller-Vasseur et Audomaro Hidalgo éditions Phloème ISBN 9791096199 55 6, 15 euros.

Le poète nous prévient dès le tout début de son recueil :

                                   Ce n’est pour nommer

                                                         ce qui se tait dans la vie,

                                                                           c’est pour l’écouter

                                                                     que j’écris. 

C’est qu’il est lui-même d’une grande humilité et d’une grande exactitude dans ses mots.

 Manque-t-il quelque chose au silence

quand le fleuve ne le

chante pas ? 

 

La mise en espace du recueil semble déjà nous montrer la voie, les poèmes se déploient sur le dernier tiers des pages : laissant tout le haut de celles-ci blanc et silencieux, ils semblent issus du silence, de la méditation, de la contemplation, de la lenteur. Chaque vers, en escalier, semble descendre du précédent.

Et pourtant, très certainement, cette poésie affirme, refuse, dit « oui » ou « non ». Les maximes sont paradoxales mais restent des maximes, c’est que Hugo Mujica préfère la contradiction à l’harmonie. L’harmonie endort quand la contradiction réveille.

L’oiseau vole

           parce qu’il est ses ailes

                     non parce qu’il sait

                     qu’il en possède :

                                     chacun parvient à soi-même

                                                    quand il est de soi-même

                                                l’oubli.

Une poésie tout entre « une déchirure : l’humain » et « la palpitation du sacré. » Une expérience poétique majeure.

Présentation de l’auteur

Hugo Mujica

Hugo Mujica (Avellaneda, Argentine, 1942) est l’un des poètes les plus importants de la langue espagnole. En 1967, il voyage aux États-Unis, où il a vécu quelques années. Il a participé à l’aventure artistique de Greenwich Village à New York, où il s’initiera à la philosophie et à la peinture. Après sa rencontre avec Allen Ginsberg et le guru et yogi Swami Satchidananda, il décide de faire voeu de silence pendant sept ans dans un monastère trappiste, près de Boston. Sa vision du monde est un croisement entre poésie, philosophie, anthropologie et théologie.

Bibliographie

Poésie

  • Brasa blanca, Sitio del Silencio (1983)
  • Sonata de violoncello y lilas, Sitio del Silencio (1984)
    Existe en version électronique (ed. Nostromo, Buenos Aires, 2003)
  • Responsoriales, Imaginero (1986)
    Prologue d'Humberto Días Casanueva, prix national de littérature chilien.
  • Escrito en un reflejo, Carlos Lohlé (1987)
  • Paraíso vacío, Troquel-Estaciones (1993)
  • Para albergar una ausencia, Pre-textos (Espagne, 1995)
  • Noche abierta, Pre-textos (Espagne, 1999 ; 3 éditions)
  • Sed adentro, Pre-textos (Espagne, 2001)
  • Casi en silencio, Pre-textos (Espagne, 2004)
  • What the embrace embraces / Lo que el abrazo abarca, Coimbra (San Francisco, États-Unis, 2008)
    Éditions spéciale bilingue anglo-espagnole ; trad. à l'anglais de Joan Lindgren.
  • Cuando todo calla, Visor (Espagne, 2013)
  • Y siempre después el viento, Visor (Espagne, 2011)
    Trad. en français de Rodolphe Larrain et Annie Salager, Vent dans le vent, Voix Vives en Méditerranée, éd. Al Manar, 2014
  • Barro de sed partido, Visor (Espagne, 2016)

Essais

  • Camino del nombre, Patria Grande (1985)
  • Origen y destino. De la memoria del poeta presocrático a la esperanza del poeta en la obra de Heidegger, Carlos Lohlé (1987)
  • Camino de la palabra, Paulinas (1989)
  • Kyrie eleison, Troquel-Estaciones (1991 ; 4 éditions)
  • Kénosis, Troquel-Estaciones (1992 ; 2 éditions)
  • La Palabra inicial. La mitología del poeta en la obra de Heidegger, Trotta (Espagne, 1996 ; 6 éditions)
  • Flecha en la niebla. Identidad, palabra y hendidura, Trotta (Espagne, 1997 ; 3 éditions)
  • Poéticas del vacío, Trotta (Espagne, 2002 ; 4 éditions)
  • Lo naciente. Pensando el acto creador, Pre-textos (Espagne, 2007)
  • La Casa, y otros ensayos, Vaso Roto (Mexico-Barcelone, 2008)
  • La Pasión según Georg Trakl. Poesía y expiación, Trotta (Espagne, 2009)
  • Fragmentos de la creación, Monte Carmelo (Mexique, 2010)
  • El saber del no saberse. Desierto, Cábala, el no-ser y la creación, Trotta (Espagne, 2014)
  • Dioniso. Eros creador y mística pagana, Ed. El hilo de Ariadna (Argentine, 2016)
  • La carne y el mármol. Francis Bacon y el arte griego, Ed. Vaso Roto (Mexique-Espagne, 2018)

Contes

  • Solemne y mesurado, Losada (1990)Prologue d'Ernesto Sábato.
  • Bajo toda la lluvia del mundo, Seix Barral (2008 ; 2 éditions)

Anthologies

  • Poesía completa 1983-2004, Seix Barral (2005 ; 5 éditions ; poésie)
  • Más hondo, Vaso Roto (Mexico-Barcelone, 2009 ; poésie)
  • Fragmentos de la creación, Monte Carmelo (Mexique, 2010 ; essais)
  • Del crear y lo creado, 3 vol., Vaso Roto ed. (Mexique-Espagne, 2013 ; poésie, essais, contes)

Textes pour œuvres musicales

  • Poemas de Hugo Mujica. Para soprano, contralto, tenor y tríos de cuerdas, Fabian Panisello (Espagne, 1992)
  • Concertino, Fabián Panisello (Espagne, 1993)
  • Paraíso vacío. 6 Paisajes musicales sobre poemas de Hugo Mujica, Pedro Aznar (Argentine, 1993)
  • Vision du « Paradis vide », Daniel Hugo Sprintz (France, 1996)
  • Azot, Para recitante, coro, 9 músicos y electroacústica, Daniel Hugo Sprintz (Espagne, 1996)
  • Noches adentro. 3 canciones para voz y piano, Daniel Hugo Sprintz (Espagne, 2000)
  • Nadie. Voz y electrónica, Daniel Hugo Sprintz (Espagne, 2011)
  • Nuit aveugle. Opéra de chambre, Santiago Diez Fisher (France, 2013)

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