Jean-François Mathé, Vu, vécu, approuvé

Vu, vécu, approuvé. Un titre avec un point final, un titre en forme de cachet attestant de l’authenticité de son contenu, un testament poétique officiel. L’ouvrage, de belle facture, est élégant, et l’illustration sur la première de couverture introduit admirablement la voix de Jean-François Mathé. Les textes sont versifiés à l'exception des trois derniers qui semblent traduire une libération, un élargissement du souffle du poète.

C'est un livre de silence et d'ombre dans la lignée des précédents : on y retrouve une écriture vraie, concise, intense, qui percute sans jamais agresser. Tout y est transparence, incertitude et mouvance. Un livre intimiste écrit en bordure de la vie, dans lequel l’auteur se dévoile autant à travers le silence et le blanc de la page qu'à travers les mots eux-mêmes et c'est de cette maîtrise des sentiments que surgit la violence de l'émotion.

Vu, vécu, approuvé. nous parle du passé, (sans regrets - les bons moments restent dans la mémoire avec le bonheur de les avoir vécus) mais aussi de l'inquiétude, du vide, de l'instabilité, de la précarité des êtres et des choses, de la difficulté de vivre quand « l'avenir est refusé ». C’est un livre de contrastes : empli de nuit, on y voit filtrer la lumière ; les espaces clos s’entrouvrent, la mort – tantôt présente, tantôt suggérée – y fait place à la vie. Car dans ce cri murmuré, c’est au lecteur d’apporter la lumière aux mots d’ombre du poète.

 

Jean-François Mathé, Vu, vécu, approuvé, Éditions Le silence qui roule, 2019, 48 pages, 12 €.

Les mots, souvent, sont des yeux fermés
qui regardent la nuit en eux. 

 Nuit ou en secret leur vient
le ciel clair qu'ils ont à offrir
quand ils seront des yeux ouverts 
par ceux qui les lisent. 

 

Un livre sur le courage de vivre et le désir d’une renaissance dont l’expression poétique témoigne d'un rapport fusionnel avec la nature.

 

Perdu en forêt profonde
tu t'arrêtes un instant pour attendre
un peu de ciel clair
tombé du chant de l'oiseau le plus haut perché.

 Cela suffira à éclairer le chemin
et à te protéger des gifles d'ombre des feuilles,

 jusqu'à la clairière
que tu veux atteindre
en forêt comme en toi.

 

Les mots de la poésie tentent de retenir ce qui a été vécu, c'est pourquoi ce livre nous parle aussi d'amour et d'amitié, de sentiments qui se délitent et, s'il s'ouvre sur l'image d'un repli (le fruit de la vie réduit à son seul noyau, un enfermement qui pourrait démontrer également le désir de se recentrer sur le fondamental), il s’achève, après un cheminement quasi initiatique, sur une vaste respiration :

 

            Tu es le prisonnier évadé qui regarde et respire l’étendue du ciel.

            Feras-tu le premier pas sur le chemin élargi par le vent ? Iras-tu enfin ailleurs qu’en toi-même, pour choisir dans le plus lointain verger le fruit qui aura le goût nouveau d’une nouvelle vie ?

 

Ouverture de l'horizon, l'huile sur toile de Marie Alloy entre en parfaite résonnance avec ce recueil fait de gravité et d’ardente douceur. De prime abord, c’est la couleur qui domine : des nuances d’ocre rouge et des gris bleutés, dans un juste équilibre d’ombre et la lumière. Puis se détachent des formes et des reflets, des silhouettes d’arbres apparaissent, finement esquissées dans l’incandescence de la toile.

Un livre que j’ai « lu », « vécu » et que la lectrice que je suis ne peut qu’« approuver » !

 

 

Présentation de l’auteur

Jean-François Mathé

Né en 1950, il a été professeur agrégé de lettres en lycée. L’essentiel de sa bibliographie poétique est constitué de 15 recueils parus et d’un à paraître aux éditions Rougerie dont certains ont reçu divers prix (Prix Antonin Artaud en 1988, Prix du livre en Poitou-Charentes en 1999, Prix Kowalski de la ville de Lyon en 2002). Contributions à de nombreuses revues, poèmes traduits en espagnol, allemand, tchèque. Membre du comité de la revue Friches. Il a reçu en 2013 le Grand Prix International de Poésie Guillevic-Ville de Saint-Malo pour l’ensemble de son œuvre. Il vit dans un village du Poitou.

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