Je n’insisterai pas sur la bib­li­ogra­phie con­sid­érable et var­iée de Jean-Pierre Siméon, mais si je devais par­tir sur une île déserte avec un livre de lui, j’emporterais celui-ci, qui rassem­ble trois recueils sig­ni­fi­cat­ifs de son œuvre.

 Ce qui les rend par­ti­c­ulière­ment acces­si­bles et effi­caces poé­tique­ment, est qu’il s’agit man­i­feste­ment d’une écri­t­ure qui n’a pas oublié qu’elle peut avoir à pass­er par l’oralité. Elle en a la sim­plic­ité des images, l’harmonie sonore de la for­mule, la qual­ité dans « l’attaque » qui fait que chaque poème accroche d’emblée. Bref, Jean-Pierre Siméon n’a pas renon­cé aux moyens clas­siques mais dis­crets des pres­tiges de la rhé­torique, sans que les poèmes en souf­frent. Ils y gag­nent au con­traire une sorte de théâ­tral­ité de bon aloi, une économie dans la mise en scène d’une éventuelle réc­i­ta­tion, ou décla­ma­tion, qui pour­suit secrète­ment une longue tra­di­tion de la parole en poésie. Du coup, les poèmes de ce livre sont un plaisir à lire à haute voix, pour soi-même, soli­taire en forêt par exem­ple. L’autre qual­ité de ces poèmes qui bien sûr touchent sou­vent au thème de l’amour, mais pas seule­ment, c’est leur ton. Ce ton est ressen­ti comme celui d’une sincérité toute directe à l’égard et à l’intention des êtres humains et en par­ti­c­uli­er, de la « gar­di­enne des baisers ».

Jean-Pierre Siméon, Lettre à la femme aimée au sujet de la mort et autres poèmes. (NRF Coll. Poésie/Gallimard – préface de J.M. Barnaud).

Jean-Pierre Siméon, Let­tre à la femme aimée au sujet de la mort et autres poèmes. (NRF Coll. Poésie/Gallimard – pré­face de J.M. Barnaud).

Le livre four­mille ain­si d’expressions qui enchantent et sont des trou­vailles, dis­ons, laconiques, qui étin­cellent au détour des vers. Mais ces expres­sions, si bril­lantes qu’elles soient, ne voilent pas de leur éclat l’intime pro­fondeur du pro­pos, et c’est pour cela que la poésie de Jean-Pierre Siméon est au plus haut point émou­vante. Elle est une poésie sous-ten­due par une vie con­stam­ment reliée à notre insu – car il n’évoque point la chose de façon osten­ta­toire, comme cer­tains dont c’est le fonds de com­merce ! — à ce que j’appelle volon­tiers l’humaine tribu, la com­mu­nauté des bipèdes, voire des vivants en général, que — à la faveur de l’amour de « l’aimée » — nous voudri­ons con­san­guine, frater­nelle (« se recon­naître défait/ dans chaque homme qui tombe… » ). Et d’autant plus que la vie de cette human­ité dont cha­cun est un atome, se découpe sur fond de mor­tel mys­tère. Pour toutes ces raisons, et d’autres que je laisse au lecteur le soin de décou­vrir, je recom­mande vive­ment ce beau petit vol­ume et le tré­sor de ten­dre sagesse qu’il recèle. En des temps aus­si durs que les nôtres, une parole ajustée au monde et qui, ni ne le fuit dans un enchante­ment béat, ni ne se laisse dévor­er par lui en mari­nant dans ses affres quo­ti­di­ennes, mais se tient à dis­tance de « for-intérieur » et d’équilibre, mérite que nous entri­ons volon­tiers en réso­nance, en sym­pa­thie, avec elle, comme on le dit des « cordes sym­pa­thiques » des vio­les d’Amour !

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Xavier Bordes

Xavier Bor­des, né le 4 juil­let 1944, dans le vil­lage des Arcs en Provence (Var)…

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