J’Œil change les rêves

traductions Chantal Bizzini
 

 

pour Joe Overstreet, Corrine Jennings & George Lewis

 

 

j’œil change les rêves à la 42ème rue, times square

tandis que, tourbillonnants dans leurs attitudes technicolor, des gens foncent à travers les jours affairés, portant des paroles qui mitraillent

à un rythme égalant celui dont ils détournent leurs regards des cadres même singent avec des gestes vifs

une désinvolture affectée, tandis que dhabiles arnaqueurs roulent des yeux

comme des billes alentour, cherchant des coups, se lèchent les babines, laffaire faite avec un bouseux pas fût-fût et, les vres dégoulinantes de bave,

en mangeant des hot-dog payés avec des billets de cinquante dollars au grand jour

ouais, tu métonnes, cousin —

des trottoirs roulants transportent tout

si vite que chacun pense que cest ses pieds qui portent son corps, en dansant, sur une chanson différente

que, disons, à gloster, mississippi

le temps est une tortue qui remue après quune inondation a reflué à lendroit même doù elle était venue

tentends pas dappels ici

à gloster, nulle part de téléphones portables paniquer

seul le constant et lent bourdonnement du plané de moustiques bouffis glissant à travers lair pour se gorger de carnages de sang frais

guidés vers leur cible par leur langue rodynamique ils oscillent dans leur course en zigzag au-dessus diris barbus qui agitent leurs feuilles en épée dans la brise

comme s’ils se préparaient à mener un juste combat contre nimporte qui ou quelque chose comme les gens qui vivent dans la grosse pomme (leurs masques sinistres toujours ajustées quils portent même aux toilettes, effrayés à mort quils sont

de tomber sur un requin au sang froid

calculant, , ce quils tiennent personnellement pour leur territoire) essaient de garder leurs rêves fluctuants en phase avec la vitesse accélérant sans cesse & à chaque instant, dans midtown manhattan caméléons affos

partout, ici, changent de visage en plein midi, disons,

au croisement de la 42ème rue & de la 8ème avenue, alors que des foules claustrophobes dégoulinant de sueur, en at, verrou fer sur la chair, froids, comme un type qui a eu triple perpét à comstock —

les gens ici changent de vitesse, pour tenter desquiver la panique au milieu de ces rêves de bouffons

& au centre de tout ça

un arnaqueur qui ressemble à lazare le rapide, feu lagent dhollywood, rôde en rolls royce blanche, colportant des attrape-nigauds pour vieilles

gendes à dentiers,

qui ont lair si bizarres en public dépourvues de leur épais maquillagecomiques, même sorties de leur machines à rêve, à illusionsmémentos en lambeaux que lescroc colporte vers un bazar miteux

dans un taudis, une pièce avec des toiles d’araignées, où il revend les photographies décolorées de

zsa zsa gabor dans la fleur de l’âge, avant qu’elle ne commence à se décomposer sous nos yeux, portant tout ce maquillage inquiétant et pittoresque ce

fond de teint blanc sur ses liftings éternellement changeants, masquant les rêves que nous portons nous-mêmes, en nos imaginations dérivantes, délirantes

nous ensorcelant ici alors que nous traversons times square

saturés par la charge énergétique des courants

électriques que j’œil imaginait que ce poème avait quand j’œil commença d’abord à l’écrire puis ayant à composer avec la manière dont il ralentissait à mi-course,

quand j’œil est tombé sur ce passage sur gloster, à un tiers de la page, & a tenté d’éviter tous ces moustiques zigzagants

attaquant en piqué en vue d’un carnage de sang frais —

mon parcours s’étendant à la place entière après ça, réglant la focale,

de rythme, la manière dont mes vers idiots avaient commencé à s’organiser — à ce moment même, ils ont commencé à l’inventer en entier

en avançant, comme différents musiciens improvisant

ce poème — comme le double de lazare le rapide colportant les merveilles

du vieil hollywood avant la chute, avant qu’elles ne deviennent des légendes édentées, avant qu’elles ne deviennent zsa zsa gabor

ce pilon verbal de spoutnik, une chose qui se mange

après tout — promet foutrement plus qu’il pourrait jamais donner voyageant à la vitesse des parfaites conneries, qu’elles sont —

une attitude technicolorée de times square, sans rime, arrivant à cheval sur un balai, écœuré & caustique,

avec le mal du pays pour cette énergie : la bonne vieille grosse pomme

 

 

 

 

   poème tiré du recueil Transcircularities: New and Selected Poems (Coffee House Press, 2002)