Le registre & la tonalité / la teneur sont comme annoncés / dès que le titre est donné.
Mais de quoi parle le poète ?
En distiques ponctués / déclinant au fil des pages chaque adjectif de la devise comme une anaphore : Debout / assis / couché
la césure ou l’enjambement ouvrant les sens / la perspective / le monde
le poète Jacques Ancet parle ici du quotidien / le sien /
pouvant être/ devenir le nôtre
revisité par une mise en perspective / singulière
un point de vie / personnel
modulé dans une mise en forme / modulable
sur le mode d’une gestuelle quotidienne déclinée comme son titre l’indique
“Debout, assis, couché”—
Au fil de 14 textes en prose de fibre poétique, structurés par le rythme ample mais embarqué de distiques, le mouvement s’ébauche dans une gestuelle quotidienne élémentaire. Du lever au coucher, restreints à une mécanique du corps sommaire / comme en convalescence / à l’écoute d’un temps qui passe où l’essentiel s’observe. Si rien ne se passe, le réel cependant advient, voire même vient à la rencontre du regard.
Dehors marche à ma rencontre : les visages, les feuilles, les voitures et même le ciel.
Même s’il ne se passe rien, pouvant à peine bouger,
On écoute, on regarde : bourdonnements, lueurs. On ne sait pas ce qu’on attend.
Tandis que
Les oiseaux s’affairent, le ciel se couvre, je
me baisse, la vie
Passe et impossible de la retenir, tout le
monde sait ça. Pourtant
Il y a dans ces mots que j’écris un désir
toujours vif de garder ne serait-ce que cette
cuillère
Seule dans sa tasse, cette main posée sur la
table et dessous, ces quelques miettes
éparpillées.
Le narrateur (la prose poétique invite ici le lecteur dans le voyage d’un récit) peut encore se lever et laisser venir à lui les objets, les paysages, le ciel, les oiseaux—
Ébauchée dans ses gestes les plus simples la vie se déroule ainsi à portée du regard –lorsqu’il n’est pas interdit- & à vue d’œil, dans le courant ‑sinon apaisé du moins paisible hormis la peine du corps- d’un temps qui passe, avant que n’advienne la nuit
L’obscurité est un puits où tombent une à une
les heures.
Observé, le réel devient ce qui vient à la rencontre de celui qui l’accueille & le reçoit / le restitue à sa quintessence dans l’acte essentiel & dépouillé / épuré de tout superflu / dans la solitude & / l’écriture.
Je m’assois. Le paysage change, s’arrête,
vibre à la pointe d’une herbe.
(À la pointe de l’écriture.Ndla)
Je regarde ce que mes yeux n’ont cessé
de regarder : le chêne, la clôture
Et toutes ces images brouillées dans la
grisaille du jour qui font comme un voile
Entre le moi et le monde. Les genoux croisés, je
fixe un point, là-bas
Là où la montagne rencontre le ciel, ou est-ce
l’inverse ? Je ne vois
Rien d’autre qu’un espace flou confondu à la
brume.
Les perspectives se brouillent, les lignes de fuite effacent la trame & la trace d’un horizon retouché / élucidé dans la succession des instants / par l’immanence d’un réel écoulé sans desseins.
Une histoire à dormir couché / debout ?
‑L’histoire d’une vie
Assis debout couché, debout couché assis,
couché assis debout, c’est-la‑c’est-la-vie.
Livret à commander chez Yves Perrine, éditions La Porte, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON.
***
Jacques Ancet est un poète et traducteur français, essayiste et prosateur, né à Lyon et vivant près d’Annecy.
Après des études secondaires et supérieures dans la ville de Lyon, il fut lecteur de français à l’Université de Séville, puis agrégé d’espagnol. Poète, il est l’auteur d’une trentaine de livres. A obtenu en 2009 le prix Apollinaire pour L’Identité obscure. Essayiste, on lui doit entre autres un Luis Cernuda aux éditions Seghers en 1972, un Bernard Noël ou l’éclaircie chez Opale en 2002, Chutes (Tome I, II, III, IV) chez Alidades, La Voix de la mer et L’Amitié des voix chez Publie.net. Prosateur avec les quatre volumes d’Obéissance au vent écrits entre 1974 et 1984, dont les deux derniers Le Silence des chiens et La Tendresse, viennent d’être récemment réédités chez publie.net, avec son roman Le Dénouement (Opales/Pleine Page, 2001), avec Image et récit de l’arbre et des saisons (André Dimanche, 2002), avec La ligne de crête aux éditions Tertium en 2007, il est aussi l’incomparable traducteur de poètes de langue espagnole : Saint Jean de la croix ; Franscisco de Quevedo ; Ramón Gómez de la Serna ; le Nobel Vicente Aleixandre ; et José Ángel Valente, Antonio Gamoneda, Andrés Sánchez Robayna et les argentins, Alejandra Pizarnik, Jorge Luis Borges, Juan Gelman, …
“Nous sommes avec l’œuvre de Jacques Ancet dans l’espace de “l’entre”, en bordure de lisière, sur une ligne de crête. Posture marginale et “vertiginale” d’une sensibilité touchant /tentant de s’espacer dans le travail d’une expérience centrale, celle d’un vivre pur, équivalent à être en terre de souffle & de poésie. Expérience expérimentant sa confrontation/son retour à une réalité rugueuse dont il faut mesurer l’écart, comme dans la linéarité de la Chronique d’un égarement. Entre le regard & les choses, le flux d’un réel sans cesse à reconnaître, à écrire sans dire ce qu’on allait dire / où manquer de se perdre, de sombrer sans sombrer—”
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