Jacques Moulin, Corbeline

Par |2022-10-21T11:02:42+02:00 21 octobre 2022|Catégories : Critiques, Jacques Moulin|

Entends l’oiseau
qui dit
qu’oui qu’oui
l’en­tends-tu
oui ou non
qui fait
qu’oui
depuis l’aile
dis­ons l’oïl
jusqu’au cer­cle
oc-
ulaire
et son bec qui toque
au vivant
bec s
oui que si
c’est la vie
l’a pas dit
c’est nen­ni
et tant pis
si son croupion
fait non

C’est une extra­or­di­naire bonne sur­prise ! Frais, aérien et fouailleur, drôle sou­vent, croustil­lant de mots inven­tés. Jacques Moulin nous offre une  facétie plumol­o­gopat­a­physique.

Un livre sur les oiseaux ? Un livre oiseau ? En l’é­coutant — car il vous fau­dra béer du bec et les énon­cer, ces poèmes — on entend froisse­ments d’ailes, coups de griffes sur écorce, pépiements paniqués. Et les mots sem­blent sor­tis d’une graine­terie un peu foutraque bien sympathique.

Il s’en est pour­tant fal­lu de peu que je laisse ce recueil de côté : il arrive par la Poste, je déballe le vol­ume relié très lux­ueux, impres­sion­né par la qual­ité d’im­pres­sion, la finesse de la typogra­phie et le côté très galerie d’art mod­erne des images d’Ann Lou­bert. Ouh la la, ça rigole pas ! J’ou­vre au hasard… une his­toire de cor­beau. Ah ? Tout ça paraît bien fluet, comme si je venais d’en­ten­dre un air de mir­li­ton alors que je me recueille au milieu des colonnes du Pan­théon. Curieux choix éditorial !

Et puis ma chère femme ouvre l’ou­vrage et se met à lire les poèmes. À voix haute. Alors les mots de Jacques Moulin pren­nent leur essor, la ligne d’hori­zon se gon­do­le, je déguste, je souris, je frétille, je pleure de rire et de joie toute simple.

Avec tout le respect que j’ai pour l’oeu­vre inspirée d’Ann Lou­bert et le cat­a­logue de l’Ate­lier con­tem­po­rain, il me sem­ble que ce genre de texte appelle des artistes un peu plus rugueu­lards comme l’artiste brut François Werlen… et une cou­ver­ture sou­ple, crénom de nom ! une cou­ver­ture sou­ple qu’on puisse l’emporter et le déclamer au milieu des lan­des et des bois. Ou au milieu d’un car­refour, en tirant la langue aux caméras.

Jacques Moulin, Cor­be­line, mono­types d’Ann Lou­bert, L’Ate­lier con­tem­po­rain, sep­tem­bre 2022, 176 page, 20€.

Présentation de l’auteur

Jacques Moulin

Jacques Moulin, né en Haute Nor­mandie, vit à Besançon.  Il a fondé et co-ani­mé pen­dant onze années « Les jeud­is de poésie » à l’Université Ouverte de Franche Comté, en parte­nar­i­at avec le Cen­tre Région­al du Livre. Le cycle est relancé, dans le même cadre, en sep­tem­bre 2011, sous le nom « Les poètes du jeudi ».

Images écrites, tracés d’écrits : ni illus­tra­tion, ni redon­dance altérant l’aventure du lien, l’un se cachant der­rière l’autre, mais un pas­sage, une passerelle, d’un lieu l’autre, une trans­ac­tion secrète. Des gestes se croisent, s’observent, s’adoptent, ten­tant de garder dis­tance juste, comme on atteint l’amitié à force de présence

Bibliographie 

Ouvrages parus

  • Sauvagines, La Clé à molette, 2018
  • L’épine blanche, (images de Géral­dine Tru­bert), L’Atelier con­tem­po­rain, 2018
  • Un galet dans la bouche (images de Vin­cent Rougi­er), Rougi­er V., 2017.
  • Écrire à vue, édi­tions L’Atelier con­tem­po­rain / Le 19, Crac, 2015
  • Jour­nal de cam­pagne (images de Benoît Delescluse), édi­tions Æncrages & Co, 2015.
  • À la fenêtre du Transsi­bérien (images de Mau­rice Janin), L’Atelier du Grand Tétras, 2014.
  • Por­tique (images peintes d’Ann Lou­bert), L’Atelier con­tem­po­rain, 2014.
  • Comme un bruit de jardin, édi­tions Tara­buste, 2014.
  • Entre (coécrit avec Mira Wladir), édi­tions Le Miel de l’Ours, 2013.
  • À vol d’oiseaux (images peintes d’Ann Lou­bert), L’Atelier con­tem­po­rain, 2013
  • Entre les arbres, édi­tions Empreintes, 2012
  • Archives d’îles, édi­tions L’Ar­bre à paroles, 2010
  • Oublie (dessins et col­lages de Véronique Diet­rich), La Mai­son chauf­fante, 2009
  • « À l’appui de l’eau » (pho­togra­phies de Jean-Louis Elzéard), in Recon­nais­sance de la riv­ière, Ana­logues, 2009
  • Arbres d’hiver (pein­tures de Charles Belle), Galerie Bruno Mory, 2008
  • Penche-toi (images peintes de Charles Belle, images filmées de François Royet), Joca Seria, 2007
  • Une échap­pée de poireaux (dessins d’Eve­lyne Debeir), Tara­buste, 2006
  • Escorter la mer, édi­tions Empreintes, 2005
  • Ipso Fac­to (dessins de Charles Belle), Néo édi­tions / Le 19, Crac, 2002
  • La mer est en nuit blanche, édi­tions Empreintes, 2001
  • Arènes 42 (images de Marc Dego­is), Cadex édi­tions, 2001
  • Valleuse, Cadex édi­tions, 1999
  • Mar­ron (images de Xavier Dupin), édi­tions de L’En­vol, 1997
  • Matière à fraise (images de Xavier Dupin), édi­tions de L’En­vol, 1996

Livres d’artistes

  • Sonorités (gravures de François Ravanel), Ate­lier Dutrou,
  • Mélèzes, (gravures de François Ravanel), Ate­lier Dutrou, 2004
  • Mar­ques, (gravures de François Ravanel), Ate­lier Dutrou, 2000
  • Façade (gravures de François Ravanel), Ate­lier Dutrou, 1998

Livres pauvres

  • Une voie goth­ique s’étire (images de Chris­tine Del­becq), coll. « De l’Allemagne », 2018
  • La haie (images de Flo­rence Saint-Roch), 2018
  • Le per­ro­quet et la trémière (images de Myr­i­am Drizard), 2016
  • Couler l’encre (images de Jean-Michel Mar­che­t­ti), coll. « Et creu­sant de ma face une fos­se à mon rêve », 2016
  • Pren­dre ligne (images d’Élodie Bouygues), coll. « L’insinuant », 2016
  • Itinéraires (images de Benoît Delescluse), coll. « Comme si », 2009

Autres publications

  • Béa­trice Bon­homme et Jacques Moulin, James Sacré ou les gestes de la langue, revue L’é­trangère, N° 29–30, 2012
  • Béa­trice Bon­homme, Aude Pré­­ta-de Beau­fort et Jacques Moulin, Dans le feuil­letage de la terre, sur l’œu­vre poé­tique de Marie-Claire Banc­quart : Col­loque de Cerisy, Peter Lang,
  • Béa­trice Bon­homme, Serge Mar­tin et Jacques Moulin, Avec les poèmes de Bernard Var­gaftig : l’énigme du vivant : Col­loque de Cerisy, Val­longues,
  • « Le Signe de fenêtre », in Heather Dohol­lau : L’évidence lumineuse, Folle Avoine, 2006
  • « Pierre Math­ias. Se tir­er le por­trait en jar­di­nant », in Écri­t­ure de soi Secrets et Réti­cences, L’Harmattan, 2002
  • « Pierre Math­ias — Louis Guil­laume : un com­pagnon­nage en poésie », in Louis Guil­laume poète des songes vécus, Bib­lio­thèque his­torique de la ville de Paris, 1997

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

Jacques Moulin, Corbeline

Entends l’oiseau qui dit qu’oui qu’oui l’en­tends-tu oui ou non qui fait qu’oui depuis l’aile dis­ons l’oïl jusqu’au cer­cle oc- ulaire et son bec qui toque au vivant bec s oui que […]

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Eric Pistouley

Débuts lit­téraires au Temps qu’il fait : Une poé­tique du livre, un essai qui explore l’instant où, avant d’en lire la pre­mière ligne, on prend un livre dans ses mains. Quand finit l’objet ? Où com­mence le texte ? His­toires de fron­tières, de pas­sages, de chevauche­ment, de jeu entre des ter­ri­toires. Suivi d’un clone de la Religieuse por­tu­gaise, Let­tres de Ré, d’une bluette sous pseu­do et divers­es col­lab­o­ra­tions dont celle depuis bien­tôt dix ans avec la revue Espace(s).

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