Jean-Claude tardif, Les chemins dérisoires, extraits

Par |2020-05-07T06:50:37+02:00 6 mai 2020|Catégories : Jean-Claude Tardif, Poèmes|

La nuit s’é­tend sous mes paupières,

j’at­tends mes rêves

sans plus y croire vraiment.

Demain ne sera pas un autre jour,

juste la sil­hou­ette oubliée des heures perdues.

Je compte sur mes doigts le fris­son des horloges,

les petits matins me trou­vent perclus,

apeuré. J’ai per­du mes enfances.

Où sont les ven­tres de mes femmes

et de quoi se sou­vi­en­nent mes filles ?

D’un pre­mier cri — tou­jours le même -

qui nous vient de der­rière les mots

pour nous racon­ter notre histoire ;

celle que nous gravons sans cesse

à l’in­verse de nos paumes

loin des lignes de vie et de chemins de fer.

 

*

 

 

 

Mes yeux accrochent leurs linges

à l’é­ten­doir du ciel ;

le cré­pus­cule ravaude ses draps.

Soudain der­rière la vit­re le vieux livre de la nuit

et la mer entre les lignes, filigrane.

L’éc­ume a une odeur de cuir

qui déplaît aux oiseaux marins.

Le vent est immo­bile et je suis loin du monde.

Sur l’en­vers de mes paupières

le corps de cuiv­re d’une grive égarée

pié­tine l’om­bre qui nous lie.

Je la regarde comme un autre

moi-même.

 

 

Écrire un poème, à quoi bon ?

Le monde n’y tient pas,

il s’en moque

comme il se fout des mots qui le nomment.

Le monde n’est pas un poème

sim­ple­ment

l’om­bre qu’il pro­jette, peut-être,

sur une page blanche

 

que nous ne savons pas.

 

 

Par­fois je dors ; je fais semblant,

j’é­coute ma res­pi­ra­tion sans la reconnaître.

Suis-je un mam­mifère, un poisson,

une pierre tombée d’une poche

ou sim­ple­ment

une météorite qui se serait perdue ?

 

Sou­vent je fais sem­blant, je dors.

je me perds un peu dans le drap du silence,

je suis une à une les lignes

au fond de ma paume. J’ânnone

une his­toire trompeuse qui me ressemble

et je ne sais plus soudain si ma peau

porte en elle la mémoire

qui le soir venu me fait défaut.

 

*

 

Longtemps j’ai bre­douil­lé l’alphabet

let­tre à l’être, petits riens que j’ai portés

faute de poches convenables

au revers de la langue

comme on le fait d’une fleur sur une boutonnière.

Myoso­tis peut-être à moins que

ce fut un coqueli­cot, poi­son insignifiant ;

plume au milieu du foin, dans l’in­ter­valle du vent

au creux des jalousies et des corps qui se donnent

à la façon d’un monde .

 

 

Présentation de l’auteur

Jean-Claude Tardif

Jean-Claude Tardif est né en 1963 à Rennes dans une famille ouvrière. Il vit actuelle­ment près du Havre. Poète, auteur de réc­its, de nou­velles et romans. Il ani­me depuis 99 la revue : « A L’In­dex ». De 1997 à 2012 il a ani­mé les Ren­­con­tres-Lec­­tures du « Livre à Dire » à Mon­tivil­li­er où il a reçu des auteurs français et fran­coph­o­nes. Au côté d’une oeu­vre poé­tique pub­liée en recueils, il est égale­ment présent dans plusieurs antholo­gies con­sacrées à la poésie con­tem­po­raine et de nom­breuses revues tant hexag­o­nales qu’é­trangères. Cer­tains de ses poèmes ont fait l’ob­jet de tra­duc­tions en alle­mand, por­tu­gais, italien …

Bib­li­ogra­phie (sup­primer si inutile)

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Bestiaire minuscule de Jean-Claude Tardif

   Il fau­dra écrire un jour l’his­toire des Bes­ti­aires. Sans remon­ter aux ptéro­dactyles (les hommes préhis­toriques n’écrivaient pas de poèmes !), on peut citer le Phys­i­ol­o­gos, un bes­ti­aire antique des pre­miers siè­cles de […]

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