Jean-Pierre Siméon, Politique de la beauté

Que dire de plus à la préface de Jean-Pierre Siméon, sauf une question : la beauté peut-elle disparaître ?

On ne peut que constater son absence dans l’art officiel d’aujourd’hui, pourtant elle était là, elle a existé et ce manque nous fait peur, voire nous angoisse dans la mesure où elle est une réalité qui émerveille, un contrepoids existentiel, une sauvegarde qui permet de conserver un espoir quand on traverse le guet sans savoir où on va. La beauté se situe du côté de l’intuition, du désir, des émotions, du bonheur, de la vie qui évolue sans cesse, qui se recrée à chaque instant… Non pas que le raisonnement et la logique soient à éliminer, mais, comme en toute chose, quand une méthode devient un dictat, une unique façon de penser, il y a danger.

La beauté n’est pas une invention humaine, mais un élément primordial de la vie, les fleurs en sont le témoignage, agréments de séduction pour attirer les insectes, et les fruits doux et savoureux pour les oiseaux aussi, et les couleurs magnifiques chez les poissons exotiques, et le sourire chez l’être humain qui perdure encore mais souvent dépouillé de son innocence pour se parer d’une ironie soi-disant intelligente.

 

Jean-Pierre Siméon, Politique de la beauté, Cheyne éditeur, août 2017

Jean-Pierre Siméon, Politique de la beauté, Cheyne éditeur, août 2017

« L ‘envie nous prend de monter sur les épaules du vent », oui, pour goûter toutes les saveurs du monde, pour sentir le frôlement d’une aile, en se perdant dans l’infini beauté de notre planète où l’être n’a plus besoin de preuves pour exister. La beauté est une ouverture, c’est la liberté qui prend le pouvoir alors que la laideur est rétrécissement, enfermement, impasse, dont les rouages mortifères nous broient inexorablement ou nous fait fuir. Peut-être avons-nous peur de la beauté car elle nous rend immobile, subjugué et donc animalement vulnérable.

Dans la « Politique de la beauté », on devine le sens de la vie de la cité, du vivre ensemble dans un nous se retrouvant autour de cette beauté qui nous tient un instant hors de l’extrême solitude dans laquelle nous plonge notre monde technologique. L’air se réchauffe, la brume des visages se dissipe. « Regardez cette lumière au cou d’une colline », belle invitation à la nature, à sa présence, à reconnaître un cadeau que fait le ciel à la terre, à renaître dans notre environnement premier quand on découvre « sur ses mains le bleu du ciel ».

Aimer la beauté est un acte politique, une valeur en soi, contre le nihilisme, la vulgarité, la bêtise, elle tient la main d’un côté à l’humanisme et de l’autre à une certaine innocence dans une époque qui se croit tellement intelligente qu’elle en a perdu cette forme d’amour et de curiosité. La beauté n’est pas que dans le langage, elle est là, souvent invisible dans sa grâce quotidienne, dans un geste simple, enchanté.

Beauté je t’embrasse pour alléger ma langue des lourdeurs de la nécessite.