Cet ouvrage des PUL nous fait découvrir l’univers très personnel du poète vénézuélien José Antonio Ramos Sucre (1890–1930), un auteur très peu connu en dehors de son pays d’origine. Il s’agit pourtant d’un écrivain d’une grande originalité, au style unique, rigoureux et inquiétant, comme nous pouvons lire dans la préface de Gustavo Guerrero.
Ramos Sucre, issu d’une illustre famille ‑celle d’Antonio José de Sucre, le lieutenant du libertador Simón Bolívar- était un auteur inclassable, qui se situait à distance des principaux courants littéraires de son époque. Le langage est utilisé de façon très libre, énigmatique parfois, et les textes sont bâtis sous des formes qui rappellent souvent des monologues dramatiques pour évoquer la force du destin.
Le poète vénézuélien arrive au lecteur comme l’héritier de certaines de grandes traditions littéraires de l’Europe du XIXe siècle : romantisme, modernisme notamment, mais également l’avant-gardisme des années vingt. Il apparaît également comme un rénovateur de l’écriture poétique de son temps. Il est vrai aussi que dans son œuvre résonnent les échos des « décadentistes » européens, et que Ramos Sucre montre une farouche volonté de poursuivre un monde idéal, loin du matérialisme. C’est ainsi que ses écrits sont revêtus d’une aura presque mystique parfois, où une parole tout à fait enthousiaste ‑à l’instar de celle des modernistes- côtoie un sentiment de misanthropie très profond.
José Antonio Ramos Sucre, La substance du rêve, Presses Universitaires de Lyon, Collection Ida y Vuelta, 2020, 15 €
Son univers fabuleux est présenté dans des poèmes en prose qui proposent un véritable récit hors du temps, et qui sont construits parfois dans la tradition moraliste des récits orientaux. L’introduction de François Delprat nous précise que Ramos Sucre accorde souvent un grand soin pour développer une expression insolite, en utilisant des mots rares et dotés d’une pluralité des sens.Le lecteur est complice de la quête spirituelle de l’auteur, qui parcourt un chemin douloureux ou son âme est déchirée entre l’horreur du monde et la fascination de la beauté.
La substance du rêve est une anthologie qui présente environ la moitié des textes écrits par Ramos Sucre, divisés en trois livres : La Tour de Timon, Les formes du feu et Le Ciel d’émail. Ces poèmes en prose sont suivis de quelques notes très intéressantes des traducteurs, qui insistent sur la beauté d’un style qui fait la part belle à l’imaginaire. L’érudition linguistique que nos révèlent ces pages fait que chaque parole a dans son sillage un vaste monde de résonances, selon l’affirmation de Carlos Augusto León.
En ma qualité de traducteur et de linguiste, ‑mais la remarque se veut exclusivement personnelle- j’aurais aimé profiter d’une version bilingue qui m’aurait permis d’apprécier davantage le travail minutieux de la traduction en français. Mais il s’agit en somme d’une une édition très soignée qui se déguste avec un plaisir intense, en faisant découvrir au public français la créativité d’un auteur dont le langage développe une richesse tout à fait indéniable.
Présentation de l’auteur
- La revue SALADE - 29 octobre 2023
- ELÍ URBINA MONTENEGRO - 2 mars 2022
- Marina Casado, À travers les prismes - 31 décembre 2021
- Jean Pichet, Le vent reste incompris, Jean-Marie Guinebert, La Vie neuve - 4 décembre 2021
- Joaquín Campos : La vérité ou le risque - 6 septembre 2021
- Dans la collection Encres blanches : Gérard Le Goff, L’élégance de l’oubli, Vincent Puymoyen, Flaques océaniques - 20 mai 2021
- José Antonio Ramos Sucre, La substance du rêve - 6 mai 2021
- La revue Cunni lingus - 20 avril 2021
- Miguel de Cervantes et Tirso de Molina, Maris dupés - 19 mars 2021
- Traversées, numéro 97 - 6 mars 2021
- ESTEBAN MOORE : L’IMPOSSIBLE TEMPS RETROUVÉ - 5 mars 2021
- Julieta Lopérgolo - 5 janvier 2021
- MARIO MARTÍN GIJÓN, Poésie/prisme et passion de traduire suivi de Poèmes de Des en canto, - 6 novembre 2020
- ÁLVARO HERNANDO - 6 mai 2020
- PEDRO CASARIEGO CÓRDOBA (1955–1993) - 6 mars 2020
- Nicolás Corraliza - 5 janvier 2020
- Mario Pérez Antolín, Aphorismes. - 6 novembre 2019