Janine Modlinger, Pain de lumière
Elle dit du poème qu’il « ensemence le monde » et qu’il « chante parfois/l’herbe au bout/d’une ruelle ». Janine Modlinger sait porter notre regard ailleurs. Et quand elle parle de Hölderlin (« O, poète, O mien ») elle dit de lui qu’il « sut porter la lumière » et la garder « près de la Source ». C’est de lumière dont il s’agit, aussi, dans son nouveau livre.
Janine Modlinger nous livre donc aujourd’hui son Pain de lumière. Elle nous le débite en fines tranches (comme on le ferait d’un mets amoureusement cuisiné) car ses poèmes, en effet, ont la forme de très courtes respirations aux allures de méditations, voire de prières. La lumière les inonde, lumière « drue », lumière « qui foudroie », lumière qui « continue de flamboyer ».
Janine Modlinger est là pour nous parler du feu qui couve sous la cendre, de la promesse d’une vie gagnée sur toutes les formes de lassitude ou de résignation. Gagnée, aussi, sur la mort avec sa litanie de « deuils/lourds comme des filets/de pêcheurs ». Elle se met donc à l’écoute de la « Source » et nous dit, au passage, ce qu’elle perçoit du chant du feuillage ou de celui de l’été.
Sous sa plume, la nuit « ruisselle/comme une aube » et un simple oiseau peut la retenir « en vie ».
Janine Modlinger, Pain de lumière, Ad Solem, 79 pages, 14 euros.
Janine Modlinger guette le silence et attend de chaque jour son « inépuisable moisson ». La poésie, dit-elle aussi dans la deuxième partie de son recueil, nous ramène aux premiers mots de l’enfance. Mots extirpés au désastre intime quand la mort d’une mère vient foudroyer l’enfant qu’elle fut. « Ma vie a commencé par la mort et l’absence de mots. Ma survie se fait par les mots retrouvés, offerts ». Elle dit ailleurs : « Tout l’écriture jaillit de ce regard adorant que j’ai porté sur ma mère ». D’où ce regard lucide sur l’acte d’écrire : « Futile, parce que le premier vent dispersera nos feuillets d’écriture. Grave, parce qu’aussitôt qu’elle s’adresse à autrui, la parole est la plus haute tâche de vivre ».
Janine Modlinger le dit et le redit à travers ses courts poèmes, pains de lumière sur la page blanche (« manne poétique »comme le dit son éditeur). C’est toujours le même empressement à susciter l’émerveillement , à écrire, comme elle l’affirmait déjà dans Traversée (Ad Solem, 2018), « le poème de la douleur recommencée, de la joie toujours neuve ».