Jorge Vargas, 6 poèmes tirés de SUEÑO LA NOCHE — JE RÊVE À LA NUIT
6 poèmes tirés de SUEÑO LA NOCHE - JE RÊVE À LA NUIT
I
Soy el payaso
De un ser invisible y despiadado
Miro al cielo
Abro la boca
Qué más da si cae lluvia
Viento sangre
O golondrinas.
Je suis le clown
D’un être invisible, impitoyable
Je regarde le ciel
Ouvre la bouche
Peu me chaut que tombe de la pluie
Du vent du sang
Ou des hirondelles.
VI
Todo pasó muy despacio,
Saboreamos la juventud
Como se saborea un mango en verano
Sin saber que esa sería nuestra derrota.
Nos robaron el sueño
Aprisionando la noche con lobos.
Nos quitaron todo.
Saquearon las palabras
Hasta que patria fue sinónimo de injusticia
Mar tempestuoso
Niño jugando a esconderse
En el calabozo del verdugo.
Optamos por criar hijos en medio de casas en llamas
Con bocas succionando desde las ventanas
Mientras creíamos estúpidamente
Pagando a tiempos nuestros impuestos
Que las balas jamás nos tocarían
Y no advertimos cuantas perforaron nuestros cuerpos.
Tout s’est passé très lentement,
Nous avons savouré la jeunesse
Comme on savoure une mangue en été
Sans savoir que ce serait notre défaite.
On nous a volé le sommeil
En enfermant la nuit avec des loups.
On nous a tout enlevé.
On a pillé les mots
Jusqu’à ce que patrie soit synonyme d’injustice
Mer tempétueuse
Garçon jouant à cache-cache
Dans la geôle du bourreau.
Nous avons choisi d’élever des enfants au milieu de maisons en flammes
Des bouches dévoreuses plaquées contre les vitres
Tandis que nous pensions stupidement
En payant nos impôts dans les délais
Que les balles ne nous atteindraient jamais
Et nous ignorons combien ont perforé nos corps.
VII
Esta no es una elegía
Es mi canto fuerte
Taladros penetrando mi entraña
Mi canto
Viajando por mis arterias
Como un torrente, un caudaloso río.
No soy más que un pescador
La punta del anzuelo
El gancho de la grúa.
Ceci n’est pas une élégie
C’est mon chant obstiné
Perceuses pénétrant mes entrailles
Mon chant
Circulant dans mes artères
Comme un torrent, un fleuve en crue.
Je ne suis rien qu’un pêcheur
La pointe du hameçon
Le crochet du palan.
VIII
El cuerpo tendido entregándose al abismo
Sostenido por la tierra que lo vio crescer
La cabeza ladeada hacia los ojos de sus padres
Lucía viejo, aterrado
Cuerpo hinchado y asombrosamente joven.
Hueco el cráneo dejaba ver la sangre seca que retenía los órganos
Como un cordial gesto de la muerte
Los perros también se acercaron
Pero el hedor los alejó
A ellos que son capaces de sublimar de lo amargo
El afable vapor de la belleza.
Los padres abrazados se balanceaban
Sobre sus pies
Al ritma del viento
Y de la brisa del mar.
Le corps tendu se livrant à l’abîme
Soutenu par la terre qui l’avait vu grandir
La tête sur le côté fixait les yeux de ses parents
Il luisait vieux, terrorisé
Corps gonflé, étonnamment jeune
Évidé le crâne laissait voir le sang séché qui retenait les organes
Comme un geste cordial de la mort
Les chiens eux aussi s’approchèrent
Mais la pestilence les éloigna
Eux qui sont capables de sublimer l’amer
En avenante vapeur de beauté.
Ses parents s’étreignaient en se balançant
Sur leurs jambes
Au rythme du vent
Et des effluves de la mer.
XIII
Soy de la generación
de los estragos.
La que finge perder los estribos.
Aunque cientos
billones de cientos
de rostros desorbitados
engrasan sus destinos.
¿por qué el hombre es el único ser vivo
capaz de contemplar
el horizonte,
raído púrpura, oxidada penumbra?
Soy de la generación
Que como otras tantas
perdidas,
Secas, áridas,
desfilan cabeza erguida,
pero con la dignidad blanda,
hundida en el campo de batalla.
Je suis de la génération
des désastres.
Celle qui feint d’être sortie du cadastre.
Bien que des centaines
des millions de centaines
de visages exorbités
lubrifient leurs propres destinées.
Pourquoi l’homme est-il le seul être vivant
capable de contempler
l’horizon,
pourpre délavé, pénombre rouillée ?
Je suis de la génération
Qui comme tant d’autres
perdues,
Asséchées, arides,
défilent tête dressée,
mais dignité chétive,
engloutie dans le champ de bataille.