Jean-Yves Guigot, La Traversée du Silence, extraits

L’ENVERS DE L’HISTOIRE UNIVERSELLE

 

            La nuit seule éclaire les silences…

            Il n’est qu’elle pour elle-même se précéder et porter sa mémoire

            jusques-en sa source.

 

            L’immobilité se fait mouvement

            se continuant dans la plénitude

            là où se perpétue l’écoute

            du mystère.

 

            Le marcheur ne fait l’expérience

            que du non savoir

            de tout pourquoi

 

 

            Contempler ce rêve réel de la voûte

            éveille l’âme à l’absence

            de sens

            autre que le pur vécu.

 

***

Nuit universelle… L’impossible expérience…

            Contempler la vaste ténèbre ravive une forme originelle de vertige

            où se déroule le mouvement titubant de la plongée cauchemardesque

            la plus noire…

            Celle où le déracinement,

            l’obscur sol de la bouche océanique

            avale le réel tel un Dieu aveugle.

 

***

 

            Seules quelques brumes y énoncent quelque alphabet

            pour l’adepte de l’avenir

            qui en devinera le maniement de l’archet…

            qu’il lui faudra inventer.

 

***

            La voute céleste s’unifie à la courbe des lèvres dont les murmures

            se taisent, désormais…

 

            Énoncés dans la vaste nocturne, eux-mêmes

            me deviennent moins moi-même que le silence.

 

            L’antre du silence sauve l’antre du néant…

 

***

            Sur la cime la plus haute je m’allonge,

            et l’absence de toute lune laisse déployée

            la vaste obscurité de l’infini.

 

            Je n’en peux être…

 

            Les rares ondées lumineuses ravive le souvenir

            de ce qui fut.

 

            Mimant la geste continuelle de

            ces frères nés de leur éclat passé

            sans doute roulant vers quelque perte future

            et s’empoussiérant et glissant dans

            l’infini cimetière du réel.

 

            En serai-je peut-être quand rien ne sera plus ?…

 

***

            Mais ici-bas demeure le lien

            d’où s’écoulent

            les mythes et les dévoilements.

 

            La chair ploie le réel

            où l’âme délie le mouvement

            vers la vision

            de la substance.

 

            La peau métamorphose la nuit, sans l’arrêter.

 

***

            L’homme errant se sent écrasé

            par la perte, percevant l’aube

            dont la substance déborde

            sa vertu.

 

            Le sommeil justifie l’abandon – quand le plongeon nie l’éveil…

 

            Est-ce frisson angoissant que la fuite

            face à l’effort

            de faire par le Verbe

            la saisie de l’aube ?

 

            L’ivresse, précédant tout principe, nourrit l’angoisse des cimes.

 

            L’humilité est la lucide vision de l’ombre où s’enfonce le monde des profondeurs –

            où s’enracine la vie…

Présentation de l’auteur

Jean-Yves Guigot

Enseignant le français et la philosophie, l'activité à laquelle s'adonne Jean-Yves Guigot sur le plan existentiel est la quête de l'unité. L'écriture poétique est le lieu expérimental où se mêlent la vie et l’œuvre à naître, et les recueils, ainsi que ce vers quoi il tend, sont tournés vers cette quête. Le site lenchassement.com participe de cette expérience à travers tous les arts et les modes d'écriture.

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Bibliographie 

Xavier Grall : Lisière d'un voleur de feu, éd. Blanc Silex, 1998.

Par delà le Voile Illuminé, éd. Blanc Silex, 1999.

La Traversée du silence, Douro, 2023.

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