Jean-Albert Guénégan, Poétique de la terre à la mer

A considérer l’univers sémantique proposé par le titre du recueil, Poétique de la terre à la mer, Jean-Albert Guénégan nous invite à un voyage, mais pas n’importe lequel.

C’est dans le tremblement du langage que va se produire le déplacement. Et dès l’ouverture du recueil les spécificités structurelles confirment l’horizon d’attente : sur les pages des premières parties s’enchaine un ensemble parcimonieux de mots formant paragraphes dépourvus d’encadrement paratextuel. L’aire scripto-visuelle ainsi exploitée distribue des poèmes qui proposent au lecteur de suivre le parcours de l’auteur, parcours topographique et cheminement personnel qui le mènera à l’écriture. Les titres de chapitres sont en ce point évocateurs de ce tracé : « Jour de tro Ménez Arrée », « Une ville (Morlaix) par ses toits », « Sous mon toit…L’écriture », « Sous mon toit…Le travail », « Balade morlaisienne », « Balade librement imaginée avec Tristan Corbière », « De la ville à la mer ». Paysages naturels et urbains, présence de l’être aimé, autant de perceptions qui préparent et motivent l’entrée en écriture, ainsi que le confie l’auteur dans ces vers liminaires :

De ma bouche
les déchirures de la vie
ont fait jaillir
le tonnerre.
Elles m’ont dit que chaque jour,
je n’aurai plus vingt ans.

 

Jean-Albert Guénégan, Poétique de la terre à la mer, Editinter, 127 pages, 16 euros.

Jean-Albert Guénégan, Poétique de la terre à la mer, Editinter, 127 pages, 16 euros.

Ainsi l’expérience comme terreau fertile et prémices de l’aventure d’écrire tentée par Jean-Albert Guégégan :

A mes lettres d’amour
lues et relues, je souris.
Dans le dictionnaire, je dialogue
avec l’érudition
et m’élève vers le savoir,
en pensant que je mûris
mais c’est toujours
sur l’échelle des mots de Richter,

Que je subis
Le séisme le plus fort.

De Brahms à Rimbaud
De Van Gogh à Brancusi
ça compose ça poétise
ça magnifie.
Tout est création
élévation
allégresse.
Sous le toit de mon âme apaisée,

ça vertige.

Cette « poétique » annoncée dans le titre du recueil n’est autre que celle qui est motivée par les éléments du vécu, par ce socle commun à chaque être qui n’est autre que sa sensibilité toute particulière mais non moins créatrice. Et si le lexique n’est pas plus bousculé que la syntaxe, offrant un emploi récurrent de la fonction référentielle, c’est qu’il est question de décrire ce parcours qui a mené le locuteur à la Littérature. Mais il s’agit d’une littérature dont le caractère sacré réside en ce qu’elle est l’émanation des individualités plutôt qu’un espace restreint et réservé à quelques uns. Ainsi le substantif présent dans le titre revêt à la lecture des pages de Poétique de la terre à la mer une acception toute particulière. Loin de toute théorie préexistante et n’ayant pas pour ambition de mener une étude réflexive ce n’est qu’au fil de la conversation fictive que le poète entretient avec Tristan Corbière, proposée dans le sixième chapitre, que se fait jour cette pensée sur l’écriture, emprunte d’intelligence et d’humanisme.

Présentation de l’auteur

Jean-Albert Guénégan

Jean-Albert Guénégan, poète né à Morlaix, a publié :
  • Sans adresse, l'automne en 2012
  • Trois espaces de liberté en 2011
  • Conversations à voux rompues avec Jean-Claude Tardif, édités par Editinter.

Auteur également de livres d'artiste, Matins en 2012 avec Michel Remaud et des récits autobiographiques comme Dimitri et les livres en 2008. Anime des soirées poésie notamment en médiathèques et centres culturels.

Jean-Albert Guénégan

Autres lectures

Sans adresse l’automne, Jean-Albert Guénégan

                  Jean-Albert Guénégan  sur la trace des disparus       Sous le titre un peu énigmatique Sans adresse, l’automne, Jean-Albert Guénégan publie un nouveau [...]