Beverley Bie Brahic, Il neige et trois autres poèmes

2018-02-04T13:21:46+01:00

 

Snowing

It’s no-ing, my girl calls. Half-cupfuls
whisk across the pane.
It’s snow­ing when I look up
from my load of socks and shirts, white
wash and dark. I track flakes’ paths
across the sky, trunks
of trees, milky lichens
spilled down oaks. Lichens, moth­er said
grow where air is clean, moss on the north
side of the trees. Remem­ber that,
she said, read­ing some Grimm tale,
if ever you get lost.

Strange our cells don’t learn
war has no hap­py ends. Snow—
pal­pa­ble the hush. When I turn
the key too soon
my fright­ened child protests: Stop the murder
I haven’t got my seat belt on.

 

 

 

 

First Snow

Tonight at dusk as the hills
shy off and the flakes

start to whirl
we watch our bound­aries fade

with a sharp­er sense
of the unknown. Something

blur­ry cross­es our field
of vision and enters the stand of trees,

aspen and wild
ani­mal lope and the cold

that draws its cave of memory
like a skin around us

 

*

 

And what to say
about this moun­tain ash along the drive,
whose red berries
are glazed in frost

and hang
stunned into silence
in a ruff of
brown paper leaf?

 

*

 

Our boots tromp a path
through silence
the mag­pies watch, one

from the top of each spruce
in its quilt of snow.
Magpies—

mechan­i­cal birds,
three tin cut-outs
like vanes on the peaks of a trio

of spruce. Vio­lin, alto, wind.
Dapper
in their starched shirts

and metal­lic blue tails
they rail at us,
us or the dogs

or the untidy world at large.

 

*

 

A patch of ice
shines at the edge of house and wood.

I go out.
Polar light behind the glacial hills.
The top rail of the new fence glitters.

Snow has erased each accident.
No need

to apol­o­gize now
small crea­ture who ven­tured forth
before dawn

and left us
the small print of your tracks.

 

 

 

 

Madame Mar­tin and I

Madame Mar­tin will throw back her shut­ters at eight
one arm will scoop up sun
she will brush her hair on the stoop using a small pane
           as a mirror
cap of hair like a well-scoured pot
bob­bing a little
like the branch the goldfinch swooped off

Mon­sieur Mar­tin died last sum­mer no
last last summer
a qui­et man
who liked to do chores round the yard
spray the roses
who liked to paint his gar­den gate green
every summer
leafy leafy for­est green

She’ll rake the grav­el—he would do that—and pull some weeds
peg white sheets across the yard
like a seascape with sails
          to pull the eye deep­er in
she’ll tie an apron about her waist
fin­gers doing that brief cou­ple dance
over and under and bow to your partner

He was sick all of a sudden
he was dead
and now he’s gone
she says she thinks she hard­ly knew him. 

 

 

 

 

The Hotel Eden 

after Joseph Cornell 

Against sur­vival. Against feath­ers. Against corks-in-bot­tles. Against the pathos of stuffed birds. Against against.

Pro­found­ly silent, the taxidermist’s shop.

“If only,” thinks the bird. If only what?

For her apri­cot-col­ored push-up bra. The fish smell of her sex. The fab­u­lous erections.

Con­tin­gent but press on.

There’s a key to it some­where. Break the glass?

From laugh­ter to slaugh­ter the house of objects
is repossessed—table, chair, spoon, cork—the flint flakes remem­ber the knife.

Why we sleep with the light on.

 

tra­duc­tion de Mar­i­lyne Bertoncini

Il neige

Des fla­cons de neige, s’écrie ma fille. Des demi ‑tass­es
fou­et­tent la vitre.
Il neige à gros flo­cons quand je lève les yeux
de mon tas de chaus­settes et chemis­es, blanc
et couleur. Je suis la tra­jec­toire des flocons
dans le ciel, les troncs
d’ar­bres, de lai­teux lichens
répan­dus sur les chênes. Les lichens, dis­ait ma mère
poussent là où l’air est pur, et la mousse, sur le flanc
nord des arbres. Rap­pelle-toi cela,
dis­ait-elle, en lisant un con­te de Grimm,
si jamais tu es perdue.

C’est étrange comme nos cel­lules n’ap­pren­nent pas
que la guerre ne finit jamais bien. La neige
silence qu’on touche. Quand je tourne
la clé trop vite
apeurée elle proteste : Arrête le menteur
Je n’ai pas mis ma ceinture.

 

 

 

 

Première Neige 1poème inspiré par “La Grande neige” d’Yves Bonnefoy

Ce soir au cré­pus­cule quand les collines
se dérobent et les flocons

com­men­cent à tournoyer
nous regar­dons s’ef­fac­er nos frontières

avec une per­cep­tion plus vive
de l’in­con­nu. Quelque chose

de trou­ble tra­verse notre champ
de vision et pénètre l’an­gle des arbres,

Trem­bles et bêtes
sauvages s’enfuient et le froid

qui tire sa cav­erne de la mémoire
comme une peau autour de nous

 

*

 

Et que dire
du sor­bier le long de l’allée
dont les baies rouges
sont lus­trées de givre

et pen­dent
dans un silence sidéré
au coeur d’une collerette
de feuilles de papi­er brun?

 

*

 

Nos bottes se fraient un chemin
à tra­vers le silence
les pies obser­vent, une

au som­met de chaque épicéa
dans sa cou­ette de neige.
Les pies—

des oiseaux mécaniques,
trois sil­hou­ettes de fer-blanc
comme des girou­ettes à la pointe d’un trio

d’épicéas. Vio­lons, alto, vent.
Élégantes
dans leur chemise amidonnée

et leur queue bleu métallique
elles nous invectivent,
nous ou les chiens

où ce monde nég­ligé en général.

 

*

 

Une plaque de glace
brille à l’an­gle de la mai­son et du bois.

Je sors.
Lumière polaire der­rière les collines glaciales.
Le haut de la nou­velle clô­ture scintille.

La neige a effacé chaque détail.
Plus besoin

de t’ex­cuser
petit créa­ture par­tie à l’aventure
avant l’aube

nous lais­sant
l’empreinte légère de tes traces.

 

 

 

 

Madame Mar­tin et moi

Madame Mar­tin ouvri­ra ses volets à huit heures
un bras pren­dra le soleil
elle brossera ses cheveux sur le per­ron et un petit carreau 
           servi­ra de miroir
casque de cheveux en mar­mite bien décapée
se bal­ançant un peu
comme la branche à peine quit­tée par le chardonneret

Mon­sieur Mar­tin est mort l’été dernier non
l’été avant l’été dernier
un homme tranquille
qui aimait bricol­er dans le jardin
arroser les roses
qui aimait pein­dre en vert la porte de son jardin
chaque été
un vert forêt bien dense

Elle râtellera le gravier —lui le fai­sait — et arrachera quelques mau­vais­es herbes
éten­dra des draps blancs dans le jardin
comme un paysage marin avec voiles
           pour capter le regard plus loin vers la profondeur
elle nouera un tabli­er autour de sa taille
ses doigts dansant briève­ment en couple
par-dessus par-dessous et saluez votre partenaire

Il était tombé malade brutalement
il était mort
et main­tenant il est parti
elle dit qu’elle pense l’avoir à peine connu.

 

 

 

 

L’Hô­tel Eden

d’après Joseph Cornell

Con­tre la survie. Con­tre les plumes. Con­tre les bou­chons de liège.
Con­tre le pathos des oiseaux empail­lés. Con­tre contre.

Pro­fondé­ment silen­cieuse, la bou­tique du taxidermiste.

“Si seule­ment”, pense l’oiseau. Si seule­ment quoi?

Pour son sou­tien-gorge à bal­con­net couleur abri­cot. L’odeur de pois­son de son sexe.
Les fab­uleuses érections.

Acci­den­telles mais il faut persévérer.
Il y a une clé quelque part. Bris­er la vitre?

De rire en crime la mai­son des objets
Est saisie —table, chaise, cuiller, bouchon—l’éclat de silex se sou­vient du couteau.

C’est pourquoi nous dor­mons la lumière allumée.

 

Présentation de l’auteur

Beverley Bie Brahic

Bev­er­ley Bie Brahic’s col­lec­tion, White Sheets, was short­list­ed for the 2012 For­ward Prize; Hunt­ing the Boar (2016) is a Poet­ry Book Soci­ety Rec­om­men­da­tion, and her trans­la­tion, Guil­laume Apol­li­naire, The Lit­tle Auto, won the 2013 Scott Mon­crieff Prize.

She has also trans­lat­ed Fran­cis Ponge, Yves Bon­nefoy, Hélène Cixous and Jacques Der­ri­da. A Cana­di­an, she lives in Paris and Palo Alto, California.

© Pho­to Michel Brahic

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