Il peut paraître étrange qu’un seul poème fasse figure de recueil entier, même si cette surprise est tempérée par la connaissance que l’on peut avoir du travail éditorial effectué par Laurent Albarracin avec Le Cadran ligné, puisque le poète du beau Secret secret paru il y a peu chez Flammarion a comme espoir et désir sans cesse renouvelé de créer une succession de recueils contenant un seul poème qui paraîtrait à l’acmé de sa forme, travaillant en profondeur la notion d’image, et pourrait être en soi aussi abouti qu’un ensemble de textes, n’appelant pas forcément d’autres poèmes dans son entour.
Le fragment est pensé comme essentiel dans ce recueil. Autrement dit, le fragment est révélé comme essentiel, au travers de ce recueil, dans la poétique de Jean Maison. Il est en effet ce qui permet au dire d’affleurer, dans sa singularité de Parole d’avant la-parole-du-discours, c’est-à-dire d’avant la parole commune.
Il n’est jamais ce qui dessine les contours d’un manque qui paradoxalement le constituerait en propre autant qu’il creuserait sa beauté, c’est-à-dire d’une ellipse, d’un manque-à-dire par rapport à un discours qui serait déjà institué, couché sur le papier. Il n’est jamais pensé comme approximation d’une forme qui ne serait pas parvenue, faute de temps, faute de contexte, à son plein accomplissement. Il est, tout au contraire, ce qui nous dévisage à titre de singularité non soluble entièrement dans les tours et détours que propose le langage pour résonner à notre intellection autant qu’à notre imaginaire, résonner avec force, c’est-à-dire avec vérité.
Ce qui est (notamment) singulier chez Jean Maison, c’est à quel point le poème nous happe, nous appelle avec vérité (justement), nous fait basculer dans son être de poème, dans sa chair de poème et dans l’ouverture sur le non-dit que l’irruption de la belle étrangeté du « à » (je vous laisse vous reporter au poème) et la forme du texte instaurent.
Cette ouverture sur le non-dit est permise tout à la fois par la perfection formelle du poème et par sa solitude qui est une double invitation : une invitation à ce que notre imaginaire poursuive la lecture jusque dans notre vie la plus quotidienne et une invitation à revoir et revivre toute la poésie de Jean Maison telle que l’on peut non l’appréhender, non l’expérimenter mais bien la vivre au quotidien, avec bonheur.
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