Tout serait-il dans le titre ? « De la musique avant toute chose et pour cela préfère l’impair », ce à quoi nous songeons, de prime abord… Et comme Mozart n’y est plus, son escapade ne sig­nalerait-elle pas un cer­tain appel à un renou­veau de la poésie, une évic­tion du  passé, tant pour ce qui est de la forme que pour les thé­ma­tiques abor­dées générale­ment par le poème ? S’il est des hori­zons d’attente sin­guliers, en voici un, et la parci­monie des vers qui com­posent  les poèmes  laisse pressen­tir le trait de moder­nité sug­gérée par le titre.

La « Table des poèmes » ne laisse pas de doutes quant à la teneur inédite de ce que nous pro­pose l’auteur du recueil : « Prière aux grand patrons », « L’Esquisse d’une vérité », « Urgences », « Dans la rue de Man­del­stam », « Mozart court encore », « Labyrinthe brux­el­lois »,  « Les humeurs d’un petit archi­tecte »…Cer­tains titres sont humoris­tiques, tel « Analyse cartési­enne et pour pas un rond », ou caus­tiques : « Nou­veau code du tra­vail pour un seul hori­zon »…Engagés, aus­si, dans une réal­ité poli­tique , « Planète pou­tine »…D’autres con­vo­quent des philosophes, Kierkegaard, Heidegger…Ces découpages tutélaires évo­quent les voy­ages de l’auteurs, et le regard porté sur chaque pays traversé…Où est Mozart ? Et bien, il est cité dans un des poèmes du recueil, là où on ne s’attendrait pas à le trou­ver, tant le titre, drôle, mais stri­dent, annonce la tonal­ité cri­tique du texte, au dia­pa­son de ceux qui com­posent le recueil :

Jean-Luc Despax, Mozart s’est échap­pé,  Edi­tions Hen­ry,  124 pages, 10 €

 

Carte de crédible

 

Au bout de trois ten­ta­tives de suicide
La carte de groupe san­guin est avalée

Les  prochaines notices nécrologiques
Seront faites à Taiwan.

La rumeur de la ville
Se moque des réseaux

Et ce n’est pas le tout d’être « écouté »
Il faut être entendu

Non tant chang­er de vie
Mais façon de la vivre

Tou­jours l’heure du leurre
Et bien temps de se détromper

Assigné à résilience
Mozart s’est échappé

 

Et nous sommes édi­fiés, car si l’auteur évoque Mozart, c’est bien parce que dans cette moder­nité brossée au vit­ri­ol par le poète Mozart, et de fait ce qu’il représente, ne peut que fuir !

Ne s’arrêter qu’à la teneur humoris­tique de pléthore de poèmes serait omet­tre de  ren­dre compte du ton sar­cas­tique de la plu­part d’entre eux qui, non sans une cer­taine légèreté, tra­cent les con­tours de sociétés dif­férentes et restituent une vision plané­taire des aber­ra­tions économiques et poli­tiques qui mal­heureuse­ment per­durent. Le regard cri­tique du poète décode sur le ton le plus léger qui soit une moder­nité dont il énonce toutes les dérives, car il ne manque pas de soulever les prob­lé­ma­tiques actuelles les plus importantes

Engage­ment poli­tique et con­stat des échecs de la mise en pra­tique de plusieurs théories human­istes, cer­tains des textes de l’auteur ne sont pas sans rap­pel­er qu’il a lui aus­si nour­ri des espoirs, déçus…

 

Poètes vivants de l’étagère

Pas un livre de Marx pour sauver le rayon

C’est Ovide au com­plet mais aus­si Xénophon
Le Marx de mon lycée je le laisse aux lingères

Oh sans mépris aucun. Dante, je le digère
Il m’aide à pass­er les saisons, les congères
Les poètes vivants peu­plent mes étagères
Cela ne suf­fit pas cher petit commissaire ?

 

On ne sait si Mozart n’y est pas, mais, quoi qu’il en soit, la musi­cal­ité et l’humour étoilé de la poésie de Jean-Luc Despax ne seraient pas, sûre­ment, sans inter­pel­er le com­pos­i­teur. Et puis, la grav­ité, soudain, dans un décor d’une banal­ité décon­cer­tante, inouïe et écla­tante comme un coup de canon dans une forêt tran­quille, sur­git pour nous rap­pel­er que l’horreur n’est pas loin….sous un ciel qui « demeure entier » !

 

Le Ciel demeure entier

Mort des éphémùérides et bais­ars de velours
Les canons sont changés aux ser­rures des portes
C’est égal maintenant
Le train m’attend à quai comme cour­si­er trop sage

Je pos­sède l’arrogance des papillons
Je fais du NOSTOS une arme de conquête
LK’éclairage pub­lic inno­cente mes vers

Dans les gares,
Ils nous regar­dent comme des bestiaux
N’auront paq min dés­espoir lorsque je descendrai

Heureux d’être vivant

L’espace con­tin­ue de mutil­er le Temps

 

Rien à ajouter, car oui, l’espace con­tin­ue de mutil­er le temps.

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.