Hugo Mujica, En un fleuve toutes les pluies
Il est des œuvres qu’on se doit d’aborder avec la plus grande humilité, des œuvres qui intimident. « Vouloir comprendre, c’est vouloir réduire l’autre à soi-même » dit Hugo Mujica, comment entendre tout en laissant « ouvert » le sens ? Comme il est dit, en quatrième de couverture, « Avec Hugo Mujica, le poète ne parle plus. Il écoute avec les mots. »
Il y a des mots
qui sont le silence
de ce qu’eux-mêmes
disent
ils disent racine,
non feuillage.
Hugo Mujica, En un fleuve toutes les pluies, traduit de l’espagnol (Argentine) par Gaëtane Muller-Vasseur et Audomaro Hidalgo éditions Phloème ISBN 9791096199 55 6, 15 euros.
Le poète nous prévient dès le tout début de son recueil :
Ce n’est pour nommer
ce qui se tait dans la vie,
c’est pour l’écouter
que j’écris.
C’est qu’il est lui-même d’une grande humilité et d’une grande exactitude dans ses mots.
Manque-t-il quelque chose au silence
quand le fleuve ne le
chante pas ?
La mise en espace du recueil semble déjà nous montrer la voie, les poèmes se déploient sur le dernier tiers des pages : laissant tout le haut de celles-ci blanc et silencieux, ils semblent issus du silence, de la méditation, de la contemplation, de la lenteur. Chaque vers, en escalier, semble descendre du précédent.
Et pourtant, très certainement, cette poésie affirme, refuse, dit « oui » ou « non ». Les maximes sont paradoxales mais restent des maximes, c’est que Hugo Mujica préfère la contradiction à l’harmonie. L’harmonie endort quand la contradiction réveille.
L’oiseau vole
parce qu’il est ses ailes
non parce qu’il sait
qu’il en possède :
chacun parvient à soi-même
quand il est de soi-même
l’oubli.
Une poésie tout entre « une déchirure : l’humain » et « la palpitation du sacré. » Une expérience poétique majeure.