traduction Marilyne Bertoncini
IL RAME. JE LUI FAIS CONFIANCE.
Nous ramons tranquillement sur le miroir de l’eau.
Nos pieds font un son creux en frottant sur la coque .
Autour de nous les montagnes clignent : des paupières veinées de bleu
se fermant sur un oeil blanc immense.
Nous dressons les bras comme pour frapper l’eau de nos cannes.
Puis arrêtons brusquement.
La ligne avec son poids poursuit le lancer
dans de la verte pontédérie ondulant au passage des poissons .
Dans le calme nous les sentons sous la coque, leurs bouches testant
nos lignes, comme des nourrissons tirant sur une tétine. Nous sommes des êtres violents.
Nous tirons brusquement l’hameçon qui traverse leurs bouches d’argent et
amenons le poisson ensanglanté dans un monde qui les noie.
Il découpe l’hameçon hors de mes lèvres pantelantes,
me traîne dans un seau, sort
un autre vers pour camoufler l’hameçon de nouveau.
*
HE ROWS. I TRUST HIM.
We row quietly on the water’s mirror.
Our feet shuffle a hollow sound against the boat’s thwarts.
Around us the mountains blink : blue-veined eyelids
closing over a wide white eye.
We raise our arms as if to hit the water with our rods.
Then stop short.
The line with its heaviness continues the throw
into green pickerel weed slithered with browsing fish.
In the stillness we sense them under us, their mouths testing
our lines, like infants tugging on a nipple. We are violent beings.
We tear the hooks suddenly through silver mouths and
bring the fish bloodied into a world that drowns them.
He slices the hook out of my gasping lips,
lugs me into a bucket, takes out
another worm to hide his hook again.
*