Amer d’une sève sans sillon
premier mot sang
sans racine dans le monde évanoui
sans corps encore le son
lui fibre lui nœud aisselle ligneuse
et moi corps perdu verbe flotté
premier mot vers
archet au cœur du tronc
agrafe muette
mot premier clos vert
plus lourd que l’air
articule l’anatomique folie
d’un possible amer tendre
∗∗∗
J’étais l’aile du corbeau
j’étais l’accident
là où le rocher imite le rocher
qui imite le silence
je penchais dans les brumes
antérieur pour toujours
essoré debout
j’attends encore l’aiguille du jour
les démentis du lac
le froid ment
même la frontière est chaude
et je tiens sur l’eau
et je tiens sur l’air
et le temps revient
rien ne renonce
je serai rouge rouge encore
je soulèverai ma robe
et la rive sera mienne.
∗∗∗
Tourne en arbre torse
tourne noir ces lentes mémoires
en brûlis philosophe
vis la cadence du passage
sens des pluies la corde oblique
le silence aux yeux noirs
arbre bercé recousu d’amour
dans cette pluie de l’être
scarifié tendre goutte à goutte
sois céruse claire
une main vers le bleu
du bois noir à la pousse torse
égare ce grain de blanc coton
où s’étire muet le
corps de l’amant brûlé.
∗∗∗
Ostinato
dans l’eau veloutée des bois
le désir dans sa ruine
grogne hume l’absence
flèche de soi dans les paumes
cette ouïe mobile
s’amourache d’une nuit noyée
pleure sa joie sombre
perdue dans les irrévocables
il trouvera les élégies fauves
la fleur sonore du gésir
cadence qui sonde parmi
les débris de frairies nocturnes
errance coriace devant
et les scories du mort-bois
le coursent entre tête et sexe.
∗∗∗
Vous trouverez mes sandales
et il n’y aura pas de volcan
J’ai quitté le temps de la nuit son épaisseur
je bouge et c’est un grand ciel décomposé
où le vouloir s’échappe
au fond dessus dedans
il est question de lumière de vent léger
sur ce lieu de rien cet instant de pente
je goûte la possibilité d’un déséquilibre
j’habite les branches et l’envers des feuilles
ce temps de rêve et de chute il est à toi
ce temps exact tu le respires
il pulse dans un cœur que tu n’entends plus
tu tombes peut-être
tu le sais tu ne sais rien
sinon qu’un geste t’attend entre deux phrases
un pied un mot que tu poses te redresse
déjà je penche.
Paru dans la revue Décharge.
∗∗∗
Goutte à goutte longtemps
ce qui s’ouvre
dans la fondamentale
de source en larme
et s’éloigne la poésie des ruines
être élargi
être élargi et toucher
le pardon à mains nues
vacance des mains sous l’œil
voix proche
oiseau de nuit espace autour
le solitaire dépli.