Irène Dubœuf, Palpable en un baiser
Ces vers d’Irène Dubœuf sont d’une extrême élégance, avec un sens aigu de l’émotion et de la nature, dans une étroite union entre matériel et immatériel :
En retrait du monde
dans des jours indociles
que rien ne vient éteindre
pas même la nuit
chaque chose se mesure à sa lenteur.
Irène Dubœuf, Palpable en un baiser, Éditions du Cygne, 2023, 60 pages - 10,00 €.
Les trames du sensible et du mental se fondent dans des images fluides, mouvantes et contrastées prenant naissance dans la méditation et le souvenir, dans la thématique de la présence et de l’abandon, de la présence dans l’abandon.
Dans l’oratoire secret
du poème
l’air brûle en silence
pas à pas
j’écris
au plus près de toi.Sais-tu que la peau des mots
frissonne sous mes doigts ?
La matière même de l’amour, qui apparaît en filigrane, prend une dimension métaphysique : entre visible et invisible, possession et dépossession, être et néant, caractéristique de la tradition littéraire du pays d’appartenance.
Dans nos montagnes
le printemps ne fleurit qu’en été
les jours passent
enveloppant le temps de pétales de roses.Ici on a passé un pacte avec la terre.
En échange, elle laisse entrevoir
le visage des choses.
À la matérialité de ce qui est terrestre vient s’unir le souffle ardant du silence, comme un renouveau rilkien, des choses et de l’humain au sein même des images. De même apparaît clairement l’usage des temporalités, lesquelles, dans leur stratification, confèrent un caractère d’absolu à la pérennité des affects, une pérennité qui prend vie dans la dimension charnelle de l’image, écho, comme chez Hölderlin et chez Rilke, de la poésie comme un « dire-vrai » et le fondement de la réalité, s’opposant à la stérilité du snobisme et des on-dit. Et enfin "Vivre" :
Substantiel, le rêve,
diaphane et léger comme la brume
au bord des fleuves
dans les mains de l’hiver,
car rêver
c’est vivre sans rien posséder
aimer
dans la clameur du silence.
Traduction de l’italien par Irène Dubœuf.