Il vit à Trébabu, juste en face de l’île d’Ouessant, à la pointe du Fin­istère. Le poète Jean-Pierre Boulic baigne dans une forme de nature pri­mor­diale où il trou­ve, sans fail­lir, son inspi­ra­tion (et sa res­pi­ra­tion). C’est encore le cas dans ce nou­veau recueil con­sti­tué de courts poèmes comme autant de miettes éparpil­lées sur son chemin d’écriture.

Mais que sont donc ces miettes éton­nam­ment « tombées du poème ? » L’expression ne manque pas de sur­pren­dre. S’agit-il de « chutes » tombées d’un poème prin­ci­pal, comme on le dirait de « chutes » d’un morceau de bois que l’on vient d’équarrir ? Mais ne s’agirait-il pas plutôt, en réal­ité, de miettes tombées du Poème de la Créa­tion, autrement dit d’une évo­ca­tion — ren­due ici très con­tem­po­raine par le poète – d’un monde conçu par la puis­sance divine (L’Elohim de la Genèse)  dont il con­viendrait de « réu­nir les morceaux épars » selon les mots du poète Novalis ?

On est ten­té de le penser  à la lec­ture des poèmes de Jean-Pierre Boulic quand il écrit : « Aller en genèse//Ouvrir la parole/primordiale/d’un nou­v­el espace (…) Venir à la source/où le grain de lumière germe/sur la bon­té des herbes// aller en genèse ». Plus loin le poète écrit : « Tu te retrou­ves à contempler/infiniment/les choses de la terre ». Ou encore ceci : « Paysage apprivoisé/infiniment contemplé/en lui bruisse une voix ».

La con­tem­pla­tion est au cœur de la démarche poé­tique de Jean-Pierre Boulic. La nature est l’espace où elle peut s’exercer sans répit, sous « les berges du ciel », sous « le châle noir des nuages » ou « les brèch­es de la pluie ». Nous sommes au bord de l’océan sur des ter­res qu’un « nap­per­on d’embruns » ou un « tamis de rosée » peut investit sans coup férir.

Jean-Pierre Boulic, Quelques miettes tombées du poème, Edi­tions Illador, 90 pages, 16 euros.

Par­courant ces ter­res océaniques, le poète fait corps avec cette créa­tion qui l’environne jusqu’à « tressaillir/à profusion/d’une joie inépuis­able ». Les oiseaux, les fleurs, les arbres, qu’il désigne avec appli­ca­tion, sont les mes­sagers d’une sorte de révéla­tion (« Au faîte des châtaigniers/le coucou/répète la patience des heures ») pou­vant aller jusqu’à ces petits mir­a­cles que sait nous révéler le regard du poète : « La mousse de la dune/encore mouillée/allume des étoiles ».

Il y a dans ce nou­veau livre de Jean-Pierre Boulic – n’hésitons pas à le dire – une tonal­ité encore plus mys­tique que dans ses précé­dents ouvrages. Car de cette con­tem­pla­tion, en dépit des temps mau­vais, il s’agit d’en faire quelque chose. « Habiter dans la con­fi­ance », nous dit-il, ou encore « Tressaillir/à profusion/d’une joie inépuis­able ». Et, nous le rap­pelle-t-il : « Aller en genèse » pour recueil­lir ces morceaux épars d’un « par­adis dis­per­sé sur toute la terre » (Novalis)

Présentation de l’auteur

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Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire. Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment “Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure” (2002, réédi­tion 2008), “Let­tre à une moni­ale” (2005), “Que la terre te soit légère” (2008), “Fou de Marie” (2009). Dernière paru­tion : “Les heures lentes” (2012), Silence hôpi­tal, Edi­tions La Part com­mune (2017). Ter­res natales (La Part Com­mune, 2022) Voir la fiche d’auteur