présentation et traduction : Marilyne Bertoncini
Dans un essai dont je propose ici une version résumée ( la version originale complète, avec les notes et renvois, peut être consultée sur le site Jacket) , le poète, artiste , essayiste britannique Allen Fisher, à partir d’un tour d’horizon des liens entre poésie et théorises scientifiques contemporaines, explicite sa position éthique d’écriture par rapport aux sciences actuelles, dans ce qui est un « art poétique » de la décohérence, qu’illustre toute la production artistique du poète, dont nous republions un poème confié en 2014 à Recours au Poème, ainsi que le vistuose extrait de Black Bottom, dont on peut lire la version anglaise sur le site lyrik line
Après avoir retracé depuis Platon, et à travers divers exemples de l’histoire littéraire anglo-saxonne, l’évolution des liens entre science et poésie, il déclare que nombre de contemporains (et de poètes) éblouis par des vocabulaires spécialisés spécifiques issus du monde industriel, commercial, ou militaire… ont provoqué, en raison de l’utilisation restreinte et figurative du langage, une aspiration collective à la cohérence.
« Or, écrit-il, la poésie est en grande contradiction avec ces attentes, à la fois en ce qui concerne la logique, la cohérence, et l’utilisation du vocabulaire, ce qui a conduit à une « confiance dans la décohérence » — une confiance que la poésie, à son niveau de plus grande efficacité, ne peut pas suivre la logique, telle qu’elle est diversement perpétuée dans la pensée commune et paternaliste, et ne peut pas aspirer à la cohérence, comme cela est également prescrit. La poésie a particulièrement besoin de faire des propositions ou d’avoir des aspirations dans notre époque de baisse de niveau extensive et d’exploitation du modernisme avec immense variété de moteurs matérialistes et fascistes.
En février 2007, sur Nature, hebdomadaire scientifique international, un groupe de physiciens, soutenu par l’armée américaine, l’université de Yale et le marché, proposait de résoudre la question des états du nombre de photons dans un circuit supraconducteur. Ils comptaient faire la distinction entre les champs cohérents et thermiques (deux ordres de vocabulaire apparemment différents) pour créer un analyseur de statistiques de photons qui générerait des états non classiques de la lumière réalisant une logique du bit-photon quantique par supraconductivité, la base d’un bus 11‑bus — Ensemble des conducteurs mettant en communication les différents composants d’un ordinateur logique pour un ordinateur quantique. »
L’article de Nature souligne donc un dilemme. La poésie et l’engagement avec un public, tout comme la science avec son propre public, offrent une discordance significative, potentiellement créée par un aveuglement naïf, ou plus souvent encore, par la tromperie volontaire.
Volume 7 Issue 2, February 2007
Les prémisses de cette discordance découlent d’une série d’incapacités et d’inaptitudes nécessaires aux fragilités qui sous-tendent les vulnérabilités. Elles contribuent à la pensée intelligible, et sont à la base esthétique et éthique de toute pratique poétique et scientifique écrite. Il s’agit d’un dilemme nécessaire en termes conceptuels et historiques, face aux propositions occidentales de logique et aux aspirations modernistes à la cohérence. (…)
Depuis l’Antiquité, la pensée occidentale a débattu des difficultés entre la perception directe et les informations dérivées des machines, entre les démonstrations de la vérité et la présomption ou la spéculation informée. Platon, penseur précurseur des exigences de la pensée logique et de la vérité, fournit un certain nombre d’exemples significatifs. Sa description de la façon dont fonctionnent les poètes dans son Apologie indique immédiatement la difficulté proposée . “Après les politiciens, je me suis adressé aux poètes, aux auteurs de tragédies, de dithyrambes et autres, avec l’intention de me surprendre à être plus ignorant qu’eux. Je choisis donc les poèmes avec lesquels ils semblaient avoir pris le plus de peine et je leur demandai ce qu’ils voulaient dire, afin de pouvoir, à la fin ‚apprendre d’eux quelque chose. J’ai honte à dire la vérité, mais je le dois. Presque tous les auditeurs auraient pu expliquer les poèmes mieux que leurs auteurs. Je me suis vite rendu compte que les poètes ne composent pas leurs poèmes à partir d’ un savoir, mais grâce à un talent inné et leur inspiration, comme les voyants et les prophètes qui disent aussi beaucoup de belles choses sans comprendre ce qu’ils disent. Les poètes me semblaient avoir fait une expérience similaire. En même temps, je voyais qu’à cause de leur poésie, ils se croyaient très sages à d’autres égards… ”
Les poètes sont encore critiqués sur ce point dans le livre X de La République ; “toute la poésie, depuis Homère, consiste à représenter une imitation de son sujet, quel qu’il soit, sans saisir la réalité. Nous parlions tout à l’heure du peintre qui peut produire ce qui ressemble à un cordonnier pour le spectateur qui, lui-même ignorant tout de la cordonnerie, ne juge que par la forme et la couleur. De même, le poète, qui ne sait que représenter les apparences, peut peindre en paroles l’image de n’importe quel artisan de manière à impressionner un public également ignorant et qui ne juge que la forme de l’expression ; le charme inhérent au mètre, au rythme et à la mise en musique suffit à lui faire croire qu’on a tenu un discours admirable sur la tactique militaire, la cordonnerie ou tout autre sujet technique. Dépouillez le propos du poète de sa coloration poétique et vous verrez ce que cela donne en prose simple. »
Allen Fisher, afin de préciser sa position, poursuit en évoquant divers points de vue confortant ou contestant l’opinion du philosophe grec : il cite ainsi Eric Havelock, spécialiste britannique de l’antiquité grecque dont la préface explique que Platon ” commence par caractériser l’effet de la poésie comme une “mutilation de l’esprit”. Il s’agit d’une sorte de maladie, pour laquelle il faut acquérir un antidote. Cet antidote doit consister en la connaissance “de ce que sont réellement les choses”. En bref, la poésie est une espèce de poison mental, elle est l’ennemi de la vérité… ” — et sur cette base de vérité, les poètes pourraient aussi bien perpétuer la tromperie. La cible de Platon semble être précisément l’expérience poétique en tant que telle. C’est une expérience que nous qualifierions d’esthétique. Pour lui, il s’agit d’une sorte de poison psychique.
Il évoque ensuite Charles Stein qui précise le débat à partir de son étude de la poésie de Charles Olson (1910–1970) en expliquant les liens de sa poétique de juxtaposition syntaxique avec les nouvelles théories de la relativité: Platon a banni les poètes ” parce que leurs moyens de discours entravaient le développement des pouvoirs abstraits que Platon s’efforçait d’entretenir “. Olson veut rétablir les poètes “, c’est-à-dire leur donner un langage commun, ” mais il lui faut d’abord pour les comprendre réacquérir certaines habitudes de langage et de pensée que la révolution platonicienne a fait perdre “.Stein poursuit : ” Olson insiste sans relâche sur les théories linguistiques concrètes : des théories qui mettent l’accent sur la primauté des sons des mots, des mots d’action et de la nominalisation, par rapport à l’utilisation de la langue, sur la subordination et les relations grammaticales abstraites. Dans son livre “Grammar‑a book” Olson cite des passages du livre Language d’Edward Sapir, selon lesquels ” l’ordre des mots et l’accentuation ” sont ” les méthodes primaires d’expression de toutes les relations syntaxiques ” et que la ” valeur relationnelle de mots et d’éléments spécifiques ” n’est ” qu’une condition secondaire due au transfert des valeurs. ” …
La théorie radicalement concrétiste de Sapir sur la grammaire va de pair avec la “parataxe” de Havelock en fournissant à Olson des concepts linguistiques grâce auxquels il peut justifier l’accent mis sur les aspects les plus concrets du langage au détriment de la syntaxe.
La pratique d’une “syntaxe par apposition” est liée pour Olson à sa compréhension du “changement” de perspective cosmologique opéré par la théorie de la relativité et l’institution du continuum espace/temps comme contexte des événements de la réalité. Dans (The) Special View of History, Olson souligne : « La coïncidence et la proximité, parce que le continuum espace-temps est connu, deviennent les déterminants du hasard et de l’accident et rendent possible le succès créatif.…
L’accent mis sur l’inclinaison de la finalité et du hasard, de l’accident et de la nécessité, de la forme et du chaos, comme étant à l’intérieur du processus actuel, est la justification cosmologique du “concrétisme” d’Olson, son insistance pour que les mots soient traités comme des objets solides, et les poèmes comme des champs de force.…»
Theodor Adorno lie la cohérence défaillante du modernisme à ce qu’il identifie comme l’apparence du sens. Tout l’art moderne après l’impressionnisme, y compris probablement les manifestations radicales de l’expressionnisme, a abjuré l’apparence d’un continuum fondé sur l’unité de l’expérience subjective, dans le “courant de l’expérience vécue”. L’enchevêtrement, le mélange organique, est coupé, et détruite la croyance qu’une chose se fond entièrement avec l’autre, à moins que l’enchevêtrement devienne si dense et complexe qu’il obscurcisse complètement le sens. À cela s’ajoute le principe esthétique de la construction, la primauté brutale d’un ensemble planifié sur les détails et leur interconnexion dans la microstructure ; en termes de cette microstructure, tout l’art moderne peut être appelé « montage ». Ce qui est intégré est comprimé par l’autorité subordonnée du tout, de sorte que la totalité contraint la cohérence défaillante des parties et affirme ainsi à nouveau le semblant de sens.
Même Michel Foucault préfère rétablir le statut de la cohérence lorsqu’il écrit : ” Nous ne sommes plus dans la vérité mais dans la cohérence des discours, nous ne sommes plus dans la beauté, mais dans les relations complexes des formes “. Le meilleur moyen de comprendre ce que j’appellerais ” un modèle de connectivité ” est de mettre en question l’identité. Foucault écrit : “Il s’agit maintenant de savoir comment un individu, un nom, peuvent être le support d’un élément ou d’un groupe d’éléments qui, s’intégrant dans la cohérence des discours ou dans le réseau indéfini des formes, efface, ou du moins rend vacant et inutile ce nom, cette individualité dont il porte la marque pour un certain temps et à certains égards. Nous devons conquérir l’anonymat, prouver que nous sommes justifiés d’avoir l’énorme présomption de devenir un jour anonymes, un peu comme les penseurs classiques devaient justifier l’énorme présomption d’avoir trouvé la vérité, et d’y avoir attaché leur nom. Autrefois, le problème de celui qui écrivait était de s’extraire de l’anonymat de tous ; à notre époque, c’est de parvenir à effacer son nom propre et à loger sa voix dans ce grand vacarme des discours qui sont prononcés. ”
Julia Kristeva de son côté offre une sorte de contre-vue lorsqu’elle écrit à propos de Hannah Arendt : “Ayant […]reconnu la déconnexion entre l’histoire en acte et l’histoire racontée, Arendt ne croit pas que la caractéristique essentielle de la narration puisse être trouvée dans la fabrication d’une cohérence au sein de la narration ou dans l’art de former un récit, ce qu’elle confirme par la suite, « Si nous nous laissons trop emporter par la cohérence d’une intrigue, nous oublions que le but principal de l’intrigue est de révéler, » et « Cela ne peut manifester ce processus logique essentiel que s’il devient lui-même action.(…) »
Le désir personnel et l’affirmation publique, en particulier lorsqu’il s’agit de promouvoir une série d’activités morales, amènent les poètes à envisager toute une série de réponses allant de l’implication engagée à la fuite. Ce dont la poésie est capable à travers une recherche poétique, délibérée et détaillée, de la forme poétique et de la variété des vocabulaires utilisés, laisse souvent la meilleure poésie incapable de répondre à la demande générale d’une expression continue et linéaire, la demande de significations complètes.
Le sujet est trop vaste pour être totalement traité et l’article le démontrera par son approche confiante de son manque de solutions et de toute proposition de compréhension complète » écrit Allen Fisher, qui fait ensuite appel au mathématicien Alan Turing : celui-ci a prouvé “l’existence de problèmes mathématiques qui ne peuvent être résolus par la machine de Turing universelle” ainsi que de problèmes mathématiques qui ne peuvent être résolus par aucune méthode systématique — en d’autres termes, qui ne peuvent être résolus par aucun algorithme :
“L’argument de ‘Solvable and Unsolvable Problems’ illustre pourquoi le besoin d’intuition ne peut pas toujours être éliminé en faveur de règles formelles. Turing, dans la conclusion de son essai, écrit : “Les résultats qui ont été décrits dans cet article sont principalement de nature négative, fixant certaines limites à ce que nous pouvons espérer atteindre par le seul raisonnement. Ces résultats, ainsi que d’autres résultats de la logique mathématique, peuvent être considérés comme allant dans le sens d’une démonstration, au sein des mathématiques elles-mêmes, de l’inadéquation de la “raison” non soutenue par le bon sens “.
L’auteur évoque ensuite son ouvrage sur la littérature et l’art en Amérique après 1950 dont l’introduction a donné naissance au texte iDamage, qui commence ainsi : “En un sens, c’est un sujet dépassé, car on considérait déjà naguère que c’était un dilemme entre mélancolie et espoir, ou bien on pensait que les cultures occidentales ne survivraient jamais au prochain millénaire. “…
Une partie de la thèse pourrait impliquer les élaborations extensives des idées de Francis Bacon, Aby Warburg et Jean Baudrillard sur la simulation et le sentiment d’hyperréalité de ce dernier. iDamage note : ” Cela se juxtapose à la reconnaissance qu’un engagement avec les exigences proprioceptives de l’empathie pourrait être miné par la méthodologie d’assemblage. Cependant, plutôt qu’un inconvénient, il s’agit d’un résultat nécessaire ; l’idée que les préoccupations méthodologiques devraient conduire à une focalisation singulière serait une démonstration de dégâts qui mineraient la pensée sensible en promouvant de faux cadres de vérité, encouragés par un vision populaire sommaire et une alchimie de raccourcis rappelant les compétences sociales du show Celebrity Farm et les informations télévisées nationales.
Shamoon_Zamir (Auteur) Allen Fisher (Auteur) Paige Mitchell Pierre Joris (Préface) Aesthetic Function, Facture, and Perception in Art and Writing since 1950 Paru en novembre 2016 (ebook (ePub) en anglais
Une partie de la thèse pourrait impliquer les élaborations extensives des idées de Francis Bacon, Aby Warburg et Jean Baudrillard sur la simulation et le sentiment d’hyperréalité de ce dernier. iDamage note : ” Cela se juxtapose à la reconnaissance qu’un engagement avec les exigences proprioceptives de l’empathie pourrait être miné par la méthodologie d’assemblage. Cependant, plutôt qu’un inconvénient, il s’agit d’un résultat nécessaire ; l’idée que les préoccupations méthodologiques devraient conduire à une focalisation singulière serait une démonstration de dégâts qui mineraient la pensée sensible en promouvant de faux cadres de vérité, encouragés par un vision populaire sommaire et une alchimie de raccourcis rappelant les compétences sociales du show Celebrity Farm et les informations télévisées nationales.
“La cassure peut être considérée comme un processus nécessaire et positif. Une métonymie de civilisation brisée ou de devoir social détérioré n’est pas nécessairement volontaire. La forme initiale dérive de la rupture directe de la recherche. Le produit final est une conséquence de la rupture impliquée, en particulier dans le post-collage et dans la poétique transformationnelle, où la forme du texte a été rendue possible grâce à une série de transformations. Au niveau des mots du texte, par exemple, des transformations peuvent être utilisées pour créer des liens entre les mots, des modèles de connexion, par l’utilisation de sons (rimes), de sens comparables (rhétorique), de discussions ou de perturbations du sens (poétique) et de collages imparfaits (que l’on retrouve dans la plupart des genres, y compris la poésie, la peinture et la comédie). Le produit fini a donc subi une série de ruptures et de transformations. Parfois, cette série implique une modification, une rupture planifiée et une réparation fortuite, parfois l’œuvre utilise une perturbation collagique de l’espace-temps, et souvent le collage de différentes parties simule la continuité. Dans le post-collage, une œuvre visuelle peut subir une nouvelle présentation et se transformer en une nouvelle image. La forme de iDamage, Introduction to Assemblage and Empathy, a book in progress, fait appel à des processus conservateurs apparemment cohérents et parfois rhizomiques, souvent arbitrairement isolés de la constellation mobile de spins que l’œuvre propose et (parfois) réfute par cette discussion”.
L’auteur poursuit et met en parallèle une analyse de l’oeuvre de Yeats, et la thèse de Jim Baggot, du département de physique de Seattle, sur le déplacement des ondes lumineuses et leurs dépendances spatio-temporelles « de plus en plus “désalignées” : en des points spécifiques de l’espace-temps, le pic n’est plus aligné avec le pic, le creux n’est plus aligné avec le creux. Il en résulte une interférence destructive et une perte de cohérence de la lumière. En clair, nous obtenons des interférences constructives et une cohérence maximale des trajets lumineux qui ne diffèrent pas de manière significative en termes de distance et donc de temps. Le mystère est maintenant résolu. Lorsque la lumière voyage à travers un seul milieu (comme l’air), les trajectoires de la lumière qui ne diffèrent pas de manière significative en termes de distance et de temps sont toutes regroupées autour du chemin le plus court, en ligne droite, de la source à la destination, qui est aussi le chemin le moins long.’ » et plus loin, “le pragmatisme et l’instrumentalisme typiques de la jeune génération de théoriciens impliqués dans le développement initial de la théorie (quantique), comme Heisenberg, Dirac et von Neumann, exigeaient un cadre mathématique cohérent qui fonctionne. Pour ces physiciens, il importait peu que la signification profonde des concepts de la théorie semble être de plus en plus déconnectée de la réalité que la théorie tentait de décrire … ” qui commence ainsi à s’apparenter à la poésie dans le langage commun.
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Allen Fisher tire également des exemples sur les fondements de l’incertitude dans l’étude de l’hydrologie par Gordan MacKerron, les théories mathématiques (Felix Klein Mario Livio, et Evariste Galois) et l’interprétation de la mécanique quantique, où « certainement le problème des interférences macroscopiques, que semblent prédire une théorie linéaire et en pratique et qui ne sont jamais observées, au point même qu’elles paraitraient absurdes si nous les voyions. La réflexion sur ce problème a conduit à l’idée de la décohérence, qui est certainement la découverte la plus importante de l’interprétation moderne … “Lorsqu’une histoire comprend un phénomène marqué par la décohérence, il ne peut y avoir de cohérence pour une propriété ultérieure qui contredirait ce phénomène ou ses conséquences. On ne peut pas logiquement le nier. Il donne lieu à un enregistrement indélébile qui conserve ses conséquences, même s’il est effacé ou se dissipe. Il reste présent dans les détails internes des fonctions d’onde, la décohérence interdisant la cohérence de sa négation. Toute histoire qui tenterait de la nier (ou tenterait de nier ses conséquences ultérieures) violerait nécessairement les conditions de cohérence, et donc les règles, de la logique.
Nous sommes parvenus à l’ère du ” passage d’un monde structuré par des frontières et des enceintes à un monde de plus en plus dominé, à toutes les échelles, par des connexions, des réseaux et des flux…”. Aujourd’hui, le réseau, plutôt que l’enceinte, apparaît comme l’objet désiré et contesté : le double domine désormais. L’extension et l’enchevêtrement l’emportent sur la clôture et l’autonomie ” Pour exagérer ce problème, Vlatko Vedral a noté que la connectivité dans les phénomènes naturels peut en fait être mieux que parfaite. On s’en est rendu compte pour la première fois lorsque les physiciens ont essayé de déduire les lois qui régissent le comportement des petits objets… dans l’étude de la physique quantique. .… Les électrons sont comme de petites toupies, chacun tourne à sa façon, en fonction des circonstances extérieures. (…)
La connectivité est devenue la caractéristique déterminante de notre condition urbaine du XXIe siècle. « Mais nous avons besoin d’une imperfection planifiée, pas d’une correspondance exacte, …l e réseau ultime fonctionnera par les moyens quantiques et magiques de la physique quantique…” … Une solution consiste à introduire une non-linéarité effective par des mesures résultant d’opérations de portes probabilistes. Dans le calcul quantique à sens unique, l’erreur de mesure quantique aléatoire peut être surmontée en appliquant une technique de rétroaction, de sorte que la base des mesures futures dépende des résultats des mesures précédentes. … Le calcul quantique à sens unique est basé sur des états multiparticulaires hautement intriqués, appelés “états groupés”, qui constituent une ressource pour le calcul quantique universel. L’intrication établie entre des systèmes quantiques situés à différents endroits permet la communication privée et la téléportation quantique, et facilite le traitement quantique de l’information. L’intrication distribuée est établie en préparant une paire de particules quantiques intriquées à un endroit et en transportant un membre de la paire à un autre endroit. Cependant, la décohérence pendant le transport réduit la qualité (fidélité) de l’intrication. Un protocole de “purification” de l’intrication a été proposé afin d’améliorer la fidélité après le transport.‘Cependant, les “probabilités de réussite n’étaient (que) supérieures à 35 %”.“L’architecture multisegmentée de piège utilisée ici devrait permettre de distribuer les particules intriquées à des endroits distincts afin d’explorer des protocoles répétitifs dans de futures expériences.’
Pour Leavis, il est “évident” que nous voyons (dans l’ode de Keats “To Autumn”) les arbres noueux et robustes avec leurs enchevêtrements de feuilles très chargées, bien que le poème n’en dise rien. De son côté,le physicien Roland Omnès, dans Comprendre la mécanique quantique, clarifie la condition et la laisse en suspens lorsqu’il note que “l’état enchevêtré est une superposition quantique de deux systèmes physiques distincts. (Ainsi un état de deux réalités dans un collage.) C’est une situation très fréquente car tout système composite dont la fonction d’onde n’est pas simplement un produit des fonctions d’onde de ses composants est enchevêtré.’ (Métaphoriquement, la relation entre la cognition et l’esthétique.)
Read and filmed by Prof. Alan Macfarlane
John S. Bell a été plus concis dans son article de 1986 : il y a “des contreparties mathématiques dans la théorie à des événements réels à des endroits et des moments définis dans le monde réel (par opposition aux nombreuses constructions purement mathématiques qui se produisent dans l’élaboration des théories physiques, par opposition aux choses qui peuvent être réelles mais non localisées, et par opposition aux “observables” d’autres formulations de la mécanique quantique, pour lesquelles nous n’avons aucune utilité ici). Un morceau de matière est donc une galaxie de tels événements. En tant que parallélisme psychophysique schématique, nous pouvons supposer que notre expérience personnelle est plus ou moins directement constituée d’événements dans des morceaux de matière particuliers, nos cerveaux, lesquels événements sont à leur tour corrélés avec des événements dans nos corps dans leur ensemble, et ceux-ci à leur tour avec des événements dans le monde extérieur où, comme le note Karl Popper, “toutes les mesures de l’élan reviennent à des mesures de la position”. John S. Bell écrit : “… l’observation, même lorsque l’on fait la moyenne de tous les résultats possibles, est une interférence dynamique avec le système qui peut modifier les statistiques des mesures ultérieures.… ainsi que la croyance que les instruments ne sont après tout rien d’autre que de grands instruments de mesure.
La formulation quantique est construite sur un ensemble de quatre postulats, ainsi que sur la relation de commutation position-momentum, les propriétés de convergence de l’espace de Hilbert et le théorème d’expansion. Le dernier ingrédient restant à considérer est également l’un des plus déroutants. Il s’agit du traitement mathématique de l’indiscernabilité.…. Les pommes sont distinctes parce qu’elles occupent des régions de l’espace sensiblement différentes… Le fait est que les électrons, comme toutes les particules d’onde quantique, sont indiscernables. … L’indiscernabilité est une propriété des particules quantiques qui est intrinsèquement liée à leur nature onde-particule, tout comme leur relation de commutation position-impulsion et le principe d’incertitude de Heisenberg. Tous ces problèmes sont un seul problème.
En tant que poètes écrivant après la fin de l’histoire, nous n’avons peut-être aucun problème à comprendre les déclarations de William Mitchell (dans Me ++ The Cyborg Self and the Networked City), selon lesquelles « le monde numérique est logiquement, spatialement et temporellement discontinu » et « les discontinuités produites par les réseaux résultent de la recherche de l’efficacité, de la sûreté et de la sécurité. » Cela ne convient pas lorsqu’il écrit que « si vous voulez construire des structures complexes », vraisemblablement comme des poèmes peuvent l’être, il ne sert à rien d’essayer de « minimiser les erreurs et de corriger automatiquement les erreurs lorsqu’elles se produisent. » Les widgets à l’échelle nanométrique cliquent directement sur le quantum mécanique; c’est un monde d’écume, d’interférence, de déséquilibre, d’incertitude et de confiance.
Exposés sur la décohérence
Video. Olivier Brossard © Allen Fisher, Kent in Paris, UPEM, double change, Olivier Brossard, 2018.
Bernard Williams interroge : « Les notions de vérité et de véracité peuvent-elles être intellectuellement stabilisées, de telle sorte que ce que nous comprenons de la vérité et nos chances d’y parvenir puissent être mis en adéquation avec notre besoin de véracité ? »
De fait, la poésie peut-elle « s’adapter » à notre besoin de langage commun lorsque « la Vérité en tant qu’idéal conserve son pouvoir… » Car n’y a aucun pouvoir sans violence (ou dégradation) , ce qui ne permet pas l’éclosion d’une esthétique efficace.
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- Sara Sand /Stina Aronson, poète et féministe suédoise - 31 mars 2019
- Artaud, poète martyr au soleil noir pulvérisé - 3 mars 2019
- Le Retour de Mot à Maux - 3 mars 2019
- Beatritz : le Dolce stile Novo revisité de Mauro de Maria - 3 mars 2019
- Poésie-première 72 : l’intuitisme - 3 mars 2019
- Angèle Paoli & Stephan Causse Rendez-vous à l’arbre bruyère, Stefanu Cesari, Bartolomeo in Cristu - 3 février 2019
- Judith Rodriguez, Extases /Ecstasies (extrait) - 3 février 2019
- Didier Arnaudet & Bruno Lasnier, Laurent Grison, Adam Katzmann - 4 janvier 2019
- “Poésie vêtue de livre” : Elisa Pellacani et le livre d’artiste - 4 janvier 2019
- Georges de Rivas : La Beauté Eurydice (extraits inédits) - 4 janvier 2019
- Elisa Pellacani : Book Secret, Book Seeds & autres trésors - 4 janvier 2019
- Un petit sachet de terre, aux éditions La Porte - 5 décembre 2018
- Wilfrid Owen : Et chaque lent crépuscule - 5 décembre 2018
- “Dissonances” numéro 35 : La Honte - 3 décembre 2018
- Luca Ariano : extraits de Contratto a termine - 3 décembre 2018
- Wilfrid Owen : Et chaque lent crépuscule (extraits) - 3 décembre 2018
- REVU, La revue de poésie snob et élitiste - 16 novembre 2018
- Apollinaire, Le Flâneur des deux rives - 5 novembre 2018
- Un Album de jeunesse, et Tout terriblement : centenaire Apollinaire aux éditions Gallimard - 5 novembre 2018
- “Apo” et “Le Paris d’Apollinaire” par Franck Ballandier - 5 novembre 2018
- Giancarlo Baroni : I Merli del giardino di San Paolo / Les Merles du Jardin de San Paolo (extraits) - 5 novembre 2018
- Sophie Brassart : Combe - 5 octobre 2018
- Michele Miccia — Il Ciclo dell’acqua / Le Cycle de l’eau (extrait) - 5 octobre 2018
- Alain Fabre-Catalan et Eva-Maria Berg : “Le Voyage immobile, Die Regungslose Reise” - 5 octobre 2018
- Revue “Reflets” numéro 28 — dossier spécial “Poésie” - 5 octobre 2018
- Florence Saint-Roch : Parcelle 101 - 5 octobre 2018
- Les Cahiers du Loup Bleu - 4 septembre 2018
- Sanda Voïca : Trajectoire déroutée - 4 septembre 2018
- Les Revues “pauvres” (1) : “Nouveaux Délits” et “Comme en poésie” - 4 septembre 2018
- Résonance Générale - 4 septembre 2018
- Pascale Monnin : la matière de la poésie - 6 juillet 2018
- D’Île en Elle : Murièle Modély, de “Penser maillée” à “Tu écris des poèmes” - 5 juillet 2018
- Créolités et création poétique - 5 juillet 2018
- La Revue Ornata 5 et 5bis, et “Lac de Garance” - 3 juin 2018
- Journal des Poètes, 4/2017 - 5 mai 2018
- “En remontant l’histoire” du Journal des Poètes - 5 mai 2018
- Patrick Williamson, Une poignée de sable et autres poèmes - 6 avril 2018
- Revue Traversées - 6 avril 2018
- Daniele Beghè, Manuel de l’abandon (extraits) - 6 avril 2018
- Jean-Charles Vegliante, Où nul ne veut se tenir - 2 mars 2018
- La revue Cairns - 1 mars 2018
- Denise Desautels : La Dame en noir de la poésie québecoise - 26 janvier 2018
- La Passerelle des Arts et des Chansons de Nicolas Carré - 21 novembre 2017
- Revue Alsacienne de Littérature, Elsässische Literaturzeitchrift, “Le Temps” - 20 novembre 2017
- Jacques Sicard, La Géode & l’Eclipse - 14 novembre 2017
- Nouvelles de la poésie au Québec : Claudine Bertrand - 16 octobre 2017
- Martin Harrison - 2 octobre 2017
- visages de l’Australie, Carole Jenkins - 2 octobre 2017
- Feuilletons : Ecritures Féminines (1) - 2 octobre 2017
- Beverley Bie Brahic - 1 octobre 2017
- Entretien Hélène Cixous et Wanda Mihuleac - 15 septembre 2017
- Laurent Grison, L’Homme élémentaire et L’œil arpente l’infini - 15 septembre 2017
- John Ashbery : Le Serment du Jeu de Paume - 1 juillet 2017
- Patricia Spears Jones - 30 juin 2017
- Les Débuts de Cornelia Street Café, scène mythique de la vie littéraire new-yorkaise - 16 juin 2017
- Au Café Rue Cornelia, Village de l’Ouest, New York : Une Conversation - 15 juin 2017
- Voix féminines dans la poésie des Rroms : Journal des Poètes 4, 2016 et 1, 2017 - 19 avril 2017
- “Mahnmal Waldkirch” et quatre traductions - 18 avril 2017
- Eva-Maria Berg, poème pour le Mémorial de Waldkirch - 18 avril 2017
- “La Mémoire des branchies” et “Debout”, deux recueils d’Eva-Maria BERG. - 21 mars 2017
- Judith Rodriguez : l’aluminium de la poésie - 3 février 2017
- choix de poèmes de Carole JENKINS traduits par Marilyne Bertoncini - 31 janvier 2017
- Feuilletons… Rome DEGUERGUE, Marie-Ange SEBASTI, Chantal RAVEL Christophe SANCHEZ, Gérard BOCHOLIER - 21 janvier 2017
- GUENANE et Chantal PELLETIER, aux éditions de La Sirène étoilée - 9 décembre 2016
- Muriel STUCKEL, Du ciel sur la paume. - 9 décembre 2016
- PING-PONG : Gili Haimovich - 25 novembre 2016
- Aux éditions Henry — Valérie CANAT de CHIZY, Laurent GRISON - 16 novembre 2016
- Le Journal des Poètes, Phoenix et Le Festival Permanent des Mots - 8 novembre 2016
- Ping-Pong : Deux poèmes et un entretien avec Kent Mac Carter - 31 octobre 2016
- Poèmes de Jan Owen traduits par Marilyne Bertoncini - 20 octobre 2016
- James Byrne, Une poèsie qui vous explose - 30 septembre 2016
- Fil de lecture de Marilyne Bertoncini : autour de Dominique CHIPOT - 17 septembre 2016
- Trois recueils illustrés — John TAYLOR, Sabine HUYNH, Anna JOUY - 10 juillet 2016
- Fil de Lecture de Marilyne BERTONCINI : Eloge du silence et de la légèreté, Eric DUBOIS, Cédric LANDRY - 10 juillet 2016
- Ara Alexandre Shishmanian, Fenêtre avec esseulement - 30 juin 2016
- Denis EMORINE : Bouria, Des mots dans la tourmente - 25 juin 2016
- Cahiers Littéraires Internationaux Phoenix n°20, Hiver 2016 - 20 avril 2016
- Xavier Bordes, La Pierre Amour - 19 mars 2016
- Entretien avec Shuhrid Shahidullah - 24 février 2016
- Pierre Perrin : Une Mère, le cri retenu - 21 février 2016
- Fil de Lecture de Marilyne Bertoncini : Nouveautés des 2Rives - 22 décembre 2015
- Angèle Paoli : Tramonti - 1 décembre 2015
- BARRY WALLENSTEIN - 29 septembre 2015
- Eric Dubois, Le Cahier, Le Chant Sémantique - 13 septembre 2015
- La poésie de Jan Owen - 5 décembre 2014
- Un regard sur la poésie anglaise actuelle (3) - 30 septembre 2014
- Martin Harrison vient de nous quitter - 9 septembre 2014
- Un regard sur la poésie anglaise actuelle (2). Géraldine Monk présentée par Steven J. Fowler et traduite par Marilyne Bertoncini - 16 juin 2014
- Un regard sur la poésie anglaise actuelle (1) - 9 mai 2014
Notes