La Caryatide du Pausilippe : Paloma Hermina Hidalgo, les soupirs de la sainte et les cris de la fée

Par |2025-01-07T13:22:29+01:00 7 janvier 2025|Catégories : Focus, Paloma Hermina Hidalgo|

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Cristi­na, le Réal­gar (2020, réédité en juin 2023)1
Rien, le ciel peut-être, les Édi­tions Sans Escale (mai 2023)2
Matéri­au Maman, Édi­tions de Cor­levour (décem­bre 2023)3
de Palo­ma Her­mi­na Hidalgo

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Gît sur le sol d’Agrigente une gigan­tesque cary­atide déboulon­née ; la nôtre est, à son corps défen­dant, encore debout. Situons-la au-dessus du Pausilippe, au-delà de la mer ner­va­li­enne. Elle porte son monde en un entable­ment d’un orne­ment inouï dont la sym­bol­ique troue tout palimpses­te référen­tiel jusqu’à laiss­er paraître la nuit. 

Comme dans un tem­ple, entre en lit­téra­ture celui ou celle capa­ble de créer un monde et sa fable en ce qu’ils don­nent à lire aus­si la nais­sance d’une langue.

Au com­mence­ment fut une déchirure de l’être. Pire : un charnier. L’art com­mence lorsque tout se décom­pose. La pour­ri­t­ure lui est néces­saire, comme elle l’est à la vie. La scène fon­da­trice : le mas­sacre de l’innocence, cœur écartelé, ven­tre déchiré d’une enfant à la déli­catesse de porce­laine, livrée à l’abattoir : « Ils mitrail­lent chevaux, lap­ins, lièvres, volailles, ils fend­ent le crâne des chiens. Le métal laboure, cisèle les esquilles, la pulpe des gen­cives, les restes de l’émail. Hectares sans voix ; seul le cri du cor­beau sur la glèbe moelleuse, à peine moisson­née. […] guer­rière troyenne, elle se cache dans une jument, au creux du mag­ma tiède. » (p. 19. C). Au cœur du chaos, il y a tou­jours à la fois un cheval de Troie et un cheval crevé, signe de vocation.

Qui règne sur ce fra­cas de Pre­mier Monde ? « Maman, tapis­serie ou vit­rail, enlu­minée de rouge, dans l’ombre des pom­miers » (ibid.). Retourn­er dans le giron sacré des amours mon­strueuses, retourn­er dans le jardin du péché orig­inel, épuis­er le corps de Maman dans tous les gen­res, l’entourer de ban­delettes, endiguer son suin­te­ment délétère : « Je te mag­ni­fierai, putain, si tu me donnes la main » (p. 13. RC). 

Palo­ma Her­mi­na Hidal­go, Cristi­na, le Réal­gar, 12 €.

C’est la lèpre qui ense­mence le réc­it, dou­ble­ment cause et orig­ine de la parole, et son plus secret objet. Pour naître à l’écriture, il a fal­lu à l’auteur une résur­rec­tion à la Lazare, l’enfant Jésus ayant été cru­ci­fié une sec­onde fois dans la crèche : « Nativ­ité. Voile-moi de fes­tons, langes, cédrats con­fits, pis­tach­es, pour ton désir à pâle den­telure. L’alcôve : notre crèche. Dans le ciel, der­rière l’astre à queue, trompet­tent les anges – musettes, haut­bois, tam­bours de Basques s’étoilent en messe païenne. Tu danserais presque, madone, comme au sein danserait ton enfant » (p. 26. RC).

La lèpre, comme une démangeai­son de la mémoire, est le berceau de la parole et l’atelier de la créa­tion. La lèpre n’est pas l’objet du réc­it, elle en est la poé­tique : la putré­fiée, « glaise à pleine gueule » (p. 28. C), remonte à la sur­face des textes comme ces excé­dents de peau, ces étranges con­vul­sions de la chair que forme le tis­su cica­triciel d’une plaie recousue et que la langue rou­vre à vif d’un livre à l’autre. Palo­ma Her­mi­na Hidal­go tourne jusqu’au ver­tige autour de cet autre enchanteur pour­ris­sant : le corps mag­nifié de la mère, tombeau idol­âtre où fer­mente la légende dans laque­lle la parole a pris.

Palo­ma Her­mi­na Hidal­go, Rien, le ciel peut-être, les Édi­tions Sans Escale, 2023, 100 pages, 15 €.

Dans les mor­sures du bais­er mater­nel s’est instil­lé le venin d’une altérité fon­da­men­tale : « Tes lèvres, au-devant des miennes, me cro­quent. Et ma bouche renaît, te renou­velle ses soins. » (p. 18. RC). L’infans est l’enfant qui ne par­le pas encore. La nais­sance à la parole a eu lieu dans un gauchisse­ment de la jouis­sance. De la fel­la­tion à la phona­tion, la bouche de l’enfant pro­fanée s’est dis­jointe dans la con­fu­sion de la chair et du mot. La langue de Palo­ma Her­mi­na Hidal­go suce, tète, lèche, soigne les mots ; c’est une langue qui fouaille le lan­gage pour retourn­er son objet – la mère — comme une peau, et le dépecer : « Tu tètes, las­cive, un couteau. Tes lèvres s’empoissent de gris – l’eau glauque, ta bouche l’assombrirait encore » (p. 17. RC). La bouche de l’enfant-poète a bu au sein mar­bré, aux lèvres vénéneuses d’une sphinge. Dans un vio­lent écart de la con­science, la parole dès l’origine a œuvré pour inté­gr­er l’indicible et le mon­strueux de l’énigme : «  quel crime t’enseigne à m’offrir ces lèvres, à dard­er en alliance ta bouche de trib­ade ? » (p. 71. RC).

Corps à deux têtes – mère et enfant – les deux bouch­es se sont entre-dévorées dans un archaïsme de titans et de châ­ti­ment biblique : « … j’inciserai la voûte de ton pied – tu iras sur le sel » (p. 14. RC). Palo­ma a hérité d’une bouche de goulue pétris­sant nos langues et d’une « âme de lan­gage », comme le dis­ait Jean Gros­jean à pro­pos de Claudel dans la pré­face aux Cinq grandes odes (Poésie Gal­li­mard, 1966). Il faut la mort de l’autre, en par­ti­c­uli­er de la mère, pour que l’écriture devi­enne pos­si­ble. Quand l’objet du désir a dis­paru, l’écriture peut s’identifier au vécu en devenant matéri­au. Il n’y a qu’aux morts que nous ne cachons rien. Le mal est inté­gré dans le vivant et la parole peut alors tout embrass­er dans l’acte salu­taire de la sub­li­ma­tion : « Je dirai, redi­rai, pour que ton dieu l’entende, le nom de nos étreintes ; te flat­tant de la lèvre, encore ! » (p. 35. RC). Une sec­onde par­tu­ri­tion peut advenir, celle, tri­om­phale, de l’auteur qui met à dis­tance la fil­lette embaumée dans une idéale fal­si­fi­ca­tion du sou­venir : « Grande poupée » et « petite poupée » y peu­vent rejouer les scènes hal­lu­cinées de leur amour « barat­té », « nour­ri de pêch­es vertes et de col­iques » (p. 33. RC), en des dérives textuelles dont les sig­nifi­ants se dédou­blent jusqu’au ver­tige, dont le pou­voir spécu­laire et la repro­duc­tion mul­ti­ple les exhaussent jusqu’au mer­veilleux de la fable. Les livres se lisent – et même Matéri­au Mamanéti­queté roman – comme les bris de tes­selles d’une mosaïque de Pom­péi ou la sub­ver­sion de la Pre­mière Sta­tion du Christ au Jardin des oliviers, quand « Dieu s’appelle Maman » (p. 143. MM) et qu’il reste sourd à l’ago­nie de son enfant : « “Reste, Maman, reste encore.” Per­son­ne ne répon­dra à ma prière. » (p. 130. MM).

Palo­ma Her­mi­na Hidal­go, Matéri­au Maman, Édi­tions de Cor­levour, 2023, 160 pages, 18 €.

 

Don de mar­raine à la nais­sance, Palo­ma Her­mi­na Hidal­go – Neige, Nieve — a reçu celui du démon de l’écriture : elle parvient à « penser la dis­cor­dance de cette mère de ten­dresse et de sexe » (p. 122. MM) ; elle accueille la divi­sion en elle de la ver­tu et du vice, de la nat­te et de la ronce, de la sainte et de la fée, du réel et du con­te, de l’adorée et de l’ogresse en une logique de miroite­ments intimes et d’images neuves, proches de l’illumination : « Noces. Ta couronne est de tiges – qu’elle traîne sur ta nuque en mau­vais équili­bre, touffe de véronique mâle, sueur, mouss­es, où s’abreuve ta peau. Sous l’auréole, hal­li­er d’épines ; lichens, rus­sules, mésanges, tout ça qui buis­sonne à ton front ; car­il­lons, oiseaux de feu, fleurs de nuits sur le mont chauve. » (p. 31. RC). L’écriture qui ne guérit pas est la plus admirable. Palo­ma Her­mi­na Hidal­go orchestre la dérive des iden­tités en des épipha­nies de la supercherie et de la dis­jonc­tion. La styl­i­sa­tion du réel n’est pas chez elle une sim­ple opéra­tion intel­lectuelle et lan­gag­ière. C’est la vie qui devient style dans ses livres : éloign­er la vie du réc­it, voilà sa plus belle prouesse. La vie ou l’écriture comme la poule ou l’œuf. L’écriture est une con­quête et une con­struc­tion, une manière de dédou­ble­ment pour se réin­scrire au monde, y retrou­ver sa place : « “Il faut, Nieve, que ton enfance soit ten­dresse. Il faut brûler en toi les autres con­tes. ” Vite : jeter, pêle-mêle, les images sur le papi­er ; trou­ver grâce dans leur épuise­ment ; vivre de cette mémoire, comme on vit d’un amour. » (p. 108. MM). Palo­ma Her­mi­na Hidal­go porte son texte-monde au lieu de le détru­ire. Les motifs récur­rents de ce texte-monde sont les fleurs du jardin mater­nel, la chair des fruits, les étals de pois­sons entre Marennes et Rochefort, et les robes de princess­es, cousues à même le corps-sage de la fil­lette par une marâtre. Entable­ment riche­ment orne­men­té, la voilà, notre cary­atide, au-dessus du tombeau de Virgile !

Dans la cos­mogo­nie intime de Palo­ma Her­mi­na Hidal­go, la jeune enfant qui en savait déjà trop se révèle savante en toutes choses. Con­trainte de profér­er des réal­ités qu’un enfant est cen­sé ignor­er, elle mod­èle l’obscène et le tabou sur la sen­su­al­ité des choses, parce qu’une enfant ne peut s’abstraire de la beauté, aus­si abîmée soit-elle : « Cur­sives pâles sur deux lignes. Mots en bou­tons : “Ma-man”. La parole me vient sous la voûte des fleurs. » (p. 23. C). Elle est un petit Dieu qui sait tout nom­mer de la Créa­tion des ani­maux et des plantes. Elle a la séduc­tion de l’élève mod­èle dans son grand inven­taire du vivant et de la grâce. Dans une féerie de la parole, elle prend en charge le per­vers, le nauséeux et le trou­ble en des trans­po­si­tions romanesques et poé­tiques qui sont comme autant de petites man­dragores poussées au pied du tombeau de la mère. « J’ai tué Maman », pour­rait-elle dire, « et la pare de fleurs de lau­ri­er rose, de myrte et de thym ».

Pre­mière anamor­phose lit­téraire : la phanérogamie des fleurs à l’œuvre dans les textes de l’auteur qui fut une toute jeune fille en fleurs : « Un peu, beau­coup : can­deur de t’effeuiller à la manière des hommes. » (p. 48. RC). Palo­ma Her­mi­na Hidal­go se révèle red­outable botaniste dans ses textes d’une extrême tech­nic­ité qui intè­gre à bout por­tant les per­ver­sions adultes. Relisons Proust au pas­sage : dans le règne végé­tal, la sex­u­al­ité se fait à ciel ouvert, s’exhibe. Les bou­tons de fleurs sont les organes féminins et la vir­ginité. Palo­ma sait la fon­da­men­tale impudeur des fleurs quand, côté jardin, elle trem­ble de ren­con­tr­er un insecte – ces « il(s) » anonymes qui gravi­tent autour de la mère, joy­au du jardin. Elle sait  que la langue même inverse la sex­u­al­ité des fleurs : les éta­mines aux con­so­nances douces et vocaliques sont l’organe mâle, tan­dis que le pis­til à fortes con­so­nances, désigne l’organe femelle. Enfant-fleur, enfant-fruit défendu, elle absout la per­ver­sité de la mère dans l’extravagance du com­porte­ment flo­ral : « Les petites filles, d’où gicle l’androcée, comme d’une rose les carpelles, dansent à la barre. Cache-cœur, tar­la­tane ren­ver­sée, jambes en pis­til que dévoilent les pointes, le grand jeté. » (p. 20. C). Ses textes font très XIXème, siè­cle porté, on le sait, à une intense sex­u­al­i­sa­tion des fleurs. Relisons Proust, dans À pro­pos de Baude­laire : Let­tre à Jacques Riv­ière : « Les­bos m’a appris le mys­tère des vierges en fleurs. » Mais la fleur n’est pas seule­ment la beauté, elle est aus­si le malaise, le mal­adif, le pathologique, l’horrible. Pour grandir envers et con­tre le mal­heur, l’enjeu pour l’auteur sem­ble de devoir nat­u­ralis­er l’inceste et le viol en l’accueillant au sein du règne végé­tal. La fleur serait ain­si une ver­sion angélique de ce qui est sous terre, le glu­ant des racines et le mou des tuber­cules : « La porte s’ouvre sur un potager […]. Odeur de terre retournée, de dattes pour­ries. Au milieu du jar­dinet, les branch­es épanouies d’un prunier ; la lune cisèle l’ombre des fruits sur les murettes […]. Un ogre de con­te de fées pousse la porte de métal. […] À sa taille, un cein­tur­on clouté, des tach­es de sang frais comme une gerbe de tulipes. Ses prunelles s’allument […]. J’implore, joins les mains. Un filet d’urine court le long de ma cuisse. » (p. 75. C). Flo­ralis­er la jeune enfant, c’est déjà la mor­ti­fi­er, annon­cer son dépérisse­ment. La mère par ailleurs expose son enfant comme un bou­quet dans un salon, son orne­ment. La mère elle-même devient motif flo­ral esthétisé, enlu­miné, comme sur une por­tion de vit­rail ou de lampe de Lalique ou Gal­lé : « Rosier cent-feuilles : fleu­rai­son d’un sein. » (p. 48. RC). Il s’agit bien, d’un livre à l’autre, de « fui[r] toute bru­tal­ité par un luxe de raf­fine­ment » (p. 99. MM). Le lan­gage des fleurs per­met la transsub­stan­ti­a­tion du matéri­au opaque de la réal­ité en une sub­stance idéale qui atteint la trans­parence des idées. Le style de Palo­ma Her­mi­na Hidal­go a la trans­parence cristalline de l’air solid­i­fié, du verre, dans une minia­tur­i­sa­tion orfèvre que l’œil, coupé du corps, opère en refoule­ment de la douleur. Il en va des fruits comme des fleurs, fruits dont on sait qu’ils désig­nent sou­vent le sexe féminin : « pêch­es d’une peau neigeuse, ceris­es d’une robe brune. Vénus, les suçant : “Je quit­terais mon corps, flétri­rais mes pétales, pour lich­er en salope ces fruits dou­bles et veinés”. Faut-il que je jalouse ! Voile-lui, ma garce, ton verg­er, d’où sourd le suc dès que ma lèvre le presse ! » (p. 40. RC). Quant au vio­leur d’un jour, il a « les paumes molles comme des pêch­es au sirop » (p. 26. C).

 Sec­onde anamor­phose remar­quable de la trans­gres­sion : les étals de pois­sons, les grèves marines et ces autres fruits, qui sont de mer, aux formes et aux odeurs de sex­es moites. Ils sont cette fois accordés à la bru­tal­ité vul­gaire des marins de pas­sage, amants de la mère aux queues d’écrevisses : « Et que s’y gave ma langue en tor­til de lux­u­re. » (p. 45. RC). L’enfant ravie sur le bord de mer, dans son effroi de stat­ue de sel, écrit sa blessure à l’encre de seiche, à la corne de nar­val. Les détails sont grossis, l’action échappe, la sym­bol­ique est brouil­lée, un soupçon de crevé en tout, pas seule­ment dans les manch­es de velours des robes de princesse-Peau d’âne. Tout sent l’algue pour­rie, le coquil­lage altéré sur l’Île de Cythère : « Il dépi­aute praires, palour­des, clams entre les miroirs d’eau. […] Il rue de colère. J’étincelle, humil­iée, foule la men­the per­lée de clo­viss­es. Les cris de la mer nous transper­cent, mes pieds pour­ris­sent dans l’algue. J’essuie mon genou écorché, lèche sur mes doigts sang, sperme, eau marine. » (p. 24. C). La côte océane française prend vite des allures de grottes marines antiques, de « criques de pam­pre noir » (p. 34. RC), pour le fes­tin de murènes, tel que le rap­porte le per­son­nage de Domeni­co dans le « Naples » du Bourlinguer de Blaise Cen­drars. Il s’agit d’un mythe d’origine relatif à la ville de Taormi­na : « Chez nous sous chaque mai­son s’étend une grotte sous-marine pleine du va-et-vient et du fris­soulis ou du mugisse­ment des vagues. Ces grottes sont pro­fondes. Depuis tou­jours on y jette les petits enfants qui vien­nent au monde. Ceux qui ne savent pas nag­er sont mangés par les murènes. Les autres se sauvent au large et revi­en­nent adultes sur les côtes ; […] Les filles qui sont malignes se lais­sent couler à pic et remon­tent à la sur­face quand elles sont nubiles […]. On les appelle les sirènes, et elles passent pour être princess­es. » Ce que dit le mythe est mul­ti­ple : d’abord que pêcheurs et pois­sons sont de même race, que par ailleurs la perte des lim­ites est à la fois la pire et la meilleure des choses, perte par dévo­ra­tion ou par méta­mor­phose. Face à la men­ace de l’informe réal­ité et de la perte de rai­son, l’écriture et le style préser­vent encore l’espoir de res­saisir une iden­tité ferme dans l’acte même de méta­mor­phose. Palo­ma Her­mi­na Hidal­go œuvre con­tre la dis­so­lu­tion et parvient en défini­tive à trou­ver dans la conque d’un eros mor­tifère un fonds de pureté baptismale.

Les trois livres de Palo­ma Her­mi­na Hidal­go n’en sont qu’un, répété, replié sur sa pro­pre den­sité, comme un sym­bole médié­val d’une vital­ité ver­tig­ineuse : noir de la terre, noir des bois, brume plom­bagine, motifs flo­raux jusqu’au hors-cadre, Nieve (Matéri­au maman) se vêt d’une robe pour­pre pour des noces recom­mencées avec la grande baigneuse pho­comèle de Taormi­na. On ne pour­ra nier l’évidente autorité de l’auteur sur son texte – presque théocra­tique. Le dernier en date – Matéri­au maman – se lit comme la cham­bre de récupérage clin­ique des saintes écri­t­ures poé­tiques des deux livres précé­dents. Tous trois se nour­ris­sent au triple régime de l’enfance : « Gadoue, purin, rosée » (p. 27. C) et à un syn­crétisme où sacré et païen exhaussent, dans un man­teau d’hermine, « Maman, fée ou vierge des trèfles […], mains jointes. » (p. 27. C). Écrire tou­jours le meilleur et le pire, quand on a su inven­ter sa langue.

L’écrivaine et poète Palo­ma Her­mi­na Hidal­go à la Mai­son de la poésie, Paris, févri­er 2024. Lec­ture d’un extrait de “Souil­lon”, texte inédit de Palo­ma Her­mi­na Hidal­go, paru dans l’édi­tion 2024 de l’an­tholo­gie du Print­emps des poètes, Éd. Le Cas­tor astral. Musi­ciens : Lola Malique et Pierre Demange.

Notes

  1. C pour Cristi­na

     2.  RC pour Rien, le ciel peut-être

     3. MM pour Matéri­au Maman

 

Présentation de l’auteur

Paloma Hermina Hidalgo

Palo­ma Her­mi­na Hidal­go est tenue pour l’une des autri­ces les plus douées et rad­i­cales de sa généra­tion. For­mée à l’Ecole nor­male supérieure d’Ulm-Paris, à HEC Paris et à l’École du Lou­vre, elle a durant ses études signé des cen­taines de chroniques sur l’art, la lit­téra­ture, la philoso­phie, le théâtre, la musique et la danse pour Le Monde, Le Monde diplo­ma­tique, France Cul­ture, Esprit, Europe, The Times Lit­er­ary Sup­ple­ment… À sa sor­tie de l’ENS, elle con­duit des mis­sions de recherche pour l’UNESCO tout en enseignant à Sci­ences Po Paris. Elle est depuis chercheuse indépendante. 

© Crédits pho­tos Bona Ung.

Bibliographie 

Poésie

  • Cristi­na, Le Réal­gar, 2020, sous l’hétéronyme de Cal­o­niz Her­minia, réédi­tion en 2023, sous le nom de Palo­ma Her­mine Hidal­go, pré­face d’Alain Borer.
  • Rien, le ciel peut-être, Sans escale, 2023, pré­face de Dominique Sampiero — lau­réate de la Bourse Gina Chenouard de la Société des Gens de Let­tres ; lau­réate du Prix Méditer­ranée Poésie (refusé par l’autrice pour des raisons poli­tiques, car le prix était doté par la Mairie de Per­pig­nan, aux couleurs du RN) ; lau­réate du Prix « On n’est pas sérieux ».

Roman

  • Matéri­au Maman, Édi­tions de Cor­levour, 2024.

Sélection de nouvelles et contes

  • “Jardin des oliviers”, Europe, 2017.
  • “Mag­ni­fi­cat, Po&sie, 2017.
  • “La Neige tatouée”, Fric­tions, 2021.
  • “Aphrodite, ma mère”, Pos­si­bles, 2024.
  • “Lace, vanille, lace”, Poe­si­bao, 2024.
  • “Cabale”, Zone Cri­tique, 2024.
  • “Ap sou mànsel”, Zone Cri­tique, 2024.
  • “Pupa”, Edwar­da, 2024.

Théâtre

  • La Reine cousue, Fric­tions, 2023.

Ouvrages collectifs

  • Art Paris, édi­tions Le Grand Palais/Issuu, 2020.
  • Sym­bio­sium. Cos­mogo­nies spécu­la­tives, édi­tions du Cen­tre Wal­lonie-Brux­elles, 2023.
  • Petit Encomi­um de mots (plus ou moins) rares, édi­tions Malo Quir­vane, 2024.

Anthologies

  • Ces instants de Grâce dans l’é­ter­nité, édi­tions Le Cas­tor Astral, 2024.
  • Esprit de résis­tance - L’An­née poé­tique, édi­tions Seghers, 2025.

Livres d’artiste

  • De cette ombre indi­go qu’on voit aux baies d’açaï, pein­tures de Jacky Essir­ard, Ate­lier de Ville­morge, 2023.
  • Vision noc­turne de ton ombre sépia, texte de Jacky Essir­ard, dessins de Palo­ma Her­mi­na Hidal­go, Ate­lier de Ville­morge, 2024.
  • Lazzi, pein­tures de Bernard Alli­gand, édi­tions d’art FMA, 2024.

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

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Sabine Zuberek

Sabine Zuberek vit et enseigne à Lille. Agrégée de Let­tres mod­ernes, elle col­la­bore à dif­férentes revues en tant que poète et cri­tique lit­téraire. Son pre­mier livre La lente obses­sion des choses a été pub­lié aux Edi­tions Sans Escale en août 2024. Elle a co-fondé avec Sabine Dewulf l’association Les Amis de Pierre Dhain­aut et co-créé avec elle Le Prix Pierre Dhain­aut du livre d’artiste pour le pub­lic sco­laire de l’Académie de Lille.

Sommaires

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